Belgique

Budget fédéral : « retenez-moi ou je pose un ultimatum »

L’ultimatum posé par Bart De Wever stipule qu’il faut s’accorder sur un budget avant le 6 novembre. Bart De Wever estime l’effort nécessaire à 10 milliards sur la législature, bien que certains observateurs estiment que l’assainissement pourrait n’être « que » de 8,2 milliards.


L’ultimatum de Bart De Wever est clair : parvenir à un accord sur le budget ou faire face à un échec le 6 novembre. En cas de non-entente, le Premier ministre se rendra chez le Roi « pour faire rapport » … en d’autres termes : démissionner.

Il s’agit d’une crise existante… mais ce n’est pas la première fois. Bart De Wever a déjà eu recours à ce type de pression lors de la formation de son gouvernement pour faire avancer les négociations. Cela signifie-t-il que cela fonctionnera une nouvelle fois ?

Il est important de faire quelques remarques.

Cette crise est principalement le résultat d’un profond amateurisme. L’exécutif s’est mis dans cette situation « tout seul ». Chaque membre était conscient qu’il faudrait élaborer un budget et que l’effort demandé aux Belges serait conséquent. Prétendre, à la fin octobre, ignorer l’ampleur de la tâche semble être de la comédie. Si l’Arizona est tombé dans le piège, il entraîne le pays avec lui.

De plus, comparée à d’autres pays voisins, notamment les Pays-Bas, la Belgique donne l’impression d’un royaume du manque de préparation. Selon Kevin Spiritus, professeur d’économie à l’Université de Rotterdam, c’est l’administration néerlandaise qui se charge de calculer les différentes options budgétaires. Ainsi, lorsque le budget est discuté, chacun dispose d’un dossier solide pour appuyer ses décisions. En Belgique, il n’en est rien. Les réformes semblent être évaluées de manière approximative, avec l’impact électoral comme principal critère.

Bart De Wever évalue l’effort nécessaire à 10 milliards d’euros pour la législature. Cela fait plusieurs fois qu’il répète ce chiffre. Cependant, plusieurs observateurs se posent des questions. Pour répondre aux exigences européennes, l’assainissement pourrait n’être « que » de 8,2 milliards. C’est un effort considérable, mais étant donné les montants, il serait préférable d’effectuer des calculs précis !

Enfin, et cela fait partie des critiques, Bart De Wever ne risque-t-il pas de ternir l’image qu’il cherchait à construire ?

La semaine dernière, devant ses homologues européens, il réaffirmait son image d’homme politique sérieux et légaliste (« Nous ne pouvons pas utiliser l’argent des autres, même s’ils sont russes, pour acheter des armes pour l’Ukraine »). Puis, ce lundi, le voilà devenu homme politique belge, prêt à tout sacrifier ? Son mandat, son gouvernement, et le reste ?

Il est vrai que, sur le fond, il ne peut avancer avec une équipe qui refuse de collaborer ; cependant, sur la forme, les ultimatums sont rarement perçus comme autre chose qu’une arme désespérée. Les Belges ont suffisamment vécu de crises pour savoir qu’aucun problème ne peut être résolu par des menaces de départ. Au contraire ! Menacer trop souvent finit par rendre la menace tangible.

Notre classe politique a cette tendance à montrer qu’elle ne rabaissera ses exigences qu’après avoir épuisé toutes les alternatives. Faut-il vraiment attendre le milieu de la semaine prochaine pour s’assurer que chaque électeur l’ait compris ? Cela semble douteux.

De plus, diriger un gouvernement fédéral ne signifie pas menacer. De Wever pourrait simplement mentionner deux capitales, Paris et La Haye, pour faire comprendre à ses partenaires ce qui est en jeu. Un gouvernement sans budget « à la française » ou des législatives anticipées « à la néerlandaise » ne devraient pas susciter d’enthousiasme au sein de la majorité fédérale.

Enfin, certains hommes politiques flamands feignent de découvrir un défaut au sein de cet exécutif : le fait que les présidents de partis (ou les figures majeures de ces partis) n’ont pas participé à l’équipe. De Wever serait donc contraint de s’adresser aux intermédiaires plutôt qu’à leurs leaders. Clarinval plutôt que Bouchez. Vandenbroucke plutôt que Rousseau.

C’est vrai, ce n’est pas nouveau et c’est révélateur : lorsqu’il s’agit de discuter de la composition d’une équipe, il est rare de parier sur sa longévité.

Alors que le bateau fédéral tangue, le capitaine évoque plutôt des ultimatums que des horizons à atteindre. Lorsque le capitaine commence à douter du navire, chacun regarde vers les chaloupes !