Gérald Darmanin s’intéresse-t-il aux tests ADN récréatifs ?
Gérald Darmanin souhaite inscrire dans la loi la possibilité d’exploiter la généalogie génétique pour résoudre des cold cases, reprenant une proposition de la députée de Loire, Sylvie Bonnet. Selon la députée, « la généalogie génétique a permis de résoudre 650 affaires criminelles aux États-Unis entre 2018 et 2024 ».
Reprenant une proposition de la députée de Loire, Sylvie Bonnet, Gérald Darmanin, garde des Sceaux, souhaite inscrire dans la législation la possibilité d’utiliser la généalogie génétique pour résoudre des affaires non élucidées. Mais que signifie vraiment « généalogie génétique » et comment cela pourrait-il aider le système judiciaire ? Nous faisons le point.
### La législation actuelle sur l’ADN en France
L’examen des caractéristiques génétiques d’une personne, c’est-à-dire les analyses ADN, est strictement réglementé en France. Ces règles sont stipulées dans les articles 16-10 et 16-11 du Code civil, qui précisent que « l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques » ne peut être effectuée que dans un cadre judiciaire, médical ou scientifique, pour identifier une personne décédée, lutter contre le dopage, ou en cas de conflit armé.
Pour les analyses effectuées dans un cadre médical ou scientifique, la loi exige le consentement de la personne, un consentement pouvant être « révocable en tout ou partie, sans forme et à tout moment ». Dans les autres cas, les individus doivent être informés. Toute infraction à ces règles peut entraîner une peine d’un an de prison et une amende de 15 000 euros.
### Les tests génétiques récréatifs
Les tests génétiques appelés « récréatifs » ou « généalogiques » connaissent un grand succès aux États-Unis, dominés par des entreprises comme 23andMe ou AncestryDNA. Pour 119 dollars, 23andMe propose un kit permettant de prélever votre ADN, et quelques semaines plus tard, vous recevez une analyse détaillée de vos origines et de vos caractéristiques génétiques.
Les données ADN collectées peuvent être partagées sur des sites comme GEDmatch, FTDNA ou MyHeritage, qui permettent de retrouver des parents éloignés et de reconstituer un arbre généalogique en comparant vos données avec celles d’autres utilisateurs.
Cependant, ces tests ne figurent pas parmi les exceptions prévues par le Code civil, ce qui signifie qu’en France, « les tests ADN généalogiques sont considérés comme illégaux », comme l’indique Nathalie Jovanovic-Floricourt, experte en généalogie génétique. L’infraction de « solliciter l’examen de ses caractéristiques génétiques ou de celles d’un tiers » est sanctionnée par une amende de 3 750 euros. Malgré cela, environ 1,5 million de Français ont toutefois recours à ces tests, selon la députée Sylvie Bonnet.
### Les motivations de Darmanin pour accéder aux bases de données étrangères
En France, les forces de l’ordre ont accès à un fichier d’empreintes génétiques, le FNAEG, c’est-à-dire le Fichier national automatisé des empreintes génétiques, qui compte près de quatre millions de profils selon la police nationale en 2023. Selon le site généalogie-génétique, le FNAEG contient même « 4,9 millions de profils ADN », permettant des recherches de parentés proches, ce qui pourrait impliquer « jusqu’à 25 millions de personnes ».
Cependant, cette base de données ne peut pas tout résoudre, car « plus de 50 000 traces au FNAEG n’ont pas d’auteur identifié parce que nous ne connaissons pas les ADN des personnes », a déclaré Gérald Darmanin. Cela explique son intérêt pour les bases de données ADN étrangères.
« En comparant l’ADN retrouvé sur une scène de crime avec cette immense base de données, les coupables pourraient être plus facilement retrouvés et condamnés », a affirmé Sylvie Bonnet dans une question écrite adressée au garde des Sceaux le 7 octobre dernier. Si une personne accusée n’est pas répertoriée dans le FNAEG et n’a pas effectué de test ADN, un membre de sa famille pourrait avoir donné son ADN.
### Efficacité pratique
Dans sa question écrite, qui a inspiré la proposition de Gérald Darmanin, Sylvie Bonnet a noté que « la généalogie génétique a permis de résoudre 650 affaires criminelles aux États-Unis entre 2018 et 2024 », en raison du fait que les bases de données ADN privées contiennent « 50 millions » de profils.
En France, entre 1,5 et 2 millions de personnes ont volontairement donné leur ADN à ces entreprises privées. Gérald Darmanin a affirmé que l’exploitation de ces bases de données pourrait aider à résoudre « une trentaine d’affaires » actuellement bloquées au pôle cold case de Nanterre.
La justice française a déjà eu recours à cette méthode, une seule fois en 2022. Grâce à l’assistance du FBI, cela a permis d’identifier le « prédateur des bois », responsable de cinq viols entre 1998 et 2008, comme l’a rappelé le cabinet Seban avocats, qui défend la famille de Sabine Dumont, violée et tuée en 1987. Dans cette affaire, ainsi que « des dizaines d’autres », le recours à la généalogie génétique pourrait « débloquer la situation », selon le cabinet d’avocats.
Cependant, le cas du « prédateur des bois » ne peut pas être généralisé car, en l’état actuel de la loi, les demandes d’entraide internationale de la France vers les États-Unis demeurent rares « en raison du risque de recours juridique et des délais importants », souligne Sylvie Bonnet. Il est donc essentiel que cette pratique soit inscrite dans la loi, mais « pas sans régulation », prévient Nathalie Jovanovic-Floricourt. « Son utilisation sera strictement encadrée par la loi, réservée aux crimes les plus graves (meurtres, viols, enlèvements) et décidée sous le contrôle du juge », a précisé le ministère de la Justice.

