« Des Vivants » : Les otages du Bataclan ont-ils participé à la série de France 2 ?
La minisérie « Des Vivants », créée par Jean-Xavier de Lestrade et Antoine Lacomblez, est disponible depuis ce lundi sur la plateforme France.tv et sera diffusée sur France 2 le 3 novembre à 21h10. Elle retrace la prise d’otages au Bataclan et le parcours de résilience de sept personnes formant le groupe d’amis autoproclamés « les Potages ».
« Enterrer les morts et réparer les vivants ». Cette citation tirée de *Platonov* de Tchekhov a inspiré le titre *Des Vivants* à Jean-Xavier de Lestrade et Antoine Lacomblez, les créateurs de cette minisérie à la fois bouleversante et porteuse d’espoir, disponible ce lundi sur la plateforme France.tv et attendue sur France 2 le 3 novembre à 21h10.
Cette fiction en huit épisodes relate la prise d’otages au Bataclan et le parcours de résilience et de reconstruction de sept d’entre eux, réunis dans un groupe d’amis autoproclamés « les Potages » (une combinaison des mots « potes » et « otages »). Comment les Potages ont-ils contribué à la création de ce récit collectif aux effets réparateurs ?
« On était devenus les dépositaires de leur confiance »
Tout commence lorsque Jérôme Corcos, producteur de NAC Films, découvre un reportage sur la prise d’otages au Bataclan : « J’ai été étonné de ne pas connaître cette histoire. Ils parlaient d’un groupe qui s’appelait “les Potages” et j’ai noté le nom de David Fritz Goeppinger. Il y avait une histoire à raconter. À partir du moment où ils étaient sept, il fallait une série. Ce serait réducteur de faire un film », explique-t-il.
Il contacte David Fritz Goeppinger via Instagram. « Je n’avais qu’une envie, c’est qu’il ne me réponde pas », confie-t-il, inquiet de ne pas « surfer sur le malheur de quelqu’un ». Mais l’ex-otage répond. Un déjeuner est organisé avec ses complices, Nicolas Mauvernay de Mizar Films et Matthieu Belghiti de What’s Up Films.
Pendant deux ans, les producteurs se rendent « porte des Lilas dans le QG » des Potages « une à deux fois par mois ». « Ils nous ont raconté le couloir, ce qu’ils avaient vécu, leur groupe, leur amitié. Parfois, on se voyait sans parler de la série. On est devenu proches. Et un jour, presque par hasard, ils nous ont dit “O.K.”. On est d’accord tous les sept », raconte Jérôme Corcos.
« On leur a expliqué que peu de réalisateurs en France étaient capables de porter un sujet aussi délicat et que si on ne trouvait pas le bon pour s’en emparer, on ne ferait pas cette série. Ce jour-là, ils ont compris qu’on était devenus les dépositaires de la confiance qu’ils nous accordaient et qu’on ne ferait pas cette série à tout prix », détaille Nicolas Mauvernay.
Le premier sur leur liste n’est autre que Jean-Xavier de Lestrade, lauréat d’un Oscar du meilleur film documentaire en 2002 pour *Un coupable idéal*, créateur de nombreuses miniséries inspirées de faits réels telles que *Laëtitia* ou *Sambre*. « On avait une responsabilité vis-à-vis du sujet, le 13 novembre », souligne Matthieu Belghiti.
« On les a vus un par un très longuement »
« Cette histoire me faisait très peur. Mais c’est précisément parce que cela me faisait très peur qu’il fallait que je fasse cette série. Il faut que la fiction s’empare de cette histoire », estime Jean-Xavier de Lestrade. Avec le scénariste Antoine Lacomblez, ils rencontrent les Potages lors d’un dîner : « Pour nous, c’était un peu comme un grand oral », confie le réalisateur.
« L’écriture est partie de leurs témoignages. On les a vus un par un très longuement, des journées entières, où ils nous ont raconté leur histoire, en allant dans des zones extrêmement intimes. On calibrait tout en leur demandant : “Est-ce que cela, on a le droit d’en parler ou pas ?” À partir du moment où ils ont accepté de parler, ils devenaient intarissables », se souvient Antoine Lacomblez.
Le duo s’est également entretenu avec les partenaires des Potages, les agents de la BRI qui ont mené l’assaut le 13 novembre, ainsi que la psychologue de la DPJ, présente ce soir-là et qui a aussi suivi trois des Potages en thérapie après le drame.
« C’était drôle de voir comment on leur ressemblait »
Dans la réalité comme à l’écran, les Potages sont sept : le couple formé par Arnaud (Benjamin Lavernhe de la Comédie-Française) et Marie (Alix Poisson), Grégory (Antoine Reinartz), Sébastien (Félix Moati), Caroline (Anne Steffens), Stéphane (Cédric Eeckhout) et David (Thomas Goldberg). Jean-Xavier de Lestrade leur demande de ne pas rencontrer les Potages pour éviter la « tentation d’aller copier ou imiter le réel ».
Cette règle est rapidement enfreinte par sa compagne, Alix Poisson : « J’ai voulu la rencontrer avant le tournage », avoue l’actrice, qui prend contact avec Marie par SMS pour lui expliquer : « J’ai besoin de me présenter à vous sinon cela me paraît incongru de raconter un morceau de votre vie ». Les deux femmes échangent pendant des heures autour d’un café. La seule consigne de Marie sera : « Qu’il y ait parfois de l’humour ».
Thomas Goldberg croise rapidement David, engagé comme photographe plateau sur le tournage. « J’ai vu, je ne sais pas combien d’interviews de lui. Une distance s’est brisée tout de suite et cela m’a fait très peur », confesse l’acteur de ce jeune d’origine chilienne.
Lors du tournage d’une scène commémorative, Cédric Eeckhout rencontre les filles de Stéphane. « Elles m’ont dit : “Salut papa” », sourit-il. Sa rencontre avec Stéphane a lieu lors d’une fête organisée pendant le tournage en présence des Potages. « Stéphane m’a offert un 33 tours des Fleshstones et on s’est pris dans les bras », se rappelle-t-il encore, étonné.
« C’était drôle de voir comment on leur ressemblait physiquement. C’était un sketch. On était tous avec notre binôme. On avait l’impression de voir des jumeaux se balader pendant toute la soirée », commente Benjamin Lavernhe. « Cette fête de milieu de tournage, c’était la panique. Et si, quand on les rencontre, ils sont très différents de ce qu’on a imaginé, c’est trop tard, on est au milieu du tournage, on ne peut pas revenir en arrière », précise Antoine Reinartz, qui joue Grégory, également pris en otage le 13 novembre avec son amie Caroline.
Anne Steffens, qui incarne cette dernière, n’a pas pu assister à cette fameuse fête : « J’étais un peu jalouse des autres qui avaient croisé leur binôme et j’avais peur de passer à côté de quelque chose », confie-t-elle. Elle ajoute : « Quand je l’ai rencontrée, c’était génial ».
La production a organisé une projection de *Des Vivants* dans une salle de cinéma pour les Potages en amont de la diffusion. « Ils ont beaucoup ri et pleuré. Ils ont découvert des choses sur les autres. L’un d’eux a dit : “Après avoir vu la série, je les aime encore plus” », conclut, ému, Jean-Xavier de Lestrade. Et en clin d’œil, les 7 Potages font une apparition dans la série.

