France

Euthanasies en clinique : bien accompagner la fin de vie animale

Un an et demi après le décès de Gappe, un dogue argentin blanc de 13 ans, Margaux, 36 ans, évoque le moment où elle a choisi de l’euthanasier. Yessenia Alves Leiva, vétérinaire en Ile-de-France, a constaté que la fin de vie des animaux de compagnie était « délaissée » malgré les enjeux émotionnels pour les propriétaires.


Un an et demi après la mort de Gappe, un dogue argentin blanc de 13 ans, Margaux, 36 ans, éprouve encore de la peine à évoquer le moment où elle a pris la décision de l’euthanasier. Son « bébé », qu’elle avait accueillie à l’âge de deux mois, souffrait de nombreux problèmes de santé. Bien que souvent sous-estimés, le processus de fin de vie et le deuil d’un animal de compagnie se révèlent extrêmement douloureux pour leurs propriétaires. Plus de la moitié des Français possèdent un animal, selon le dernier baromètre Facco-Odoxa.

En France, quelques vétérinaires ont choisi de se spécialiser dans ce domaine, proposant un accompagnement adapté, à l’image de Yessenia Alves Leiva en Île-de-France ou de Marie Cibot en Bretagne. Après avoir travaillé en clinique vétérinaire, Yessenia Alves Leiva a constaté que la fin de vie était souvent « délaissée », bien que des maladies comme les cancers ou les maladies rénales soient des causes fréquentes de décès chez les animaux domestiques. « Les euthanasies en clinique me laissaient toujours un goût amer, se remémore-t-elle, ce n’est pas un lieu adapté, il manque quelque chose pour l’animal et les humains qui traversent ce moment difficile. »

La mort de sa chienne en 2014, atteinte d’une tumeur osseuse ayant évolué en cancer généralisé, a été un révélateur pour elle. Elle l’a accompagnée pendant trois mois avant de décider de l’euthanasier chez elle. « C’est le meilleur endroit pour mourir pour les animaux, chez eux, sans stress et dans un cadre confortable, dit-elle. Cela m’a conduit à vouloir me consacrer uniquement à cette période de vie, à la préparation de la mort, ainsi qu’au soutien des gens après la perte de leur animal. » Depuis 2021, elle se dédie entièrement à cette pratique.

Pour Margaux, ce soutien « exceptionnel » a « facilité » la fin de vie de Gappe, suivi par la docteure Alves Leiva qu’elle a contactée à la recherche d’un vétérinaire capable de réaliser une euthanasie à domicile. Son chien a été suivi plus spécifiquement pendant deux ans, permettant de mettre en place des soins palliatifs incluant des ajustements au niveau du couchage, de l’alimentation ou de traitements antidouleurs.

Des chemins d’accès en tapis ont été installés chez Margaux pour Gappe, souffrant de problèmes articulaires qui le faisaient glisser sur le carrelage. « Le changement a été radical, estime Margaux. La vétérinaire m’a aidée à améliorer son confort. Sans cela, je ne pense pas qu’on l’aurait gardé encore deux ans. »

Lors d’une première consultation à domicile, les vétérinaires spécialisés dans la fin de vie évaluent la qualité de vie des animaux, un échange qui est renouvelé régulièrement. « C’est complexe, cela prend en compte la qualité de vie physique, sociale et émotionnelle, c’est là où on parle de dignité, de l’envie de vivre de l’animal », précise Marie Cibot.

« La fin de vie, c’est un sujet complètement tabou, déplore Yessenia Alves Leiva, autrice de J’accompagne la fin de vie de mon animal (éd. Le courrier du livre). Dès que l’on sait que la mort approche, on abandonne presque, même chez les humains. À la fin, les gens ont souvent tendance à estimer qu’il vaut mieux laisser l’animal tranquille, alors que c’est précisément à ce moment qu’il a le plus besoin d’attention, de soin et de présence. »

Lorsque la qualité de vie devient insatisfaisante, le sujet de l’euthanasie est alors abordé. « À ce stade, soit nous entrons dans l’acharnement thérapeutique, soit nous optons pour l’euthanasie, qui est un acte d’amour, entraînant des coûts émotionnels très importants pour ceux qui prennent la décision, mais qui permet à l’animal de partir en douceur, avec respect et dignité », souligne Marie Cibot, active depuis 2024 dans le Morbihan et impliquée dans la formation des vétérinaires sur ce sujet.

Concernant Gappe, Margaux a pris la décision de procéder à l’euthanasie en janvier 2024, après que sa tumeur à la patte a commencé à grossir et à saigner. « La vétérinaire m’a dit que c’était peut-être le moment, car cela ne s’arrêterait pas de saigner, retrace Margaux. Au départ, je voulais attendre d’autres signes, comme le fait qu’il arrête de manger. Mais nous avons convenu que cela signifierait que Gappe serait à l’agonie. Je ne voulais pas attendre ce moment. »

Chez les chiens et les chats, la douleur est souvent silencieuse, d’où la nécessité de prêter attention à des signes secondaires tels que les changements de comportement et de déterminer les limites au-delà desquelles l’animal ne fait que souffrir.

Être préparé à la mort de son animal de compagnie facilite la phase de deuil. « Cela élimine tout sentiment de culpabilité, estime Margaux. Grâce à Yessenia, Gappe est parti avec dignité, sans stress, en s’endormant dans son panier dans le salon, après avoir dégusté sa côte de bœuf. » Margaux avait aussi invité des proches pour ce moment, son compagnon et ses parents, qui comprennent son attachement.

Cependant, aborder ce deuil n’est pas aisé pour elle, bien qu’elle ait trouvé une écoute attentive auprès de la vétérinaire. « On se sent un peu moins ridicule, témoigne-t-elle. Pour ceux qui n’ont jamais vécu cette relation, ce n’est ‘qu’un chien’, on me conseille de passer à autre chose. On n’a pas le droit d’être triste plus de deux jours. » Les premiers mois suivant la mort de Gappe ont été « horribles », se remémore-t-elle, « se réhabituer à vivre sans lui a été le pire. » Elle évitait de retourner chez elle après le travail, préfèrent ne pas y retrouver le vide. Cet été, elle a adopté un nouveau chien, une petite staff blanche. « Elle ne remplacera jamais Gappe, mais elle apporte de la joie dans ma vie », conclut-elle.