Meurtre de Lola : Analyse de la psychopathie de Dahbia Benkired par des experts
Dahbia Benkired, 27 ans, est accusée du meurtre et du viol de Lola Daviet, 12 ans, en octobre 2022, et a été examinée par trois psychiatres qui ont conclu que son comportement n’était ni altéré, ni aboli le jour des faits. Les experts ont également noté qu’elle ne présentait pas de trouble mental caractérisé pouvant agir sur son libre arbitre et qu’elle n’avait « aucune empathie pour la victime et sa famille ».

A la cour d’assises de Paris,
Que pense Dahbia Benkired ? Trois psychiatres ont examiné, après son arrestation, cette jeune femme de 27 ans, accusée du meurtre et du viol de Lola Daviet, 12 ans, en octobre 2022. « On serait soulagé de se dire que cet acte a été fait par un fou, par une folle », a déclaré ce jeudi matin le président de la cour. En effet, l’Algérienne comparaît devant la cour d’assises de Paris car les experts ont conclu que son comportement n’était ni altéré, ni aboli, au jour des faits, ce qui la rend donc sujette à une sanction pénale. « Il est important de ne pas confondre la folie d’un acte avec la folie de son auteur », a précisé à la barre Karine Jean, psychiatre des hôpitaux, qui a rencontré l’accusée à trois reprises à la maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne) en novembre 2022.
Lors de leur première rencontre, Karine Jean a ressenti « un contact globalement fermé » avec l’accusée, qui affichait « une attitude contestataire et opposante ». Elle a noté chez cette femme « fluette », à « l’allure très juvénile » et au visage marqué par des « cicatrices d’acné », « une volonté de maîtriser l’instant ». Dahbia Benkired était très attentive à ce qui pouvait se dire sur elle dans les médias et s’est montrée « tout à fait frustrée de ne pas susciter l’intérêt qu’elle attendait ». Ce jour-là, la jeune femme « ne se souvenait plus de rien », « n’arrivait plus à parler français ». À la fin de l’entretien, elle a fixé la psychiatre « de manière très froide, très soutenue, dans une volonté de domination ». « Pas la peine d’insister », a commenté Karine Jean, qui a mis « un terme » à la rencontre.
Lors de leur second entretien, trois jours plus tard, Dahbia Benkired s’est montrée « courtoise » et « décontractée », mais ses réponses étaient « à côté » de la plaque. « Le contenu du discours est pauvre, avec une volonté manipulatoire », a observé la psychiatre. Le troisième entretien s’est déroulé « de la même manière ». Karine Jean a noté « beaucoup de propos contradictoires » chez l’accusée. « On avait vraiment un discours en creux qui ne permettait pas de saisir Mme Benkired dans sa totalité », a déclaré la médecin. Elle a affirmé que l’accusée était « dans une volonté de domination et de maîtrise de l’instant comme on en rencontre peu, en tout cas chez les femmes ». La psychiatre n’a décelé chez elle aucun « trouble de l’humeur », aucun « trouble de la pensée », aucun « trouble bipolaire », ainsi qu’aucun « élément délirant » ou « élément anxieux ». Elle n’était pas « dépressive » et son intelligence « se situait dans le spectre large de la normale ».
Dahbia Benkired a dit être « hétérosexuelle de manière exclusive ». Elle a mentionné qu’elle aurait été « violée » toute sa vie, selon la psychiatre, qui précise que « rien n’était très clair » dans les faits rapportés par l’accusée. Le jour des faits, cette dernière aurait « perdu le contrôle », se serait sentie « comme un pantin ». Elle a montré des réticences à reconnaître clairement son implication dans le meurtre et le viol de la préadolescente. « Elle dira qu’elle a été violée et empoisonnée et qu’elle était sous influence », rapporte la médecin.
Au cours de ces rencontres, Dahbia Benkired s’est révélée « provocante, cynique » et « évasive ». « Elle semait le trouble et la confusion chez son interlocuteur », raconte Karine Jean, qui, au final, n’a « rien retenu » de l’accusée. Elle a même ressenti pour la première fois, « en quinze ans d’expérience en milieu carcéral », un « malaise ». L’experte a observé une « haute tendance à la psychopathie » chez elle. L’accusée « a besoin de l’autre, besoin d’un rapport dominant dominé ». « Elle investit l’autre comme un objet qu’on prend, qu’on casse et qu’on jette. Cela lui procure de la jouissance mégalomaniaque. »
Karine Jean n’a identifié aucun « trouble psychique qui aurait altéré ou aboli son discernement ». La question de savoir si elle a pu commettre les faits à cause de Mustapha M., son ex-compagnon, comme elle l’a allégué durant le procès, a été posée. « Ça me semblerait une explication un peu simpliste », a estimé l’experte, notant que l’accusée « a une tendance à la déresponsabilisation très nette ». « Je pense que la motivation est avant tout sexuelle, avec quelque chose qui aurait pu faire écho à un traumatisme très infantile dont elle n’aurait pas pleinement conscience, ce qui aurait pu engendrer le décès de cette enfant », a conclu la psychiatre.
Crâne rasé
La défense avait demandé une contre-expertise, confiée par la juge d’instruction à Liova Yon et Raphaël Gourevitch, tous deux travaillant à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Ils ont rencontré Dahbia Benkired trois fois en six mois, alors qu’elle était placée en unité pour malades difficiles. Ils ont décrit une femme « avec un crâne rasé », indiquant que sa biographie était « très lacunaire », « difficile à retracer » et comportait « des éléments contradictoires », notamment concernant les viols qu’elle aurait subis dans son enfance. Aucun symptôme de stress post-traumatique n’a été détecté chez elle.
Les deux experts n’ont observé chez l’accusée « aucun trouble de la logique et du raisonnement ». « Sur certains thèmes, les faits qui lui sont reprochés, le discours est plus confus », a noté Liova Yon. « Elle s’engage dans des réponses assez creuses, assez vides, qui ne permettent pas de s’engager sur une piste psychotique. » « Pour ne pas répondre aux questions », elle a évoqué avec les médecins « des éléments mystiques, des phénomènes bizarres ». Cependant, ils estiment qu’elle ne délire pas et qu’« aucun élément » n’a été identifié laissant penser qu’elle aurait pu délirer dans le passé ou au moment des faits.
« Aucune empathie pour la victime et sa famille »
Les experts insistent sur le fait qu’elle « ne présentait pas, au moment des faits, de trouble mental caractérisé de nature à agir sur son libre arbitre ». Ils n’ont décelé chez Dahbia Benkired « aucune empathie pour la victime et sa famille ». Au contraire, l’accusée s’est montrée « très préoccupée par sa situation judiciaire » et a regretté que « personne » ne se mette à sa place. En entendant ces propos, certains proches de Lola se sont mis à pleurer.
Cette épreuve judiciaire, qu’ils vivent depuis cinq jours, touche presque à sa fin. Vendredi, l’avocat général présentera ses réquisitions. L’avocat de Dahbia Benkired tentera de plaider pour éviter à sa cliente la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict devrait être rendu dans la soirée.

