Élections aux Pays-Bas ce mercredi : l’immigration toujours centrale.
Geert Wilders a quitté le gouvernement néerlandais le 3 juin dernier, entraînant des élections anticipées. Actuellement, l’alliance Verts-Gauche, dirigée par Frans Timmermans, est en deuxième position dans les sondages.
Pourquoi des élections anticipées ?
C’est Geert Wilders qui a provoqué cette échéance électorale en claquant la porte du gouvernement néerlandais le 3 juin dernier. Le président du Parti pour la liberté d’extrême droite (PVV) a retiré brusquement son parti de la coalition de droite au pouvoir, insatisfait de la lenteur, selon lui, de l’application d’une politique d’immigration stricte.
Geert Wilders toujours favori ?

D’après les sondages, Geert Wilders pourrait renouer avec sa victoire électorale retentissante de 2023, qui avait créé une onde de choc à travers l’Europe.
Reconnaissable à ses cheveux peroxydés, cet homme de 62 ans est parfois désigné comme le « Trump néerlandais », pour sa coiffure particulière et ses positions d’extrême droite. Anti-islam, anti-immigration et anti-UE, Geert Wilders a cependant peu de chances de devenir Premier ministre, les autres grands partis ayant écarté toute possibilité de coalition avec lui.
La lutte pour la deuxième place s’avère donc cruciale, car le leader du parti arrivant en seconde position aura probablement l’occasion de tenter de former une coalition.
Actuellement, l’alliance Verts-Gauche, dirigée par l’ancien vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, est en deuxième position, perçue comme une valeur sûre avec une solide réputation en matière de climat.
Avec sa voix douce et sa barbe blanche, cet homme de 64 ans a l’apparence d’un tonton sympathique, mais certains critiquent son manque de dynamisme et de charisme pour atteindre les sommets.
Henri Bontenbal, une étoile montante de la politique néerlandaise, représente également une menace. Le chef du parti de centre-droit CDA, dont la popularité est en plein essor, pourrait prétendre à la deuxième place dans les sondages. Ce jeune homme de 42 ans aspire à rétablir la stabilité dans un pays où les Néerlandais doivent voter une deuxième fois en onze mois. Son mantra : « Il est temps de revenir à la normale en politique.«
Effectivement, les électeurs semblent fatigués des politiciens et de leurs querelles. Beaucoup d’entre eux déclarent d’ailleurs ne pas savoir pour qui voter.
Quels sont les principaux thèmes de campagne ?
La crise du logement chronique aux Pays-Bas, dont la densité de population est l’une des plus élevées d’Europe, figure régulièrement parmi les préoccupations majeures des électeurs.L’immigration se classe en deuxième position, suivie des thèmes de la santé, de la criminalité et du coût de la vie, selon un sondage d’EénVandaag.
En revanche, le climat est, selon ce sondage, l’un des sujets les moins cruciaux pour les électeurs néerlandais. Cela dit, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dimanche dernier à La Haye pour remettre en avant la lutte contre le changement climatique.
Immigration et crise du logement
Comme dans d’autres pays européens, la question de l’immigration a gagné en importance dans le débat public néerlandais ces dernières années, dominée par la campagne électorale. La capitale, Amsterdam, réputée pour sa tolérance, a vu des manifestations anti-immigration se multiplier à l’approche des élections anticipées.
Pour de nombreux électeurs néerlandais, la problématique de l’accès au logement est étroitement liée à celle de l’immigration. « L’immigration va beaucoup peser dans mon vote », déclarait à l’AFP Bianca de Vos, une manifestante de 51 ans, lors d’un rassemblement récent à Amsterdam.
Cette infirmière a exprimé : « Mon fils et ma fille n’ont pas de maison parce qu’il n’y a pas assez de place », reflétant l’opinion répandue selon laquelle les demandeurs d’asile sont prioritaires dans l’accès aux logements sociaux.
« Notre pays n’est pas conçu pour accueillir autant de personnes en si peu de temps », s’insurge pour sa part Martijn Koops, un activiste anti-immigration. « Et si vous construisez pour des personnes qui doivent encore venir aux Pays-Bas, et que vous n’avez pas de logements pour vos propres jeunes, vos propres enfants, ce n’est pas acceptable, vous faites quelque chose de mal. »
Les ONG et institutions travaillant avec les migrants réfutent cependant le lien que les opposants à l’immigration établissent entre le nombre de réfugiés aux Pays-Bas et la crise de logement actuelle.
