Gaza : « Le Hamas ne joue pas la montre pour éviter le désarmement »
Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, a déclaré que le cessez-le-feu est désormais « menacé » en raison de « la lenteur du Hamas à restituer les corps d’otages israéliens ». Selon Israël, le Hamas pourrait avoir localisé au moins neuf dépouilles et serait responsable d’une stratégie dilatoire dans la remise de ces corps.

Suite aux frappes israéliennes dans le sud de la bande de Gaza, ayant causé plus de cent décès, Jean-Noël Barrot, le ministre français des Affaires étrangères, a exprimé ses préoccupations concernant un cessez-le-feu désormais « menacé ». Une des raisons avancées est « la lenteur du Hamas à restituer les corps d’otages israéliens », comme l’a déclaré le ministre.
Pour mieux saisir les tensions, 20 Minutes a sollicité David Rigoulet-Roze, enseignant et chercheur à l’Institut français d’analyse stratégique, expert en Moyen-Orient.
Pourquoi Israël a-t-il attaqué la bande de Gaza ?
Selon la première phase de l’accord de cessez-le-feu, le Hamas était censé rendre, le 13 octobre, les 28 corps des otages après avoir libéré 20 vivants. Cependant, seulement 15 corps ont été restitués, laissant 13 dépouilles manquantes. Par ailleurs, Israël accuse le Hamas de manipulation concernant la remise des restes d’une dépouille, ceux d’Ofir Tzarfati, qui avaient déjà été partiellement récupérés à deux reprises : d’abord en novembre 2023 par Tsahal, puis en mars 2024. Cette manipulation représente une torture psychologique supplémentaire pour les familles, justifiant ainsi les opérations militaires israéliennes, en plus de la mort d’un de ses soldats, le sergent-chef Yona Efraïm Feldbaum, âgé de 37 ans.
Pourquoi le Hamas tarde-t-il à restituer les dépouilles restantes ?
Le Hamas soutient que la localisation et la récupération des corps sous un amoncellement de débris dans un territoire dévasté compliquent les opérations. La partie israélienne reconnaît en partie cette difficulté, ce qui explique pourquoi Israël a même consenti à permettre l’entrée d’engins de chantier égyptiens sur le territoire avec la Croix-Rouge pour aider à « déblayer » les sites désignés par le Hamas. Cependant, le Hamas est aussi accusé par Israël de faire preuve de mauvaise foi sciemment.
C’est-à-dire ?
Les Israéliens estiment qu’il y aurait probablement quatre corps très difficiles à localiser et au moins neuf qui sont probablement déjà localisés par le Hamas. Ce dernier adopterait une stratégie dilatoire pour la remise de ces corps, une tactique qui n’est pas inédite mais qui prend une dimension nouvelle dans le contexte de l’acceptation des termes du plan Trump.
Pourquoi le Hamas adopte-t-il cette stratégie ?
Tout simplement parce que si toutes les dépouilles sont effectivement remises, cela mettrait fin à la première phase du plan. Théoriquement, cela conduirait à la deuxième phase qui implique, entre autres, le « désarmement » du Hamas, avec un processus de « décommissionnement » (c’est-à-dire la remise des armes) et la « démilitarisation » des infrastructures militaires, comme la destruction des tunnels. Or, le Hamas semble s’efforcer de retarder cette transition vers la seconde phase du cessez-le-feu.
Quel est l’intérêt du Hamas de retarder la deuxième phase du cessez-le-feu ?
Le Hamas avait globalement approuvé le plan Trump, mais sans jamais officialiser son « désarmement ». Reconnaître cela publiquement serait équivalent à admettre qu’il a perdu la guerre. Par conséquent, le groupe essaie de jouer la montre, d’où la stratégie dilatoire actuelle. Toutefois, ce jeu comporte des risques, car le Hamas joue avec le feu. Il se sent contraint ayant accepté les termes généraux du plan Trump, bien qu’il soit conscient qu’il n’avait pas d’alternative.
Peut-on passer à l’étape 2 sans la restitution totale des corps ?
C’est un problème délicat. Un point très significatif est la position du forum des familles des otages. Après avoir longtemps critiqué Netanyahou, accusé de sacrifier les otages pour poursuivre la guerre, et réclamé un cessez-le-feu, ce forum a récemment appelé à « agir de manière décisive » en réponse aux violations de l’accord par le Hamas. L’enjeu est le passage attendu à la deuxième phase de l’accord Trump. Pour le forum, tant que la première phase n’est pas achevée avec la restitution de toutes les dépouilles encore détenues par le Hamas, il n’est pas question de passer à la deuxième phase.
Le cessez-le-feu est-il compromis ?
Non, pas fondamentalement. Il a d’ailleurs été rétabli mercredi matin. Le président Trump a affirmé que « rien ne compromettrait le cessez-le-feu ». La frappe israélienne est une réponse, un « message » opérationnel sur le terrain, validé par Donald Trump, qui avait posé un ultimatum de 48 heures le week-end précédent pour la restitution des dépouilles encore détenues par le Hamas, sans quoi il laisserait les mains libres au Premier ministre israélien. Cela s’est matérialisé.
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Le Hamas va donc finir par rendre tous les corps ?
Il rencontrera des difficultés pour tous les retrouver. Même les Israéliens reconnaissent qu’ils ne pourront pas tous les localiser facilement, notamment pour quatre d’entre eux. Cependant, les neuf autres seraient localisables, sinon déjà localisés par le Hamas.
Pour les corps difficilement localisables, la situation demeure complexe, car la remise de toutes les dépouilles conditionne le passage à la deuxième phase du plan Trump. Il est donc nécessaire que le Hamas prouve qu’il ne sait réellement pas où ils se trouvent. À cet égard, des doutes demeurent, même si le Hamas serait disposé à le faire, ce qui est loin d’être garanti.

