Paris : Mashama Bailey, la meilleure cheffe des États-Unis, arrive à Paris
Une nouvelle brasserie, L’Arrêt by The Grey, a ouvert au 36 rue de l’Université dans le VIIe arrondissement de Paris, dirigée par la cheffe Mashama Baile. En 2022, Mashama Baile a été sacrée « meilleure cheffe des États-Unis » par la James Beard Foundation.
Au 36 rue de l’Université, dans le VIIe arrondissement de Paris, une nouvelle brasserie a récemment ouvert ses portes. Avec ses banquettes en cuir et ses grands lustres, on aurait pu s’attendre à déguster une délicieuse soupe à l’oignon et une bonne purée saucisse. Toutefois, au restaurant L’Arrêt by The Grey, les plats s’inspirent de la tradition culinaire afro-américaine du sud des États-Unis. Au menu, on trouve des middlins, un plat composé de riz brisé, de crevettes et de poisson, ainsi que du fried fish and grits, du mac’n’cheese et du chicken country captain.
À la tête de cet établissement parisien se trouve Mashama Bailey, une Américaine reconnue dans le monde de la gastronomie. En 2022, cette Afro-Américaine, née dans le Bronx et ayant grandi entre le Queens et Savannah en Géorgie, a été couronnée « meilleure cheffe des États-Unis » par la James Beard Foundation. En 2014, elle a ouvert le Grey à Savannah, en Géorgie, dans une ancienne gare routière où la ségrégation régnait autrefois. Dix ans plus tard, c’est à Paris que Mashama et son partenaire de toujours, Johno Morisano, reprennent L’Espérance. Les deux Américains souhaitent conserver l’âme du bistrot parisien tout en y intégrant la générosité et les saveurs de la cuisine du sud des États-Unis.
Quand la cuisine raconte l’histoire et le métissage
Pour comprendre la cuisine de Mashama Bailey, il est essentiel de se plonger dans son histoire. Rien ne la prédestinait à devenir une grande cheffe. « Je pense que mon rapport à la cuisine a commencé quand j’avais 16-17 ans. Aux États-Unis, il n’y a pas de cursus scolaire comme chez vous pour apprendre tôt la cuisine », explique la cheffe. « J’aimais la nourriture, et je me souviens que ma grand-mère, qui était en Géorgie, m’a emmenée dans une boutique spéciale. On y préparait du pain, des bagels et ils vendaient des poissons. J’ai trouvé cela tellement excitant avec tous ces ingrédients que je n’avais jamais vus auparavant », se remémore Mashama. Cependant, malgré ses beaux souvenirs, son désir de gagner de l’argent et d’avoir un emploi stable l’a éloignée des fourneaux. Elle a débuté sa carrière en travaillant dans le social à New York, puis en s’occupant de l’accueil des clients dans un studio de pilates, bien loin des casseroles. Sa nouvelle vie dans les restaurants a commencé suite à un licenciement ; elle a alors décidé de retourner à l’école et de s’inscrire à l’école de cuisine new-yorkaise de Peter Kump.
Son lien avec la France s’est formé lors d’un programme d’alternance-étude en Bourgogne. « J’ai fini par travailler dans un château pendant trois mois. Je ne savais pas si je voulais travailler dans un restaurant, mais quand je suis rentrée, j’ai su que je voulais me concentrer sur la cuisine du sud ». La cheffe exprime cette histoire du terroir à travers ses nouvelles assiettes parisiennes. Pour le dîner, elle fait appel à des techniques apprises lors de son apprentissage au domaine de La Varenne : beurre maître d’hôtel, foie gras poêlé, purée d’ail, carpaccio de bœuf aux noix de pécan ou pickles de gombo. Comme son identité, les influences culinaires de Mashama sont multiples. « En étant afro-américaine, vous ne savez pas totalement ce que vos ancêtres ont aimé manger ou cuisiner et vous ne savez pas d’où ils viennent. Avec la cuisine, je veux m’assurer que les traditions que j’ai vécues restent vibrantes, colorées, et que les gens puissent voir ce que l’histoire dit de nous », ajoute l’Américaine.

Voir Paris comme un refuge
Pour comprendre le souhait d’établir sa troisième adresse à Paris, il faut se tourner vers Johno Morisano, son ami et associé. Tous deux nés dans l’Etat de New York, c’est lui qui a sollicité Mashama pour leur premier restaurant. « J’ai acheté le lieu à Savannah en 2012. J’ai alors cherché un chef et un associé pour ouvrir le restaurant. C’est la cheffe Gabrielle Hamilton qui m’a fait connaître Mashama. Pour moi, ça a été un coup de foudre dès que je l’ai vue… Pour elle, ce n’était pas le cas ! » s’amuse l’homme d’affaires, les yeux pétillants d’admiration pour son amie. Entre leurs divers projets, ils ont multiplié les allers-retours entre les États-Unis et Paris, notamment pour écrire Black, White and The Grey: The Story of an Unexpected Friendship and Beloved Restaurant.
Si c’est Johno qui a rêvé d’ouvrir une adresse à Paris, leur arrivée en France offre une nouvelle perspective sur la cuisine afro-américaine, bien loin du poulet frit. « Il me disait régulièrement : “Tu sais quoi ? Je pense que ta cuisine serait très appréciée à Paris” », confie Mashama, « En plus, il y a beaucoup de descendants africains à Paris. Je pense que c’est un bon choix de s’installer ici pour ça, mais aussi parce qu’un grand nombre d’Américains se sont expatriés ici ces vingt dernières années. » Dans leur brasserie, bien qu’ils rêvent de recevoir Bruce Springsteen, Oprah Winfrey et Kevin Hart, Mashama souhaite aussi rencontrer « les gens normaux qui voient Paris comme un refuge. »

