France

L’homosexualité en politique ne cesse d’être un tabou, selon Jean-Baptiste Marteau.

Jean-Baptiste Marteau a signé le documentaire « Homos en politique, le dire ou pas », diffusé mardi à 21h05 sur France 5 et déjà disponible sur la plateforme France.tv. Selon un récent sondage, près de 35 % des Français disent qu’ils seraient gênés de voter pour un responsable politique ouvertement homosexuel.


« C’est un projet très personnel, que j’ai construit pendant un an, sur lequel j’ai beaucoup travaillé. Là, je ne maîtrise plus rien. J’espère qu’il va rencontrer son public », déclare Jean-Baptiste Marteau à 20 Minutes. Le journaliste de France Télévisions a réalisé le documentaire « Homos en politique, le dire ou pas », diffusé mardi à 21h05 sur France 5 et déjà accessible sur la plateforme France.tv.

Il a interrogé des élus de presque tout l’éventail politique ayant ouvertement abordé leur orientation sexuelle durant leur mandat. À travers ses rencontres avec Bertrand Delanoë, la députée européenne Les Verts Mélissa Camara, l’ex-Premier ministre Gabriel Attal ou encore Gabriel Bremond, maire d’Eclans-Nenon, commune de 420 habitants, Jean-Baptiste Marteau partage également sa perspective sur le sujet en tant qu’homme gay.

Quel a été le déclic qui vous a fait vous lancer dans ce documentaire ?
La phrase de Gabriel Attal dans son discours de politique générale. En l’entendant affirmer, lors de ce moment très solennel et codifié, qu’on peut être Premier ministre de la France et homosexuel en 2024, j’ai pensé qu’il y avait là un sujet à approfondir. C’était le signe que quelque chose avait changé, car il y a un peu plus de dix ans, la séquence sur la loi « Mariage pour tous » avait été d’une violence considérable, faisant remonter des haines qui s’exprimaient sans retenue dans la classe politique, sur les plateaux télé et dans les rues. Passionné de politique depuis toujours, j’ai pu observer à quel point l’homosexualité dans le monde politique demeure un tabou.

Vous avez fait face à de nombreux refus ?
Je souligne tout d’abord qu’un certain nombre de personnes ont accepté de témoigner. C’est un acte de courage de leur part, car ils n’ont pas grand-chose à y gagner. Selon un récent sondage, près de 35 % des Français affirment qu’ils se sentiraient gênés à l’idée de voter pour un responsable politique ouvertement homosexuel. Bien sûr, j’ai aussi sollicité d’autres personnes pour témoigner. Certains dont l’homosexualité était soupçonnée et d’autres dont l’orientation sexuelle est connue dans un petit milieu.

J’ai reçu des refus pour diverses raisons. Certains estiment que cela relève de la vie privée et ne devrait pas être exposé au grand jour. D’autres, tout simplement, ne sont pas prêts à parler. Je respecte cela. Cela montre également que ce n’est pas une question anodine.

France Télévisions a-t-elle immédiatement accepté le projet ?
J’ai élaboré le projet avec Renaud Saint-Cricq, mon coréalisateur. Nous sommes très différents, donc très complémentaires. Lui, hétérosexuel, n’avait pas encore travaillé sur ces questions-là. Son regard était extrêmement curieux, il posait les bonnes questions. Lorsque nous avons présenté le projet à France Télévisions avec la productrice Katia Maksym, nous avons rencontré une réaction assez naturelle. Ils se demandaient si c’était vraiment un sujet. Nous avons expliqué la situation, les avancées, mais aussi tout ce qu’il restait à accomplir… Et nous avons reçu rapidement le feu vert.

Vous figurez dans le documentaire et partagez comment certains coming-out de politiques ont eu un impact sur vous en tant que jeune gay. Ce type de journalisme dit « situé » est rare en France. Pour vous, était-ce une évidence ?
Quand on souhaite intéresser un large public à des sujets délicats à aborder, il est crucial d’incarner le programme et de parler de soi-même. Si j’avais opté pour une approche plus neutre, plus froide, avec une présentation traditionnelle des témoignages, cela n’aurait pas eu le même impact. Le fait de m’impliquer personnellement m’a aussi permis de gagner plus facilement la confiance de certains témoins. Je leur disais que je souhaitais recueillir leur témoignage mais aussi partager le mien, établissant ainsi une sorte de contrat de confiance. C’est en partie ce qui a convaincu Bertrand Delanoë de témoigner.

Parmi les témoins, certains élus appartiennent à des partis dont les programmes ont été ou sont hostiles aux droits des personnes LGBT…
Tous ceux qui témoignent, quelle que soit leur appartenance politique, le font parce qu’ils estiment avoir une légitimité personnelle à le faire. Ils ont réalisé leur coming-out public et partagent leur expérience d’être homosexuels en politique. Il n’était pas question d’ignorer le Rassemblement national, par exemple, car c’est un fait qu’un certain nombre d’élus RN ont fait leur coming-out.

Il existe également des personnes LGBT qui votent pour eux, ce qui mérite d’être exploré. Nous ne négligeons pas pour autant le fait que Jean-Marie Le Pen a tenu des propos très hostiles envers les homosexuels.

Vous êtes devenu depuis quelques semaines le joker de Léa Salamé au « 20 Heures » de France 2. Est-ce un accomplissement ?
C’est indéniablement une nouvelle étape dans ma carrière professionnelle et un grand défi, car le « 20 Heures » en semaine est le principal rendez-vous d’information du groupe France Télévisions. C’est une responsabilité énorme de porter tout le travail d’une rédaction comme celle-là, ce qui témoigne d’une grande confiance de la part des dirigeants du groupe et de la direction de l’information. J’étais plutôt soulagé, après les deux premiers journaux télévisés, de constater que le public avait répondu présent.

Un présentateur du « 20 Heures » qui affiche son homosexualité, cela peut-il aider d’autres personnes ?
J’espère. En tout cas, lorsque je vois le nombre de témoignages que je reçois lorsque je m’exprime sur ces sujets, je sais que cela aide des gens. Je pense que cela aurait été impensable il y a quelques décennies, quelques années. Aujourd’hui, c’est possible. À France Télévisions, cela ne pose aucun problème et il semble que cela n’irrite pas le public non plus.

Alors, lorsque je reçois des messages de jeunes et de moins jeunes, de parents qui trouvent cela utile pour accepter leur « différence » ou celle d’un proche, cela me touche, bien sûr. Je me dis que cela a son utilité.