Budget 2026 : Pourquoi certains veulent-ils supprimer le pacte Dutreil ?
Le pacte Dutreil, instauré en 2003, permet aux héritiers de reprendre une entreprise familiale sans supporter immédiatement la totalité des droits de succession et offre une exonération de 75 % des droits de mutation à titre gratuit. Dans une étude citée par la BPI en 2023, il est indiqué que la moitié des entreprises familiales seront cédées d’ici 2033.
Est-ce que le nouveau dispositif fiscal pourrait créer une nouvelle polémique à l’Assemblée ? Alors que l’examen du budget de l’État se poursuit cette semaine au Palais-Bourbon, le terme « pacte Dutreil » est à nouveau évoqué. Ce mécanisme, destiné à faciliter la transmission des entreprises familiales en offrant un avantage fiscal considérable, a récemment été critiqué dans un rapport de la Cour des comptes dont Le Monde a obtenu la synthèse. Certains parlementaires pourraient envisager de proposer sa suppression ou sa modification, soulevant des questions sur les répercussions pour les dirigeants et les héritiers concernés.
Institué en 2003, le pacte Dutreil vise à préserver le tissu entrepreneurial français en permettant aux héritiers de reprendre une entreprise familiale sans avoir à payer immédiatement l’intégralité des droits de succession, souvent très élevés. Concrètement, le dispositif accorde une exonération de 75 % des droits de mutation à titre gratuit. « La motivation est de garantir la pérennité et de sauver nos entreprises françaises », explique Arlette Darmon, notaire chez Monassier & Associés. Il existe également certains « garde-fous » : les héritiers doivent conserver l’entreprise pendant au moins quatre ans pour les donations et cinq ans pour les successions, tout en exerçant une fonction au sein de l’entreprise pendant la même période. « Et dans les statistiques, en général, ils jouent le jeu », rassure la notaire. L’objectif est double : encourager la pérennité des entreprises et éviter leur fragmentation ou leur vente forcée.
Protecteur des entreprises ou dispositif excessif ?
Pour ses partisans, la suppression du pacte Dutreil serait un coup dur pour l’économie réelle. Ils estiment que cela pourrait entraîner la liquidation ou la cession d’entreprises familiales, leur démantèlement ou leur revente à des investisseurs étrangers. Le dispositif est également considéré comme un levier de maintien de l’emploi et de la stabilité sociale dans de nombreuses régions où ces entreprises jouent un rôle majeur. « Ce n’est pas une niche fiscale ou un avantage fiscal, affirme Arlette Darmon. Sans cela, de nombreuses entreprises mettraient la clé sous la porte. »
Cependant, la Cour des comptes souligne les coûts du pacte Dutreil pour les finances publiques, estimant son poids à 5,5 milliards d’euros. Dans un budget visant à réaliser plus de 40 milliards d’économies en 2026, ce dispositif constitue une source d’économies potentiellement significative. Par ailleurs, d’autres critiques remettent en question l’efficacité réelle du mécanisme, affirmant que certaines entreprises auraient pu survivre sans l’avantage fiscal, ou que l’exonération ne garantit pas nécessairement la pérennité de l’entreprise.
« Pacte de confiance »
Enfin, certains estiment que ce dispositif profite de manière disproportionnée aux grandes fortunes, contribuant ainsi à creuser les inégalités en facilitant la transmission de patrimoines déjà importants. Comme dans les débats autour de la taxe Zucman, les critiques soutiennent que de nombreuses personnes abusent du statut de holding ou d’entreprise familiale pour défiscaliser des biens personnels de grande valeur (comme des yachts et des avions privés) en les intégrant comme actifs de la société. « Je fais de la transmission, et je ne vois pas passer de yachts », ironise Arlette Darmon. « Mais on peut aussi envisager d’exclure ces ‘biens sanctuaires’ de la loi. »
« Pour le reste, l’administration possède déjà des outils juridiques pour faire respecter les conditions du pacte Dutreil, poursuit la notaire. Si nous entrons dans des calculs actif par actif, cela engendrera de nombreux conflits, ce qui n’est pas serein pour nos chefs d’entreprise. Des améliorations sont nécessaires, mais il faudrait surtout réécrire l’ensemble car c’est devenu un mille-feuille administratif. » Dans La Tribune Dimanche, le ministre des PME, Serge Papin, adopte une position conciliatrice. « Il est impossible d’ignorer certains abus évidents », déclare-t-il d’une part, tout en réaffirmant que le pacte Dutreil constitue « un pacte de confiance entre les entreprises familiales et la nation ». Quoi qu’il en soit, le débat reste d’actualité : selon une étude citée par la BPI en 2023, la moitié des entreprises familiales seront cédées d’ici 2033.

