Droits TV (2/3) : Un match des Diables coûte autant qu’un Tour de France
Dans les années 70 et 80, les téléspectateurs étaient souvent pris en otage par les clubs qui s’opposaient à la retransmission d’un grand match européen. Au début des années 90, Canal + a obtenu l’exclusivité de la retransmission du match du premier tour de la coupe de l’UEFA entre Liège et le club islandais d’Akranes, qui sera diffusé en signal crypté.
Dans les années 70 et 80, les téléspectateurs se retrouvaient souvent à la merci des clubs qui s’opposaient, parfois jusqu’à la dernière minute, à la diffusion d’un grand match européen. Au début des années 90, alors que le paysage audiovisuel évolue, ces derniers doivent composer avec l’arrivée de la chaîne cryptée Canal +, avec laquelle il faut désormais payer pour suivre de nombreux matchs en direct.
C’est lors d’un journal télévisé, un soir de septembre 1989, que les fans de football découvrent la nouvelle : « Après la France, la guerre des chaînes TV envahit notre football francophone. Demain soir sur la RTBF, il n’y aura pas de retransmission du match du premier tour de la coupe de l’UEFA entre Liège et le club islandais d’Akranes. La raison est simple, Canal + a obtenu l’exclusivité de la retransmission de cette rencontre qu’elle proposera en signal crypté. »
Jusqu’alors habitués à suivre ce type de rencontre gratuitement sur la RTBF, les téléspectateurs ne possédant pas le décodeur ne pourront donc pas voir le match en direct. À Rocourt, le président André Marchandise se défend des critiques qui pourraient lui être adressées par le public francophone. « Je lui réponds qu’en tant que club, nous devons penser à la concurrence que représente la télévision. Vous avez des spectateurs qui se déplacent ou non vers le stade. Nous avons un budget qui est à boucler et nous devons penser à tous les moyens pour y arriver. »
Fort de ses moyens financiers supérieurs, Canal + fait son entrée sur nos écrans à travers l’Europe, mais pour diffuser des matchs en direct du championnat de Belgique, cela s’avère plus compliqué. La chaîne à péage se heurte à une forte opposition de la Fédération, qui veut protéger ses clubs, y compris ceux de province.
Roger Vanden Stock, alors président de la Ligue, se remémore : « Lors de l’arrivée de Canal + en 1989, la décision est prise qu’il n’y aura pas de direct de match du championnat. Et avec beaucoup de difficultés, les négociations ne reprennent qu’un an plus tard, pour savoir si finalement, on a quand même un avantage à ce que des matchs du championnat soient diffusés en direct, parce que chacun regarde toujours son avantage : fédération, clubs et chaînes de TV. »
Le vice-président de la fédération à ce moment-là, Constant Vanden Stock, consent à faire « un essai pendant un an », avec 18 rencontres diffusées lors de la première saison pour un million de francs par match (soit 25.000 euros). C’est au Mambourg, lors de la rencontre contre Waregem, le 16 août 1990, que le premier match du championnat en « crypté » est diffusé.
Michel Lecomte, invité d’Archives Club, se souvient de la forte opposition des clubs amateurs et de la concurrence que l’affiche TV de l’après-midi pouvait engendrer. « En fin de compte, chacun réécrit l’histoire, mais je pense que l’impact de la retransmission n’a pas été négligeable sur les assistances en bord de terrain. »
Alors que le lancement de Canal s’inscrit dans une tendance mondiale d’augmentation des droits de retransmission, la RTBF se voit contrainte de prendre des décisions. Même pour les Diables rouges. Cela s’est particulièrement ressenti en avril 1997, lorsque Jean-Philippe Art, directeur des sports à l’époque, annonce que la RTBF renonce à acquérir les droits d’un match de qualification crucial des Diables en Turquie pour France 98. La raison est claire : « Le package de ce match coûtait plus cher qu’une saison de Formule 1 ou d’un Tour de France. »
Depuis lors, Michel Lecomte rappelle qu’un décret de 2004 impose que les événements de compétitions majeures soient diffusés gratuitement (et donc pas sur une chaîne cryptée), comme la Coupe du Monde, l’Euro, les grandes courses cyclistes ou encore le Grand Prix de Belgique de Formule 1.
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