Humeur : La Tunisie que l’on aime se réinvente.
À Kairouan, une jeune ingénieure agronome a transformé la ferme familiale en laboratoire d’agriculture régénératrice. À Sfax, un ancien technicien industriel devenu entrepreneur fabrique des briques écologiques à base de déchets de palmiers et de sable local.

La Presse — Aujourd’hui, la Tunisie ressent un besoin de renouveau. Elle souhaite renouer avec ses opportunités, malgré les incertitudes économiques, certaines tensions et les transitions en cours.
Dans divers ateliers, laboratoires et champs, des Tunisiens s’engagent à redéfinir leur pays, patiemment et à leur manière.
Ils ne se contentent plus d’attendre des solutions venant d’en haut : ils les créent, souvent à petite échelle, mais avec une détermination silencieuse.
De plus en plus, les Tunisiens tracent leur propre voie, transformant chaque contrainte en moteur et chaque acte créatif en ressource économique.
Cette dynamique, encore fragile, illustre un changement de mentalité : valoriser l’innovation locale pour construire une valeur durable. Et les exemples ne manquent pas !
À Kairouan, une jeune ingénieure agronome a métamorphosé la ferme familiale en laboratoire d’agriculture régénératrice.
Sur des terres dégradées, elle replante des oliviers résistants à la sécheresse et irrigue grâce à un système solaire artisanal.
Son huile, récompensée à Milan, illustre mieux que n’importe quel discours la force tranquille de cette Tunisie qui continue de croire en elle.
À Sfax, un ancien technicien industriel devenu entrepreneur produit des briques écologiques à partir de déchets de palmiers et de sable local.
Son atelier, établi avec des ressources limitées, fournit aujourd’hui plusieurs chantiers publics. « L’économie verte, ce n’est pas un luxe. C’est une nécessité économique », affirme-t-il.
À Tozeur, des femmes tressent des palmes pour concevoir des objets décoratifs destinés à l’exportation à Paris ou à Dubaï.
À Mahdia, un collectif de pêcheurs pratique la capture sélective pour préserver la biodiversité marine. Bien que ces initiatives n’atteignent pas les gros titres, elles transforment en profondeur le visage du pays.
Pendant ce temps, à Tunis, des start-up parient sur l’intelligence artificielle, les biotechnologies et la finance durable.
Certaines exportent déjà leurs solutions vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Ces réussites sont le fruit d’une nouvelle génération d’entrepreneurs qui ne se contentent plus de « réussir », mais cherchent à donner un sens à leurs actions. Leur objectif : créer ici ce qui était auparavant recherché ailleurs.
L’économie tunisienne traverse une période difficile. Le poids de la dette, la dépréciation du dinar et la lenteur administrative freinent les initiatives.
Cependant, sur le terrain, une mutation silencieuse est en cours. Les jeunes diplômés s’engagent dans des coopératives, les artisans renouent avec les matières naturelles et les designers les transforment en produits contemporains.
Pour la Tunisie, se réinventer ne signifie pas seulement innover : c’est également restaurer le lien entre l’économie et la société.
Durant trop longtemps, la croissance a été évaluée par des chiffres et des bilans. À présent, elle s’apprécie à travers les gestes, les projets et les visages.
Chaque réussite locale envoie un message : il est encore possible de bâtir une économie à taille humaine, créative et responsable ici.
Les institutions s’adaptent progressivement. L’économie sociale et solidaire prend forme. Les appels à projets pour l’entrepreneuriat féminin ou vert se multiplient.
Les universités s’intègrent davantage à l’écosystème des start-up, et la diaspora commence à revenir, apportant idées et investissements.
Au fond, tout cela rappelle qu’il ne faut jamais perdre espoir. Car peut-être, dans quelques années, on pourra dire que c’est durant cette période de transition que la plus belle des transformations a débuté : celle d’un pays qui a choisi de croire en sa capacité de se réinventer.
Saoussen BOULEKBACHE

