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De Paris à la « belle ville » de Belgique : l’ignorance géographique de Donald Trump.

Donald Trump a exprimé son mécontentement en déclarant : « Je ne sais même pas où c’est ! », en réponse à une présentation de la carte du front ukrainien par Volodymyr Zelensky lors d’une réunion le vendredi 17 octobre. Un sondage du National Geographic en 2006 a révélé que moins d’un Américain sur trois était capable de trouver le Royaume-Uni sur une carte du monde.


« Je ne sais même pas où c’est ! », s’est offusqué Donald Trump en réaction à la carte du front ukrainien, présentée par Volodymyr Zelensky lors d’une réunion animée, le vendredi 17 octobre. Depuis le début de sa carrière politique, le président des États-Unis fait preuve d’une connaissance géographique que l’on peut qualifier (au minimum) de déficiente. Déjà en janvier 2016, il avait suscité des moqueries en évoquant un fait divers à Paris, tout en commentant dans le même tweet : « L’Allemagne est un véritable désastre ».

Au cours de la dernière décennie, le magnat de l’immobilier a accumulé une série d’erreurs géographiques : la Belgique qualifiée de « belle ville », le Népal surnommé « Nipple » (« téton » en anglais), l’Alaska et la Finlande attribuées à la Russie, ou encore le Colorado situé à la frontière du Mexique, pourtant éloignée d’environ 800 kilomètres.

« Donald Trump est nul en géographie, confirme avec un sourire Stéphane Rosière, géographe et géopolitologue. Mais il n’est pas le premier président américain à présenter des lacunes. » En 1982, Ronald Reagan avait porté un toast au « peuple bolivien » lors d’un dîner d’État à… Brasilia. Plus récemment, Gary Johnson, l’un des adversaires de Trump lors de l’élection présidentielle de 2016, avait répondu à une question sur la ville syrienne d’Alep par : « Qu’est-ce que c’est, Alep ? »

La situation est exacerbée pour Donald Trump, qui, à la différence de ses prédécesseurs, semble dépourvu de tout filtre. Selon Stéphane Rosière, il ne paraît prêt ni à écouter ses conseillers ni à lire les notes qui lui ont été préparées pour éviter qu’il ne fasse des déclarations erronées. Pire encore : le président américain a habitué le monde à ses répliques impulsives, immédiatement relayées sur les réseaux sociaux. « Cela lui permet de dire n’importe quoi, au risque de ternir son image ou de déformer la vérité », ajoute le géographe. Néanmoins, la méconnaissance flagrante de Donald Trump par rapport aux enjeux mondiaux choque plus à l’international qu’aux États-Unis.

Les Américains sont souvent moqués pour leur ignorance en géographie, et les visages déconfits des passants américains face à un planisphère nourrissent les blagues sur Internet depuis des années. Un sondage du National Geographic révélait en 2006 que moins d’un Américain sur trois savait situer le Royaume-Uni sur une carte du monde. Au-delà de ce stéréotype, la géographie est réellement perçue comme une discipline secondaire aux États-Unis.

Elle est généralement enseignée dans le cadre des « social studies », qui regroupent souvent l’histoire, la géographie, la sociologie, l’éducation civique et l’économie en un seul cours. Un rapport du gouvernement fédéral datant de 2015 indiquait que plus de la moitié des enseignants consacraient moins de 10 % de leur temps à l’enseignement de la géographie. En 2018, le Programme d’évaluation des progrès dans le système éducatif américain (NAEP) notait qu’un élève de 4ème sur cinq n’avait suivi qu’un cours centré sur la géographie et qu’aucune amélioration du niveau n’avait été observée depuis 1994.

La géographie n’a jamais été une priorité pour les Américains, que ce soit dans leur vie quotidienne ou au sein de leurs gouvernants. « Les États-Unis ont coutume de ne pas se préoccuper de l’étranger. La revue Foreign Affairs a été fondée dans les années 1920 précisément pour améliorer la connaissance du monde et de la géographie internationale parmi les Américains et leurs dirigeants, jugés trop ignorants. Déjà, il y a un siècle, on constaté le même désintérêt pour le reste du monde », relate Stéphane Rosière. Après leur indépendance, les États-Unis ont cultivé un éloignement par rapport aux affaires européennes.

Ils ne sont ainsi entrés dans la Première Guerre mondiale qu’en 1917, après trois années de neutralité, et en 1941 dans la Seconde Guerre mondiale, poussés par l’attaque de Pearl Harbor. « Donald Trump s’inscrit dans une tradition isolationniste américaine qui méprise ou ignore le reste du monde », explique le géographe, tout en notant que le républicain semble accentuer cette tendance. « Avec Trump, c’est « America First » sur le plan économique, idéologique et même psychologique. » Cela présente le risque de n’avoir parfois aucune compréhension des enjeux et des équilibres fragiles qui régissent les relations internationales.