Affaire Grégory : Jacqueline Jacob, grande tante, entendue par la justice
Jacqueline Jacob, 81 ans, est auditionnée à Dijon en vue de sa possible mise en examen pour « association de malfaiteurs criminelle ». Selon l’arrêt du 18 juin dernier, les juges d’instruction estiment que l’octogénaire est incriminée par les déclarations de son beau-frère, René Jacob, qui a dit le 2 août 2022 avoir reconnu la voix d’un corbeau.
Une partie du mystère entourant la mort du « petit Grégory » Villemin, retrouvé noyé, pieds et poings liés, à l’âge de quatre ans en octobre 1984 dans la Vologne, une rivière des Vosges, pourrait-elle être élucidée ce vendredi ? Plus de 40 ans après le crime, la grand-tante de l’enfant, Jacqueline Jacob, est entendue à Dijon. Son nom est régulièrement associé à cette affaire, qui demeure l’une des plus grandes énigmes criminelles en France.
Pourquoi est-elle entendue ?
Jacqueline Jacob, âgée de 81 ans, est suspectée d’être l’un des corbeaux qui ont menacé les parents de l’enfant. L’octogénaire est auditionnée en vue d’une possible mise en examen pour « association de malfaiteurs criminelle ». Selon l’arrêt du 18 juin dernier ordonnant l’interrogatoire de Jacqueline Jacob, les juges d’instruction estiment qu’elle est incriminée par les déclarations de son beau-frère, René Jacob. Ce dernier a déclaré, devant les gendarmes le 2 août 2022, qu’après avoir écouté un enregistrement du corbeau : « Je pense avoir reconnu » sa voix.
De plus, les expertises graphologiques de 2017 et stylométriques de 2021 et 2023 attribuent à Jacqueline Jacob trois courriers anonymes de 1983, dont celui du 4 mars, qui menace directement les Villemin. « Je vous ferai votre peau », y était-il écrit. La stylométrie souligne que « cinq » corbeaux ont menacé les Villemin, mais soutient « très fortement l’hypothèse » que c’est Jacqueline Jacob qui a rédigé la lettre du 16 octobre 1984 revendiquant le crime. « J’espère que tu mourras de chagrin le chef […] Voilà ma vengeance. Pauvre con », disait cette lettre.
Déjà emprisonnée mais relâchée
En 2017, Jacqueline Jacob avait déjà été poursuivie pour « enlèvement et séquestration suivie de mort » et avait même été emprisonnée pendant quatre jours. Cette mise en examen avait été annulée en mai 2018, mais pour un vice de forme, dans un nouvel accroc de cette enquête complexe. Les juges d’instruction reprennent aujourd’hui certains soupçons qui pesaient déjà sur Jacqueline Jacob en 2017, en y ajoutant de nouvelles expertises qui, selon eux, les confirmeraient.
Dès le début des investigations, les enquêteurs avaient souligné la haine farouche entre les Jacob et les Villemin, alimentée par des rancœurs et des jalousies anciennes. La famille Villemin avait reçu de nombreuses lettres et appels anonymes dans les années précédant la mort de Grégory. La réussite « insolente » du père de l’enfant, Jean-Marie Villemin, récemment promu contremaître dans son usine et vivant dans une belle maison, suscitait des jalousies. Jacqueline Jacob, déléguée CGT, l’aurait traité de « chef de mes couilles » en 1982, selon des témoins. Cependant, les époux Marcel et Jacqueline Jacob ont nié toute animosité.
Des arguments qui suscitent le débat
Les éléments recueillis sont suffisants pour « envisager » une mise en examen, selon la chambre de l’instruction de Dijon dans son arrêt du 18 juin dernier qui a ordonné l’interrogatoire de Jacqueline Jacob. Toutefois, le procureur général, Philippe Astruc, avait jugé ces éléments trop faibles. Il avait rappelé qu’une expertise de 1991 avait attribué la lettre de revendication du crime, non pas à Jacqueline Jacob, mais à Bernard Laroche, cousin du père de Grégory. Ce dernier, qui habitait à proximité des Jacob, avait été inculpé puis tué par Jean-Marie Villemin, le père de Grégory.
Les études de stylométrie, méthode novatrice dont la fiabilité doit encore être démontrée, sont contestées par la défense de Jacqueline Jacob, qui qualifie les arguments de l’instruction de « surréalistes, lunaires ». Frédéric Berna, l’un des avocats de Jacqueline Jacob, estime qu’« rien ne justifie une mise en examen », promettant de la contester le cas échéant. Lors de sa première mise en examen, en 2017, Jacqueline Jacob avait juré de sa « totale innocence » et avait choisi de garder le silence face au juge, ce qu’elle pourrait à nouveau faire.

