France

« Astérix en Lusitanie » : Chute de la dépense publique, baisse des impôts au Portugal ?

En 2025, le Portugal est en excédent budgétaire pour la deuxième année consécutive, avec une dette publique réduite à 90,2 % du PIB. Depuis 2017, la population étrangère avec permis de séjour a quadruplé et représente désormais 15 % de la population totale.


Nous sommes en 2025 après Jésus-Christ. L’ensemble de l’Europe fait face à une crise économique… Toute ? Non ! Un petit pays d’irréductibles Portugais continue de résister au déficit. Il n’est pas exagéré de dire que le Portugal est au centre de l’attention ces dernières semaines, à la fois pour la sortie du nouvel album d’Astérix, qui fait une halte ce jeudi, et pour l’excellente santé de ses finances publiques.

Pour la deuxième année consécutive, le pays a enregistré un excédent budgétaire, dépensant moins qu’il n’a gagné. Une performance que la France n’a pas réalisée depuis 1974, année de l’instauration de la démocratie au Portugal. De plus, la dette publique devrait passer de 93,6 % du PIB en 2024 à 90,2 % en 2025, avec une prévision de chute à 87,8 % l’année suivante. Fort de ces résultats, Lisbonne prévoit de réduire les impôts et d’augmenter les pensions, au point de susciter l’écrite d’Obélix : « Ils sont fous ces Portugais ! ».

Cependant, il est important de considérer le contexte avant de s’en réjouir. Pour en arriver à une telle santé financière, le Portugal a dû adopter des mesures drastiques : réduction du nombre de fonctionnaires, suppression des 13e et 14e mois, augmentation de la TVA, privatisation conséquente, recul de l’âge de la retraite et diminution du salaire minimum. Une austérité plus sévère qu’un menhir.

Anne-Sophie Alsif, responsable économique au Bureau d’informations et de prévisions économiques (BIPE), souligne l’ampleur des mesures : les salaires des fonctionnaires ont chuté de 30 % du jour au lendemain ; les départs à la retraite n’ont pas été remplacés ; aucune indexation des salaires ou des retraites n’a eu lieu ; les aides publiques pour l’énergie et l’alimentation ont été très limitées face à l’inflation… « Il y a eu une forte diminution des dépenses, trop forte, même, car cela a eu un effet récessif. Autant dire qu’un tel traitement n’est pas souhaitable en France », conclut l’experte, qui rappelle que les difficultés actuelles de Paris sont loin d’égaler celles de Lisbonne en 2010.

Anne Bucher, spécialiste de la macroéconomie européenne, relativise également ces performances : « Tout comme en Espagne ou en Grèce, ces  »miracles » économiques ne connaissent de la croissance que parce qu’ils ont traversé une crise économique majeure à la fin des années 2000. Sur cette base, ils ont mis en place des politiques d’austérité très restrictives. »

Le Portugal a aussi énormément compté sur les investissements étrangers, notamment avec le système de golden visa. En échange d’un investissement substantiel de 500.000 euros dans la recherche scientifique, des fonds d’investissement ou dans la création d’une entreprise avec plus de 10 employés, ou 250.000 euros dans le patrimoine, n’importe quel citoyen hors Europe pouvait obtenir un titre de séjour, pour lui et sa famille (conjoint(e), enfants et même ascendants), et viser, à terme, la nationalité portugaise. La part des investissements directs étrangers (IDE) a doublé en seize ans, passant de 32 % du PIB en 2008 à 69 % en 2024. Des incitations fiscales ont également été mises en place pour attirer des professionnels qualifiés.

« Le Portugal s’appuie énormément sur les étrangers qui ont investi dans le pays en tant que main-d’œuvre qualifiée », avance Anne Bucher. La communauté étrangère avec un permis de séjour a quadruplé depuis 2017 et constitue maintenant 15 % de la population totale. « Cela entraîne également des effets pervers ». Cette population peut quitter le pays à tout moment, et a provoqué une hausse considérable des prix de l’immobilier, engendrant une crise du logement pour les résidents locaux. En dix ans, les prix de l’immobilier ont augmenté de 124 %, contre 53 % dans le reste de l’UE, d’après Eurostat.

De plus, les problèmes structurels de l’économie portugaise persistent : une main-d’œuvre locale peu qualifiée, des capacités administratives limitées, un problème démographique significatif et une productivité relativement faible, énumère Anne Bucher. Les défis futurs nécessiteront au moins un album supplémentaire : « Il va falloir maintenir une trajectoire de consolidation budgétaire, réformer le système de retraite et s’attaquer à la dynamique démographique », ajoute l’experte… Rien qui ne devrait trop dépayser nos Gaulois, finalement.

Anne-Sophie Alsif concède qu’il s’agit « d’une bonne méthode, bien que quelque peu sévère, à court terme. Mais le pays doit encore beaucoup investir, se réindustrialiser et accroître sa productivité »… Le tout, comme on l’a compris, en cherchant à réduire sa dépendance vis-à-vis des visiteurs étrangers. Une équation complexe. Une étude récente de la faculté d’économie de l’université de Porto a révélé que le Portugal devrait attirer et retenir davantage d’immigrés pour assurer une croissance de 3 % ou plus par an. Astérix et Obélix ne seront pas de trop.