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Le vote de l’ONU en soutien au Maroc, tournant majeur dans la crise.

Ce vendredi soir, des milliers de Marocains ont célébré un vote du Conseil de sécurité de l’ONU soutenant le plan du Maroc pour le Sahara occidental. Aujourd’hui, 80% du Sahara occidental est contrôlé par le Maroc et 20% par le Polisario.


Ce vendredi soir, des cris de joie ont résonné dans les rues de Rabat. Des milliers de Marocains ont célébré un vote du Conseil de sécurité de l’ONU qu’ils considèrent comme une « victoire diplomatique » pour le plan du Maroc concernant le Sahara occidental.

Ce vaste territoire désertique de 266 000 km², situé sur la côte atlantique, était colonisé par les Espagnols jusqu’en 1975. Actuellement, il est majoritairement contrôlé par le Maroc, mais son statut post-colonial reste le seul non résolu sur le continent africain.

Un conflit oppose les autorités marocaines aux indépendantistes du Front Polisario. Les premiers souhaitent que ce territoire acquière son autonomie sous la souveraineté marocaine, tandis que les seconds, soutenus par l’Algérie, réclament un référendum d’autodétermination depuis de nombreuses années.

Jusqu’à présent, les Nations unies considéraient ce territoire comme un « territoire non autonome ». Le Conseil de sécurité a exhorté le Maroc, le Polisario, l’Algérie et la Mauritanie à reprendre des négociations, interrompues depuis 2019, afin d’atteindre une « solution politique réalisable, durable et mutuellement acceptable ». Dans cette perspective, une mission de maintien de la paix des Nations Unies, la Minurso, est présente sur place depuis 1991 pour aider à l’organisation d’un référendum.

À l’initiative des États-Unis, responsables de ce dossier au sein du Conseil, la résolution adoptée a obtenu 11 voix pour, aucune contre et trois abstentions (de la Russie, de la Chine et du Pakistan), l’Algérie ayant refusé de participer au vote. Elle apporte un soutien significatif au plan présenté par Rabat en 2007, estimant qu’une « véritable autonomie sous souveraineté marocaine pourrait représenter la solution la plus réalisable ».

La résolution adoptée prolonge également d’un an la mission de maintien de la paix de l’ONU au Sahara occidental, tout en demandant au secrétaire général de fournir une « évaluation stratégique » dans les six mois.

Selon Pierre Vermeren, professeur d’histoire à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et spécialiste du Maghreb, « C’est un tournant majeur dans ce conflit. Jusqu’à présent, la plupart des grands alliés du Maroc soutenaient son plan d’autonomie, mais le dernier facteur de blocage était l’ONU. Or, c’est l’ONU qui est responsable de ce dossier, c’est elle qui tranche. Ce vote est donc un tournant sans retour. »

Pour ce spécialiste, le plus grand revirement de position dans ce vote ne provient pas des pays ayant voté, mais plutôt de ceux qui se sont abstenus.

Après l’annonce en 2020 par Donald Trump de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, le Maroc a successivement obtenu le soutien de plusieurs pays dont l’Espagne, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Selon Pierre Vermeren, « Mais le fait que des alliés historiques de l’Algérie comme la Chine et la Russie – qui ont un droit de veto au Conseil de l’ONU – se soient abstenus, est ce qui a permis cette évolution du dossier. »

Il se demande pourquoi la Chine et la Russie ont laissé faire, sachant que le Maroc est lié à Israël, elle-même alliée des États-Unis. Ces abstentions pourraient être expliquées par le lobbying intense mené par le Maroc depuis plusieurs années. Selon l’historien, « Il existe une diplomatie marocaine extrêmement active qui a plaidé sa cause partout, notamment à Pékin et à Moscou. C’est un travail ancien et soutenu qui s’est intensifié ces dernières années sur les pays hostiles à ce plan marocain. »

Suite à ce vote, les regards se tournent maintenant vers l’Algérie. Va-t-elle considérer que ce conflit ancien ne lui rapporte plus grand-chose et décider de solder les comptes, ou va-t-elle continuer à soutenir le Front Polisario ?

« Si l’Algérie décide de ne pas se laisser faire, on pourrait voir plusieurs mouvements de résistance. Si elle adopte une réaction modérée, les choses pourraient aller assez vite, car sans le soutien de l’armée algérienne, le Front Polisario perdra un soutien crucial. »

L’Algérie a besoin de partenaires internationaux et ne peut pas se mettre à dos tout le monde. De son côté, le représentant du Front Polisario à New York, Sidi Omar, a déjà précisé que le vote du Conseil ne constitue pas une « reconnaissance de l’occupation militaire marocaine » et a qualifié le plan de Rabat de « parodie » qui « ne vaut pas plus que le papier sur lequel il est écrit ».

Le Front Polisario réaffirme « la détermination sans faille du peuple sahraoui dans sa lutte contre la libération et l’indépendance », a-t-il déclaré, précisant que le plan ne serait accepté que si la population sahraouie le validait par référendum.

Pierre Vermeren estime que le vote de l’ONU a un poids diplomatique significatif. « L’Algérie a besoin de partenaires internationaux. Elle a besoin d’être au mieux avec les Américains pour l’exploitation pétrolière au Sahara. Elle ne peut pas se fâcher avec tout le monde et elle constate que, finalement, l’alliance russe n’est pas aussi fiable qu’elle semblait l’être il y a quelques années. »

Au-delà des ressources (il n’y a pas de pétrole dans la région mais du phosphate, dont disposent déjà les deux pays), ce territoire représente avant tout un enjeu patriotique et militaire pour l’Algérie et le Maroc.

« Les deux armées se font face au Sahara occidental depuis des décennies. Elles ont pris l’habitude de la double solde, des équipements militaires, etc. C’est un aspect qu’il ne faut pas négliger car il pourrait y avoir une résistance des armées qui voudraient rester sur place pour continuer à bénéficier des avantages matériels liés à cette crise. L’hypothèse la plus crédible, malheureusement, est que les deux armées continueront à se faire face, mais on peut également espérer un dénouement à ce dossier sahraoui”, conclut Pierre Vermeren.