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Pourquoi Donald Trump ne veut-il pas revoir Kim Jong-un ?

Donald Trump a entamé vendredi soir un « grand voyage » en Malaisie, au Japon et en Corée du Sud pour son premier déplacement dans la région depuis son retour au pouvoir en janvier. La Corée du Nord pourrait également être à l’agenda de ce déplacement, le président des Etats-Unis ayant affirmé qu’il espérait voir le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, possiblement cette année.

Donald Trump est en voyage à l’autre bout du monde. Le président américain a débuté vendredi soir un « grand voyage » en Malaisie, au Japon et en Corée du Sud, marquant son premier déplacement dans la région depuis son retour au pouvoir en janvier. La Corée du Nord pourrait également être un point d’intérêt lors de ce périple, Trump ayant affirmé qu’il espérait rencontrer le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, possiblement cette année, après trois sommets lors de son premier mandat. « J’aimerais bien, il sait que nous y allons », a déclaré le président des Etats-Unis aux journalistes la nuit dernière.

Six ans après leur poignée de main historique à Panmunjom, sur la frontière entre les deux Corées, une nouvelle rencontre est-elle envisageable ? Barthélémy Courmont, spécialiste du sujet et professeur à l’Université de Lille, analyse pour 20 Minutes les enjeux d’un tel rendez-vous, jugé aussi « spectaculaire » qu’« inutile ».

Pourquoi Donald Trump veut-il à nouveau rencontrer Kim Jong Un ?

Tout comme lors de ses précédentes rencontres pendant sa première administration, Donald Trump souhaite modifier la stratégie d’isolement envers la Corée du Nord, puisqu’elle n’est pas efficace. Les sanctions ne parviennent pas à empêcher le pays de développer son programme nucléaire. Cela a un sens.

Toutefois, Donald Trump est comparé à un médecin posant un bon diagnostic, mais sans disposer de remède. Il est convaincu qu’il peut aider à changer la situation en Corée du Nord. Lors de leur première rencontre, il avait même montré au dirigeant nord-coréen une vidéo d’une vision utopique de son pays, totalement déconnectée de la réalité. C’est ainsi qu’il perçoit les Etats-Unis, qu’il imagine comme une nation attirante pour les Nord-Coréens, qui rêveraient de vivre comme des Américains.

Aujourd’hui, la situation est inchangée. De plus, il souhaite effacer l’héritage de Joe Biden en démontrant son ouverture. Il cherche également à rétablir le dialogue entre les deux pays, qui a été rompu depuis 2019 à cause du Covid, de Biden et du président destitué de la Corée du Sud.

Une telle rencontre est-elle vraiment possible ?

Ce n’est pas à exclure. En 2019, leur dernière rencontre avait eu lieu dans des circonstances similaires : Donald Trump avait profité de son déplacement en Corée du Sud pour exprimer son désir de rencontrer Kim Jong-un, et un sommet avait été organisé en quelques jours à la frontière intercoréenne. Le président américain avait même fait quelques pas en Corée du Nord, pour l’image et l’Histoire.

Le scénario pourrait se répéter, mais le contexte est différent : les exigences nord-coréennes ne sont pas du tout comparables à celles de 2019. Jeudi, la Corée du Nord a clairement indiqué qu’elle accepterait une rencontre seulement si les Etats-Unis reconnaissaient son statut de puissance nucléaire, une demande inconcevable pour les conseillers de Donald Trump.

Quels intérêts pour la Corée du Nord ?

Kim Jong-un pourrait tirer grand profit de cette rencontre. Être photographié aux côtés du président des Etats-Unis, représentant l’une des premières puissances mondiales, constituerait une victoire diplomatique pour un pays isolé et sous sanctions. De plus, la Corée du Nord ne fait aucune concession et accentue la menace. Ses récentes démonstrations militaires, notamment les essais de missiles hypersoniques juste avant la visite de Donald Trump, s’inscrivent dans cette stratégie.

C’est un moyen de rappeler au reste du monde ses capacités et d’influencer le calendrier diplomatique, comme le fait le pays depuis trente ans. Chaque geste est calculé, rien n’est fait au hasard. Cela témoigne d’une stratégie astucieuse et constitue également une pression sur les Etats-Unis, leur suggérant : « Écoutez, si vous voulez nous rencontrer, nous sommes ouverts à la discussion, mais sachez aussi de quoi nous sommes capables ».

Que pourraient-ils discuter s’ils se rencontrent sans aborder la dénucléarisation ?

Eh bien… Comme lors de la dernière fois : de rien du tout ! Les trois précédentes rencontres avaient été complètement vides : beaucoup d’images, de poignées de mains, de sourires, mais aucun contenu tangible. Un véritable vide sidéral.

Le contexte est-il comparable à celui de 2019 ?

Le contexte géopolitique a totalement changé. Depuis 2019, la Corée du Nord s’est rapprochée de la Russie et bénéficie d’une position renforcée. Une rencontre impromptue enverrait un très mauvais signal aux alliés des Etats-Unis, notamment le Japon et la Corée du Sud, qui sont en rupture avec Moscou. Cependant, Donald Trump a peu de considération pour ce type de considérations. Il privilégie l’aspect médiatique, comme il l’avait affirmé à propos de sa rencontre avec Zelensky. Dans ce cas, un nouveau geste entre les deux dirigeants serait une image forte. Il pourrait donc tout à fait l’envisager.

Quelles conséquences pourrait avoir une telle rencontre ?

Je pense sincèrement qu’il n’en résulterait rien. C’est tout le problème. La première rencontre avait été réussie en raison de la force du symbole, mais on a ensuite constaté que les pourparlers stagnaient. Dès la deuxième rencontre à Hanoi, il n’y avait plus de substance. Et la troisième n’était qu’un symbole supplémentaire. Je ne vois donc pas ce qu’une nouvelle rencontre pourrait apporter.

De ce fait, cette rencontre va-t-elle vraiment se concrétiser ?

Étant donné que Donald Trump n’écoute personne, il pourrait décider d’y aller. Si la décision repose uniquement sur lui, il y aura une rencontre, c’est dans sa personnalité. Il y a un mois ou un mois et demi, j’aurais suggéré que son désir de rencontrer Kim Jong-un pouvait s’inscrire dans une stratégie pour le Prix Nobel de la paix. Mais comme il vient d’être attribué, il doit attendre encore un an. Il a donc intérêt à patienter un peu.

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Une autre question se pose : si une rencontre a effectivement lieu, où se déroulera-t-elle ? Kim Jong-un n’ira pas à Séoul, et Trump ne se déplacera pas à Pyongyang. Le lieu le plus probable serait Panmunjom, la frontière déjà célèbre depuis 2019. Cependant, rejouer la même scène donnerait une impression de déjà-vu.

Conclusion : bonne ou mauvaise idée ?

La réponse est claire : non, pas maintenant. Le contexte actuel n’est pas favorable. Si un dialogue entre les deux Corées pouvait reprendre, cela aurait été positif, mais ce n’est pas le cas. Les Sud-Coréens tentent d’avancer de leur côté sans succès. Une rencontre avec Trump compromettrait ce processus. Le timing n’est pas approprié, et il n’est pas certain qu’il y ait un « bon moment » à l’avenir.