Donald Trump déploie le plus gros porte-avions du monde face au Venezuela.
Le 25 octobre, le Pentagone a confirmé le déploiement du USS Gerald R. Ford et de sa flotte d’escorte dans les Caraïbes pour « renforcer les moyens de détection et d’interception du trafic de stupéfiants » dans la région. D’après les données publiées par l’US Navy, le USS Gerald R. Ford mesure plus de 333 mètres de long et peut embarquer jusqu’à 90 appareils.
Le 25 octobre, le Pentagone a annoncé le déploiement du USS Gerald R. Ford et de sa flotte d’escorte dans les Caraïbes. La justification officielle de cette opération est de « renforcer les moyens de détection et d’interception du trafic de stupéfiants » dans la région, selon une déclaration du Pentagone. Depuis septembre, les États-Unis ont revendiqué dix frappes contre des embarcations suspectes, faisant 43 victimes, d’après un bilan de l’AFP.
Cependant, derrière cette explication, beaucoup interprètent cela comme une manœuvre politique. Selon Alain De Nève, chercheur à l’Institut royal supérieur de défense (IRSD), cette décision « répond à une certaine logique : Donald Trump reprend un dossier qu’il avait déjà ouvert lors de son premier mandat, celui du narcotrafic en provenance d’Amérique du Sud, qu’il considère comme soutenu par les autorités vénézuéliennes ».
Le président américain souhaite ainsi « envoyer un signal fort » à Caracas et rappeler la capacité des États-Unis à déployer leur puissance n’importe où.
« Le porte-avions est à la fois un outil militaire et diplomatique. Son déploiement sert à la fois à exercer une pression politique et à démontrer la présence américaine », souligne Alain De Nève.
À Caracas, le président vénézuélien Nicolás Maduro rejette cette action, la qualifiant de « guerre inventée » et accuse Washington de vouloir provoquer un changement de régime. Ce geste est perçu comme agressif, mais légal tant que le porte-avions reste dans les eaux internationales, le droit maritime n’interdisant pas la présence de navires de guerre hors des eaux territoriales.
Cette tension croissante s’inscrit dans un climat de méfiance persistante entre les deux pays, exacerbé par les sanctions américaines et les soupçons de fraude lors des élections vénézuéliennes.
### Le Gerald R. Ford : 333 mètres d’acier au service de Trump
Mis en service en 2017, le USS Gerald R. Ford est le premier d’une nouvelle génération de porte-avions nucléaires américains, destiné à remplacer la classe Nimitz. Selon le site officiel de l’US Navy, il mesure plus de 333 mètres de long et pèse environ 100.000 tonnes, équivalant à une petite ville flottante. À son bord, près de 4 600 marins et aviateurs vivent et travaillent en permanence.
Un porte-avions n’est jamais isolé. Il fait partie d’un groupe aéronaval, constitué de destroyers, frégates, navires de soutien et d’un sous-marin nucléaire. Ce dispositif protège le navire amiral contre les menaces aériennes, sous-marines et de surface, tout en augmentant sa capacité de frappe. « Il ne faut pas oublier que le porte-avions, en soi, c’est une chose, mais vous avez tout le groupe aéronaval qui l’accompagne », insiste le chercheur.
En effet, le Gerald R. Ford est avant tout une base aérienne mobile : il peut embarquer jusqu’à 90 appareils, tels que des chasseurs F-35 Lightning ou F/A-18 Super Hornet, des avions de guerre électronique EA-18G Growler, des avions de surveillance E-2D Hawkeye et des hélicoptères MH-60.
Selon les données publiées par l’US Navy et relayées par CNN, son système électromagnétique de catapultage (EMALS) permet de lancer un plus grand nombre d’appareils plus rapidement et avec moins d’entretien que les anciennes catapultes à vapeur.
Ses deux réacteurs nucléaires produisent trois fois plus d’électricité que ceux des précédentes classes, ce qui permet d’alimenter de futurs systèmes d’armement en développement, tels que des lasers ou des drones de combat. Grâce à cette puissance, le navire peut réaliser jusqu’à 160 sorties aériennes par jour, voire 220 en période de crise, selon Naval Technology, un site spécialisé dans les marines militaires.
Malgré cela, la France ne dispose que d’un seul porte-avions, le Charles-de-Gaulle, qui est environ deux fois moins massif. Quant à la Chine, malgré une expansion navale massive, elle demeure « encore loin de la maîtrise technologique et logistique américaine », rappelle Alain De Nève.
### Proportionnalité ou démonstration de puissance ?
Après ce constat, le déploiement d’un tel mastodonte face à un pays en crise soulève des questions. Est-ce une réponse disproportionnée à la menace du narcotrafic ? Pas nécessairement, nuance Alain De Nève : « Disproportionné ? Pas nécessairement. L’idée, c’est toujours d’avoir un ascendant sur votre adversaire, donc forcément il y a une disproportion. Mais cet outil est là pour ça ».
Cette opération relève avant tout d’une logique de dissuasion : impressionner pour éviter d’avoir à frapper. « En envoyant ce porte-avions majeur, on espère que la conduite des États puisse changer », précise-t-il.
Cette « diplomatie du porte-avions », comme l’explique le chercheur, repose sur un principe simple : montrer sa force pour peser politiquement. Une stratégie risquée, admet-il, mais cohérente avec la vision américaine de la puissance : « Le porte-avions, c’est l’incarnation même de la puissance américaine ».
Ainsi, derrière le façade de la lutte contre le narcotrafic, l’envoi du Gerald R. Ford dans les Caraïbes symbolise un réflexe américain ancien : celui de la projection de puissance. C’est une manière de rappeler, dans un contexte de rivalité avec la Russie et surtout avec la Chine, que les États-Unis demeurent les maîtres incontestés des océans et qu’aucune autre nation ne peut déployer une flotte aussi redoutable à l’autre bout du monde en si peu de temps.

