La Russie affiche sa « puissance nucléaire dominante » avec Bourevestnik.
L’hypersonique ou la propulsion nucléaire posent des enjeux nouveaux mais marginaux par rapport à l’ensemble de la dissuasion nucléaire. Les Russes avancent que le missile à propulsion nucléaire est capable d’esquiver les défenses anti-missiles.

Comment analyser l’annonce russe concernant le missile à propulsion nucléaire ?
« L’hypersonique et la propulsion nucléaire soulèvent des enjeux nouveaux mais restent marginaux par rapport à l’ensemble de la dissuasion nucléaire. Le fonctionnement de la dissuasion nucléaire n’est pas modifié car un missile intercontinental peut être intercepté de diverses manières.
Cependant, l’intégration de ces technologies nouvelles engendre des risques, en particulier des risques de fausses interprétations. Il faut rester vigilant par rapport aux logiques d’alerte et aux mécanismes de communication dans la dissuasion nucléaire, car on est face à des systèmes (hypersoniques ou à propulsion nucléaire) qui peuvent transporter à la fois une charge nucléaire et une charge conventionnelle.
Ainsi, lorsque vous êtes la cible de ce type de système, il devient difficile d’identifier la nature exacte de la menace : s’agit-il d’une attaque conventionnelle ou nucléaire ? La réponse ne sera pas la même dans un cas ou dans l’autre. Ce flou est dangereux et peut impacter la dissuasion nucléaire. «
Les Russes affirment que le missile à propulsion nucléaire est capable d’échapper aux défenses antimissiles. Que pensez-vous de cette déclaration ?
« Cette affirmation n’engage que ceux qui y croient. Il existe de nombreuses déclarations russes concernant cette technologie et sa prétendue invincibilité. Elle reste à prouver. Les systèmes d’interception américains sont efficaces, et leurs dispositifs de détection et d’alerte sont les plus avancés au monde.«
Pourquoi la Russie met-elle en avant le succès de son essai sur le missile à propulsion nucléaire ?
« Cette communication s’explique d’abord par la mise en avant par la Russie de ses recherches et de ses progrès, où elle prétend être à l’avant-garde. […] Elle vise simplement à rappeler que si la Russie fait face à d’énormes difficultés dans son domaine conventionnel, elle reste une superpuissance dans le domaine nucléaire.
C’est une stratégie de communication. Peu importe le mépris ou les railleries envers la Russie, et la critique de sa gestion des débuts de son intervention en Ukraine, le pouvoir russe souligne, même avant le début de ce conflit, que la dissuasion nucléaire est une composante clé de tout cela. C’est le principe de la « sanctuarisation agressive » : je me permets d’intervenir en Ukraine tout en maintenant à distance tous les alliés potentiels de ce pays, afin de les dissuader d’entrer dans le conflit, en raison de ma position de puissance nucléaire dominée à l’échelle mondiale.
Il n’existe qu’un seul équivalent, ce sont les États-Unis.
La Russie réaffirme cette logique à des fins de communication, tant en interne qu’en externe, un peu à la manière de l’époque de la guerre froide. C’est un rappel d’une grande puissance désireuse d’être respectée, inspirant la peur chez ses ennemis et éprouvant de la fierté en interne, en indiquant que les années 1990 sont révolues et que la Russie est de retour en tant que puissance dominante, détenant une maîtrise technologique hautement respectée, même si elle doit encore relever d’énormes défis d’ingénierie et technologiques.
Est-ce là la seule motivation ?
« Une autre dimension à considérer est le calendrier. La réunion à Budapest a été annulée, et les États-Unis ont imposé de nouvelles sanctions sévères à l’encontre de la Russie. Nous assistons à un retournement, voire un réalignement de la politique de Donald Trump dans la continuité de ce qui a été entrepris par Joe Biden. Dans ce contexte, Moscou mise sur son atout majeur, qui est sa puissance nucléaire.
La Russie rappelle aux États-Unis qu’ils ne parlent pas à n’importe qui. Ce n’est pas le Venezuela, ni un autre pays à qui l’on donne des leçons en matière de relations internationales. C’est une grande puissance, voire une hyperpuissance nucléaire.«

