Mes Humeurs : Le génie de Morricone sont à l’honneur
Ennio Morricone, compositeur né à Rome en 1928, a composé plus de cinq cents bandes originales au cours de sa carrière. Il a reçu un oscar d’honneur en 2007, ainsi que la statuette du meilleur compositeur pour « Les Huit Salopards » de Quentin Tarantino en 2016.
La Presse — À la suite du décès de Claudia Cardinale, les chaînes de télévision ont rediffusé l’ensemble de ses films. J’ai eu le plaisir et l’intérêt de revoir « Il était une fois à l’Ouest » de Sergio Leone. Les amateurs peuvent facilement nommer les acteurs, le réalisateur et même reconnaître la musique, mais ils peinent souvent à citer le nom du compositeur.
Fait-on vraiment attention à la musique des films ? Apparemment, non. Demandez à votre entourage de nommer le compositeur de tel ou tel film, aussi célèbre soit-il, et vous constaterez notre ignorance en la matière. Certainement, quelques musiciens comme John Williams, John Barry ou Nino Rota se sont imposés grâce à leur talent et leur originalité. Toutefois, celui qui a vraiment laissé une empreinte indélébile avec son style unique et reconnaissable est Ennio Morricone. Quelques notes suffisaient pour reconnaître sa signature. Ses mélodies continuent d’habiter la mémoire collective aujourd’hui.
Compositeur de génie, né à Rome en 1928, il a élevé la musique de film à un véritable art. Son œuvre, colossal, traverse genres, époques et frontières.
Ironiquement, alors qu’il souhaitait devenir médecin dans sa jeunesse, Ennio Morricone a été dissuadé par son père, trompettiste de profession. « Je me nourris avec cet instrument, tu devrais faire pareil pour nourrir ta famille. » Ennio n’aimait pas cette idée ; il se retrouvait dans la fosse avec l’instrument à la main et s’endormait. En fils obéissant, il apprit à jouer de la trompette, qu’il intégrera plus tard dans plusieurs films. Lors de son service militaire, il fut naturellement intégré à la fanfare.
Diplômé du Conservatoire de Rome, où il étudia la composition sous l’égide de Roberto Saviano, nourri par la musique de Bach – d’où l’usage fréquent du contrepoint dans ses compositions – et de Stravinski, il écrivait des œuvres qu’il n’osait pas montrer. Ses professeurs, dont Petrassi, dédaignaient la musique de film, la considérant comme mineure.
Sa rencontre avec le réalisateur Sergio Leone a marqué un tournant dans sa carrière ; ils découvrirent qu’ils avaient fréquenté la même école dans leur enfance, ce qui a contribué à leur amitié et complicité. Ensemble, ils ont signé les bandes originales de « Pour une poignée de dollars », un succès populaire dont la musique de Morricone était un élément central. Ce succès a été suivi d’autres films emblématiques du western spaghetti, tels que « Le Bon, la Brute et le Truand » et « Il était une fois dans l’Ouest ».
Ces œuvres, désormais cultes, doivent autant leur réputation à leurs images qu’à leur musique. Le compositeur mêle guitare électrique, cris, sifflements, harmonica et percussions insolites, créant une atmosphère à la fois lyrique et sauvage ; un simple sifflement, un coup de fouet, une trompette solitaire, Ennio Morricone n’avait pas besoin d’images pour raconter une histoire.
Cependant, limiter Morricone au western spaghetti serait réducteur. Dans son atelier, il écoute de la musique classique, un crayon et une gomme à la main, travaillant à ses partitions, n’oubliant pas de composer des œuvres classiques et des commandes, toujours la tête pleine de notes et d’accords. Il a collaboré avec de grands cinéastes, tels que Bernardo Bertolucci, Brian De Palma, Terrence Malick, Roman Polanski ou Giuseppe Tornatore. Son génie résidait dans sa capacité à s’adapter à chaque univers tout en gardant sa touche personnelle.
La mélodie de Cinema Paradiso, par exemple, figure parmi les plus émouvantes de l’histoire du septième art : un hommage à l’enfance et à la magie du cinéma.
Au cours de ses plus de six décennies de carrière, Morricone a composé plus de cinq cents bandes originales et vendu des millions d’albums. Malgré une reconnaissance tardive par l’Académie hollywoodienne, il a reçu un Oscar d’honneur en 2007, puis la statuette du meilleur compositeur pour Les Huit Salopards de Quentin Tarantino en 2016. Amateur d’échecs de haut niveau, discret et rigoureux, profondément attaché à la musique classique, Morricone dirigeait encore des orchestres à plus de 80 ans. Son décès, en juillet 2020, a provoqué une vague d’émotion mondiale. De Rome à Hollywood, musiciens, cinéastes et spectateurs ont rendu hommage à celui qui avait touché des générations entières avec ses notes, suscitant pleurs, frissons et rêves. Ennio Morricone n’écrivait pas seulement pour le cinéma : il composait pour les âmes de ses personnages.
