Géorgie : menaces d’interdiction pour trois partis d’opposition ?
Le parti au pouvoir en Géorgie, « rêve géorgien », a demandé à la Cour constitutionnelle d’interdire trois grands partis d’opposition. Thornike Gordadze a exprimé son inquiétude concernant un glissement autoritaire du pays vers un état lié à la Russie, citant des actions telles que la falsification des élections d’octobre 2024 et l’adoption de la loi dite « des agents de l’étranger ».
Le parti au pouvoir en Géorgie, « rêve géorgien », a sollicité la Cour constitutionnelle pour interdire trois grands partis d’opposition. Dans ce pays du Caucase, voisin de la Russie, l’opposition dénonce un glissement autoritaire pro-russe du parti au pouvoir. « Rêve géorgien », tout en affirmant son soutien à l’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne, multiplie les signes de rapprochement avec la Russie, notamment depuis le début de la guerre en Ukraine.
Ce parti renforce son contrôle sur les médias, les universités et le financement des ONG, en adoptant par exemple une loi sur « l’influence étrangère », similaire à une législation russe.
Cette évolution suscite l’inquiétude de Thornike Gordadze, ancien ministre des Affaires européennes en Géorgie entre 2010 et 2012, aujourd’hui professeur à Sciences Po Paris et chercheur à l’Institut Jacques Delors. Selon lui, cela témoigne d’une poursuite du glissement du pays vers un régime autoritaire sous l’influence de Moscou.
Gordadze a déclaré : « Malheureusement, c’est la continuation de la tournure autocratique que le ‘rêve géorgien’ a opérée dans le pays. Nous avons vu la falsification des élections d’octobre 2024, les arrestations de la plupart des dirigeants politiques des partis de l’opposition, des attaques contre les médias, contre les universités, et aussi contre les ONG avec l’adoption de la loi dite ‘des agents de l’étranger’. Tout cela, c’est l’application de la méthodologie des pays autoritaires. C’est le même processus qui s’était déroulé en Russie et en Biélorussie. »
Il a ajouté : « Rêve géorgien, en parfaite élève de la Russie et de la Biélorussie, applique cette méthode. Et il poursuit aujourd’hui en voulant interdire les partis de l’opposition. Il y a, en fait, quatre partis d’opposition principaux. Et trois sur quatre vont être interdits, je ne me fais aucune illusion sur la décision de la Cour constitutionnelle. Le dernier parti, qui n’est pas visé par cette demande, c’est celui qui accepte finalement de rejoindre le Parlement. Le Parlement est boycotté par ses partis d’opposition depuis les élections. Le quatrième parti avait boycotté pendant un an et il semblerait qu’en échange de son retour au Parlement, il ne soit pas interdit. »
Il a conclu en affirmant : « Aujourd’hui, en Géorgie, on est face à une opération russe hybride qui a réussi à installer à la tête de ce pays un régime oligarchique lié à la Russie et qui est en train de détourner le pays de son choix historique, européen, et de ramener ce pays dans le giron de la Russie. »
Interrogé sur la « méthode russe », Gordadze a précisé que la prochaine étape consisterait à faire taire les derniers foyers de liberté, notamment les universités. Il a évoqué une attaque en cours contre la plus grande université privée du pays, accusée de promouvoir le terrorisme avec des fonds européens. Il a également noté la menace pesant sur les derniers médias indépendants.
Il a ajouté que le gouvernement pourrait, au printemps, organiser de nouvelles élections sans les partis d’opposition, ou seulement avec ceux autorisés, pour atteindre la majorité constitutionnelle, nécessaire pour modifier l’article 78 de la Constitution qui stipule que le but de la politique étrangère de la Géorgie est l’intégration européenne et euro-atlantique.
Concernant les attentes vis-à-vis de l’UE, il a noté : « Oui. Des outils de propagande répètent que l’intégration européenne est devenue dangereuse, à quel point elle va mettre en danger la paix ou à quel point l’Union européenne pousse la Géorgie à ouvrir un second front contre la Russie. Tout ça est absurde, mais lorsque vous avez des outils de propagande importants… ça fait son effet sur une partie de la population. »
Il a souligné que malgré tout, la majorité de la population reste très attachée à l’orientation européenne, un sentiment constant depuis l’indépendance de la Géorgie. Cependant, il a aussi mentionné le départ de nombreux pro-européens, avec plus de 100.000 personnes ayant quitté le pays l’année dernière, alors que le gouvernement met en œuvre une réforme éducative qui pourrait compliquer la poursuite d’études en Europe pour les étudiants géorgiens.
Enfin, quand on lui a demandé si la Géorgie était désormais sous l’influence de Moscou plutôt que de Bruxelles, il a répondu : « Non, ce n’est pas perdu ! Les temps sont extrêmement difficiles et ce gouvernement fait un sabotage de tout cet acquis européen. Mais ce qui me laisse quand même garder espoir, c’est qu’on ne peut rien faire contre la majorité de la population. » Il a ajouté que le moment viendrait où la conjoncture changerait, mais ce serait facilité si l’Union européenne et les pays occidentaux adoptaient des sanctions contre le gouvernement géorgien.