Lolkje de Vries, représentante de Vluchtelingenwerk, une ONG qui défend les droits des demandeurs d’asile et des réfugiés aux Pays-Bas, explique : « Il y a effectivement une pénurie de logements sociaux aux Pays-Bas. Je comprends donc pourquoi les gens en parlent. Mais si l’on regarde les chiffres, on constate que moins de 10 % des logements sociaux sont attribués à des personnes ayant un statut, c’est-à-dire à des réfugiés, et que plus de 90 % sont attribués à d’autres acteurs du marché immobilier. »
« La migration est un thème important. Elle englobe non seulement la migration liée à l’asile, mais aussi la migration de travail, le regroupement familial et les migrations étudiantes. Il est légitime que l’on y prête attention, mais selon nous, ce n’est pas le sujet principal », commente le porte-parole de l’ONG, Bart Lauret.
« Le changement climatique, une solution à la crise du logement, les conséquences du vieillissement de la population, l’emploi et les revenus : voilà autant de sujets tout aussi essentiels. Se focaliser uniquement sur la migration et lui attribuer la responsabilité des grands problèmes du pays ne fait que détourner l’attention des véritables solutions », regrette-t-il.
Bart Lauret souligne également que l’adhésion de la population néerlandaise à cette vision est plus nuancée. « Nous avons lancé une pétition contre les nouvelles lois sur l’asile [lois qui ont entraîné la chute du gouvernement, Ndlr]. Cette pétition a été signée en très peu de temps par plus de 100 000 personnes. Nous recevons également de plus en plus d’inscriptions de bénévoles souhaitant s’engager auprès de Vluchtelingenwerk. Il existe en fait un très large groupe central dans la société qui a une vision beaucoup plus nuancée », assure-t-il, « mais cette perception-là reçoit beaucoup moins d’attention dans les médias, en particulier sur les réseaux sociaux. »
Moins de demandeurs d’asile
Vluchtelingenwerk note également que les Pays-Bas se situent dans la moyenne européenne en matière de demandes d’asile. Leur nombre a même diminué ces dernières années. Les récents chiffres publiés par l’Office néerlandais des statistiques (CBS) montrent que 316 000 personnes ont immigré aux Pays-Bas en 2024, soit une baisse de 19 000 par rapport à l’année précédente.
De plus, selon les données récemment publiées par le Service néerlandais de l’immigration et de la naturalisation, le nombre de personnes demandant l’asile pour la première fois est passé de 49 892 en 2003 à 45 639, soit une baisse de 8,5 %.
Marcel Lubbers, expert en sciences politiques à l’Université d’Utrecht, explique que le phénomène de désigner les immigrés comme boucs émissaires des bouleversements sociétaux n’est pas récent.
« Le mécontentement lié aux questions de migration, d’identité et d’appartenance est présent chez de nombreuses personnes depuis les années 1980 et 1990 et cela est aujourd’hui très bien exploité par les partis d’extrême droite », a-t-il déclaré à l’AFP, en mettant en avant le succès des politiciens d’extrême droite en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Italie.
Comment va se dérouler le scrutin ?
Les électeurs ont le choix entre 27 partis, chacun présentant une liste de candidats pour 150 sièges au Parlement dans le cadre d’un scrutin proportionnel. Cela signifie que les Néerlandais doivent faire face à un immense bulletin de vote de la taille d’une feuille A3 contenant tous les noms des candidats.
Le total des voix est réparti entre 150, et tout parti atteignant le seuil minimal (qui était légèrement inférieur à 71 000 lors des dernières élections) obtient un siège. Aux Pays-Bas, où les compromis sont rois, aucun parti n’est suffisamment dominant pour obtenir une majorité absolue de 76 sièges. Les Néerlandais sont donc habitués aux coalitions multipartites complexes, comme en Belgique.
Les négociations pour former une coalition débutent immédiatement après les sondages de sortie des urnes et peuvent souvent durer plusieurs mois. La formation du dernier gouvernement a ainsi pris 223 jours.
Le leader du parti remportant le plus de sièges est généralement le premier à tenter de former un gouvernement. Tant qu’un accord n’est pas trouvé, le Premier ministre sortant, Dick Schoof, restera à la tête des Pays-Bas, la cinquième économie de l’Union européenne.
L’Immigration et le logement parmi les enjeux des élections législatives aux Pays-Bas
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