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À Los Angeles, des citoyens dénoncent les raids de la police de l’immigration de Trump.

ICE, la police fédérale de l’immigration, mène des raids massifs, surtout dans certaines grandes villes, en raison d’une promesse de campagne de Donald Trump visant à organiser « la plus grande opération d’expulsion de l’histoire des États-Unis ». Sur les sept premiers mois de l’année, le nombre d’arrestations en Californie a augmenté de 78%, selon des données publiées par le « Deportation Data Project » de l’Université de Californie à Berkeley.


C’était l’une des promesses de campagne de Donald Trump : organiser « la plus grande opération d’expulsion de l’histoire des États-Unis ». Pour cela, ICE, la police fédérale de l’immigration, effectue des raids massifs, en particulier dans des grandes villes ciblées par l’administration Trump.

C’est notamment le cas à Los Angeles, dirigée par les démocrates, où les arrestations se font parfois simplement sur la base de l’apparence. Si de nombreux électeurs de Donald Trump soutiennent cette politique, des groupes citoyens s’opposent à ces pratiques.

Des bénévoles s’organisent pour traquer ICE. Ils patrouillent dans les quartiers pour repérer les raids en cours et tentent d’informer les citoyens de la présence de cette police de l’immigration. Leur but est aussi de documenter les interventions des agents fédéraux pour garantir une bonne application des lois, dans un contexte de peur croissante et de surveillance fédérale accrue. Nous les avons suivis dans les rues de Los Angeles.

### Patrouille de citoyens à Los Angeles

Ils nous ont donné rendez-vous à 5h30 du matin sur un parking discret du quartier d’“Historic South Central”. De là, on commence à voir au loin les gratte-ciels du centre-ville de Los Angeles.

À notre arrivée, Francisco Romero et Ron Gochez discutent déjà de l’itinéraire précis qu’ils emprunteront ce matin.

Ces deux hommes sont des citoyens américains, habitants de Los Angeles, et membres du groupe « Unión del Barrio », une organisation de bénévoles qui lutte pour les droits de la communauté latino-américaine.

Ce jour-là, ils s’apprêtent à patrouiller dans ce quartier de la deuxième ville des États-Unis, choisi pour sa forte population d’origine latino-américaine.

« Hier, notre communauté a été touchée par quelques opérations de ICE dans ce quartier », explique Francisco Romero, surnommé « Chavo ». « Donc nous allons patrouiller dans la zone où c’est arrivé. »

### Des « patrouilles de défense de la communauté »

Depuis fin janvier, avec le retour au pouvoir de Donald Trump, ils ont commencé à organiser ce qu’ils appellent « des patrouilles de défense de la communauté ». Sur un de leurs véhicules, ils apposent une bande magnétique portant l’inscription « Community Patrol. Protecting Communities from ICE & Police Terror » (Patrouille communautaire. Protéger les communautés contre la terreur de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) et de la police). Les autres véhicules sont banalisés pour plus de discrétion.

Nous suivons Francisco Romero, qui prend place sur le siège passager d’une voiture sans banderole magnétique. Il sera le « sentinelle », ouvrant l’œil pendant toute la durée de la patrouille, accompagné au volant par une dame souhaitant rester anonyme. Elle aussi est bénévole et participe à ces patrouilles.

Francisco se connecte directement aux réseaux sociaux pour informer les citoyens que la patrouille est en route. Il filme la route pour diffuser son emplacement en temps réel. Il délivre un message, d’abord en anglais, puis en espagnol : « Si vous remarquez quelque chose de suspect, merci de nous contacter et de nous transmettre l’information. Nous restons toujours vigilants et en alerte. » La patrouille est lancée.

### Filmer, photographier, pour documenter les agissements de ICE

Un peu plus loin, Francisco nous montre une photo publiée sur une plateforme citoyenne à laquelle il est connecté. « Regardez ça, c’est en face d’un restaurant de Los Angeles. C’était hier à 8h30 du matin. La victime au sol, et un, deux, trois, quatre, cinq kidnappeurs qui l’embarquent. »

Pour lui, ces arrestations sont souvent injustifiées, et il critique les méthodes d’intervention de ICE qui ciblent principalement des travailleurs d’origine sud-américaine. « Ils visent les magasins de bricolage ou les stations de lavage, là où les gens se rassemblent. C’est une nouvelle tactique pour arrêter plus de personnes à la fois. »

ICE, dans ses communications officielles, réfute ces observations, parlant d’actions ciblées sur ceux jugés comme représentant la plus grande menace pour la sécurité publique.

### Une plainte à 50 millions de dollars

Rafie Ollah Shouhed, un homme de 79 ans, a déposé une plainte administrative fédérale de 50 millions de dollars. Il affirme avoir été violemment plaqué au sol et détenu par des agents fédéraux de l’immigration.

### Forte augmentation des arrestations en Californie

Depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, le nombre d’arrestations en Californie a augmenté de 78%. Ce chiffre significatif est issu d’une analyse du San Francisco Chronicle basé sur des données du « Deportation Data Project » de la faculté de droit de l’Université de Californie à Berkeley.

### Des formations pour ne pas se faire arrêter

En patrouillant et en relayant des informations sur les interventions des agents fédéraux sans s’interposer, ces citoyens essaient d’agir dans le cadre de la légalité. « Certains de nos membres ont été arrêtés, mais nous savons que nous ne faisons rien d’illégal. Clairement, nous ne voulons pas nous faire arrêter », plaide Ron Gochez.

Il participe donc à des sessions d’information pour éviter ce scénario. « Nous enseignons aux volontaires comment éviter d’être arrêtés. Nous leur apprenons à ne pas s’interposer physiquement, car cela mène à une arrestation. Donc nous documentons, filmons et postons les informations sur les réseaux sociaux. »

### La crainte d’une escalade

Ron Gochez craint que, si ICE continue d’attaquer les citoyens, cela provoque une escalade de violence « dans les deux camps ». Lorsqu’ils repèrent une patrouille ICE, il utilise un mégaphone pour alerter le quartier de leur présence, espérant dissuader les interventions fédérales.

### Des « kidnappings » signalés à la police

Souvent, au moment où ils constatent une intervention de ICE, les citoyens appellent la police de Los Angeles pour signaler un « acte de kidnapping ». « Ils décrivent des groupes de cinq ou six hommes masqués kidnappant des gens », explique Meghan Aguilar, inspectrice à la police de Los Angeles.

Cependant, quand la police locale arrive et constate qu’il s’agit d’une intervention de ICE, leur rôle consiste à assurer la sécurité, car ils n’ont pas l’autorité pour stopper les actions des agents fédéraux. La police de Los Angeles ne participe pas à l’application des lois sur l’immigration et doit éviter de contribuer à la confusion entre les agents fédéraux et les forces de l’ordre locales.

### C’est « moins de sécurité pour les citoyens de la communauté »

Meghan Aguilar souligne que cela rend leur travail plus difficile. La peur générée par les interventions de ICE érode la confiance des citoyens, compliquant les enquêtes sur les crimes, et entraînant « moins de sécurité pour les citoyens de la communauté ».