France

« Avoir un point commun avec Marine Le Pen me tord les boyaux »

Marine C. ne se rappelle pas avoir un jour aimé son prénom et a 13 ans lorsque Marine Le Pen arrive en troisième position au premier tour de l’élection présidentielle de 2012. En 1991, le prénom Marine est le plus populaire du pays chez les filles avec 8.200 naissances selon l’Insee.

Marine C. ne se rappelle pas avoir jamais apprécié son prénom, même en fouillant dans ses souvenirs les plus anciens. « J’y ai toujours été indifférente, et puis ado, je l’ai détesté », affirme cette jeune femme de 26 ans. À 13 ans, lorsqu’elle entend le nom de Marine Le Pen, qui obtient la troisième place au premier tour de l’élection présidentielle de 2012 et qui renforce ainsi la position de l’extrême droite en France, Marine C. ressent une aversion grandissante pour son prénom.

« À 14 ans, j’ai commencé à envisager de le changer », confie-t-elle. Au départ, elle pense à se faire appeler « Marie », pour que la transition soit moins radicale, mais finalement, à l’âge adulte, elle choisit de ne pas le changer. « Je suis très proche de mon père, qui a choisi ce prénom pour moi, alors j’ai décidé de le garder », explique-t-elle. Cependant, son ressentiment vis-à-vis de son prénom persiste. « Ça m’embête de m’appeler comme une figure de l’extrême droite », déclare-t-elle, évoquant les remarques que l’on lui fait à ce sujet. « La routine quand on me demande comment je m’appelle, c’est de dire « Oh comme Marine Le Pen » », se plaint-elle, ne se reconnaissant pas dans les valeurs du Rassemblement national. Ce poids, elle le partage avec Marine Tondelier, conseillère des Hauts-de-France en lice pour la présidentielle, qui utilise le slogan : « Une autre Marine est possible ».

Pour les femmes politiques, l’importance du prénom

Les prénoms « Marine » sont nombreux. En 1988, ce prénom apparaît dans le top 10 des prénoms les plus attribués en France. En 1991, il devient le plus courant chez les filles avec 8.200 naissances selon l’Insee. Marine Le Pen, quant à elle, est née en 1968 sous le nom de « Marion Anne Perrine Le Pen ». « Elle opte pour ce changement quand le prénom Marine est à la mode », note Baptiste Coulmont, sociologue et auteur de La sociologie des prénoms. En effet, pour les femmes politiques, le prénom revêt une plus grande importance que le nom. Marine Le Pen maîtrise bien son image avec son « Rassemblement bleu Marine », tout comme Ségolène Royal et sa « ségosphère » en 2011. « Marine Tondelier a donc tout intérêt à se réapproprier son prénom », ajoute le chercheur.

Le prénom de ces deux femmes « suit une courbe classique en matière d’engouement et d’abandon », explique le sociologue. « Si Marine Le Pen s’était appelée Pimprenelle (un prénom plus original), alors on aurait pu observer une hausse significative des naissances », analyse-t-il. Le même principe s’applique au prénom Jordan, désormais considéré « bien trop démodé », et dont l’absence dans les classes d’école ne dépend pas de la politique de Jordan Bardella, bien que le président du RN ait le vent en poupe.

« Je ne peux pas être fière de mon prénom »

Certains prénoms peuvent connaître des pics de popularité grâce à une célébrité, mais à l’inverse, d’autres peuvent être évités comme Adolphe, qui a cessé d’être attribué dès la seconde moitié du XXe siècle, rappelle Baptiste Coulmont. Un exemple radical qui fait pourtant écho aux sentiments de Marine C. « Je ne peux pas être fière de mon prénom au regard de mes idées et de celles de Marine Le Pen, insiste-t-elle. Le fait d’avoir un point commun avec elle me tord les boyaux », affirme la Marseillaise.

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Marine G., 27 ans, a une opinion différente. En désaccord avec la député sur plusieurs points, elle se réjouit de voir une écologiste « redorer l’image » de son prénom. « Ça me fait du bien de voir une nouvelle femme politique s’imposer en tant que Marine », souligne-t-elle en repensant aux dernières élections législatives. Sensible à la cause environnementale, elle commençait « à en avoir assez » que son prénom soit « systématiquement associé » à celui de la présidente du RN à l’Assemblée et se sent davantage en accord avec « la politique menée par Marine Tondelier ». Pour sa part, Marine C. estime que la candidate à la présidentielle de 2027 pourrait l’aider à « être moins aigrie à ce sujet », mais « pas forcément plus fière » de son prénom.