Ouragan Melissa : Les agences spatiales n’aident pas les pays sinistrés après.
L’ouragan Melissa, avec des vents atteignant les 300 km/h, a frappé les Caraïbes depuis mardi, causant des dizaines de morts et des dégâts considérables en Jamaïque et à Cuba. La Charte internationale espace et catastrophes majeures a été activée 998 fois depuis sa première utilisation en novembre 2000, et près de 100 pays disposent d’un accès autonome à ce dispositif.
Des dizaines de morts et des « dévastations à des niveaux jamais vus »… L’ouragan Melissa, le plus puissant à avoir touché terre depuis 1935 avec des vents atteignant 300 km/h, affecte les Caraïbes depuis mardi. La Jamaïque, qualifiée de « zone sinistrée » après le passage de cet phénomène extrême, a été la première à ressentir ses effets, suivie par Cuba, où les dégâts sont considérés comme « considérables ». Mercredi, l’ouragan a frappé Haïti de plein fouet, où la plupart des décès ont été recensés, et se dirigeait vers les Bahamas ainsi que les environs des Bermudes.
Le passage de la tempête représente un moment particulièrement violent et difficile à gérer pour les autorités, et la situation ne s’améliore pas par la suite, avec la nécessité de gérer l’aide, la population sinistrée, et de mettre en place des solutions pour les jours, semaines et mois à venir. Face à l’ampleur et à la complexité de la tâche, la Jamaïque et Cuba, ainsi que la République dominicaine, ont sollicité un dispositif établi par des agences spatiales du monde entier : la Charte internationale espace et catastrophes majeures, qui permet l’accès gratuit à des données provenant de satellites d’observation de la Terre lors de catastrophes majeures.
Orienter les secours et la reconstruction
Proposé par le Centre national d’études spatiales (Cnes) et l’Agence spatiale européenne (ESA) en 1999, ce dispositif est opérationnel depuis le 1er novembre 2000. Actuellement, 17 membres, principalement des agences spatiales du monde entier ainsi que des exploitants de satellites, sont adhérents à la Charte et fournissent gratuitement leurs données en cas de catastrophe majeure d’origine naturelle ou humaine : glissements de terrain, inondations, tremblements de terre, tempêtes, éruptions volcaniques, marées noires, déraillements de trains, explosions, crashs aériens, etc.
Concrètement, 270 satellites d’observation de la Terre peuvent être mobilisés en urgence à tout moment pour fournir le plus rapidement possible des images des zones sinistrées et des cartes, ainsi que des informations difficiles à obtenir depuis le terrain. L’objectif est clair : évaluer les dégâts avec précision afin de guider les secours et l’aide humanitaire, tout en planifiant et chiffrant la reconstruction. Les données collectées, ainsi que des dérivés comme des statistiques ou des cartes détaillant les bâtiments détruits, les zones inondées et les routes endommagées, sont principalement destinées aux décideurs, aux organisations de protection civile, ainsi qu’aux équipes de secours et ONG présentes sur le terrain.
Un dispositif ultraréactif
Toute nation ou organisme national de gestion de crise peut demander de manière autonome l’activation du dispositif, à condition d’être un « utilisateur autorisé », selon les précisions fournies par le Cnes sur sa page dédiée. Pour ce faire, un formulaire doit être rempli et trois critères doivent être remplis : avoir un mandat national de gestion de crise, parler anglais et être en mesure de traiter des données satellites. Actuellement, près de 100 pays ont accès de façon autonome à la charte. Les autres peuvent demander l’activation du dispositif par un autre pays ou par l’ONU.
Une fois la demande d’aide effectuée lors d’une catastrophe majeure, tout se déroule très rapidement (et c’est l’objectif) : la demande est authentifiée et validée par des opérateurs de la Charte, et les satellites les plus adaptés à la situation sont identifiés dans l’heure, puis programmés pour recueillir et transmettre des données sur la zone sinistrée. Les informations sont généralement disponibles « quelques heures après le déclenchement de la Charte », précise le Cnes.

S’ensuit, à partir de ces images satellites, la création par des experts de cartes qualifiées « à valeur ajoutée », directement exploitables par des personnes n’ayant pas de connaissances en imagerie spatiale. Ces cartes permettent notamment, « grâce à des pastilles colorées ou des pictogrammes », d’identifier « très rapidement les zones inondées ou brûlées, les bâtiments détruits, les routes endommagées, ainsi que les zones de rassemblement de population ».
Près de 1.000 déclenchements en vingt-cinq ans
Bien que le dispositif et la production des données restent activés « pendant une dizaine de jours en moyenne », « le temps de l’urgence de la crise », les informations recueillies durant cette période sont applicables bien au-delà. Elles aident en particulier les décideurs locaux à élaborer un plan de reconstruction des zones touchées. De nouvelles images satellites peuvent également être fournies pendant plusieurs mois par l’Observatoire de la reconstruction à cet effet.
Actuellement, la Charte internationale espace et catastrophes majeures a été activée 998 fois. Sa première utilisation remonte à novembre 2000, moins d’un mois après sa création, à la suite d’un glissement de terrain en Slovénie. Depuis, 146 pays ont bénéficié de son aide, selon les chiffres de la Charte. La France fait partie de ces pays, avec 11 activations pour des inondations, des incendies majeurs et un ouragan.
Notre dossier sur les catastrophes naturelles
Selon le Cnes, la moitié des activations résultent d’inondations et un quart de catastrophes liées à des phénomènes météorologiques (tempêtes, ouragans/typhons/cyclones, feux après sécheresse, glissements de terrain après des pluies diluviennes, épisodes neigeux extrêmes, etc.). Ces événements devraient se multiplier ou se renforcer avec le changement climatique, faisant de l’observation de la Terre un enjeu de plus en plus crucial.

