Maroc

PLF 2026 : un projet ambitieux mais vulnérable.

Le nouveau projet de loi de Finances 2026, présenté lundi dernier, vise à « relancer l’investissement public, renforcer les dépenses sociales, maîtriser le déficit public et établir des réformes fiscales ». Les dépenses prévues pour l’éducation s’élèveront à environ 97,1 MdDH, tandis que celles pour la santé et la protection sociale seront respectivement de 42,4 MdDH et 41,5 MdDH.


« Relancer l’investissement public, renforcer les dépenses sociales, maîtriser le déficit public et établir des réformes fiscales », telles sont les ambitions du nouveau projet de loi de Finances 2026, présenté lundi dernier devant les membres de la commission de la finance et du développement économique à la Chambre des représentants.

**Priorisation de l’investissement public, renforcement des dépenses sociales et politiques territoriales et inclusion**

Un effort massif d’investissement public y sera donc consacré. Selon le projet, il s’agit d’un programme d’investissement exceptionnel qui mobilisera plusieurs centaines de milliards durant cette période, avec 2026 comme année charnière pour accélérer les projets d’infrastructures et de développement territorial.

Le projet prévoit également une augmentation significative des budgets pour l’éducation (environ 97,1 milliards de dirhams), la santé (environ 42,4 milliards de dirhams), la protection sociale (environ 41,5 milliards de dirhams), ainsi que le lancement d’un fonds de développement territorial intégré (20 milliards de dirhams pour des programmes de développement local), ciblant les zones rurales et les limites régionales. Des mesures pour l’emploi et les PME seront également mises en place via des actions de soutien, telles que des crédits, la facilitation de l’accès aux marchés publics, un accompagnement technique et des dispositifs de financement au profit des PME et des jeunes, ainsi que des programmes de formation professionnelle élargis. Le gouvernement ambitionne aussi de réduire progressivement le déficit budgétaire, avec un objectif de -3% du PIB d’ici 2026, tout en stabilisant le ratio dette/PIB autour de 65–68 %.

**Une orientation globalement cohérente, mais sous contrainte**

Pour plusieurs économistes contactés par Libé, le PLF 2026 présente une orientation globalement cohérente, mais sous contrainte. Ils estiment que, même si ce projet vise à relancer l’économie par l’investissement public tout en stabilisant les équilibres budgétaires, la situation représente un véritable exercice d’équilibriste, devant à la fois soutenir la croissance et la demande, sans dérapage du déficit ni de la dette. Certains jugent que « cette orientation est cohérente avec la conjoncture actuelle, marquée par des tensions internationales, un ralentissement mondial et une inflation encore fragile ». Ils ajoutent que « miser sur la dépense publique pour relancer la machine productive peut avoir un effet multiplicateur positif à court terme, surtout dans les secteurs à fort effet d’entraînement (infrastructures, éducation, santé) ».

**L’objectif de ramener le déficit à 3% du PIB : ambitieux mais crédible sous conditions**

Concernant l’objectif de ramener le déficit à 3% du PIB, les experts affirment que le Maroc a réussi ces dernières années à stabiliser sa dette, mais que l’atteinte de cet objectif dépend de trois paramètres : une croissance effective supérieure à 4 %, ce qui reste optimiste compte tenu du ralentissement mondial ; une mobilisation accrue des recettes fiscales, notamment via la lutte contre l’informel et l’élargissement de l’assiette ; et une maîtrise rigoureuse des dépenses de fonctionnement et des subventions énergétiques. « Sans progrès structurels sur ces points, le risque est de voir le déficit réel se stabiliser autour de 4–4,5 % », précisent-ils.

**La réforme fiscale : un pas dans la bonne direction, mais un équilibre fragile**

L’intention d’élargir l’assiette fiscale tout en allégeant la charge sur les classes moyennes et les ménages modestes est jugée positive par plusieurs économistes, car cela pourrait dynamiser la consommation intérieure, essentielle à la croissance marocaine. Cependant, ils soulignent que « si les allègements ne sont pas compensés par une véritable réduction de l’évasion fiscale et de la fraude à la TVA, ils risquent d’éroder les recettes ». Ils ajoutent que « l’efficacité du dispositif dépendra du renforcement de l’administration fiscale, de la digitalisation et de la traçabilité des transactions ».

**L’investissement public massif : moteur ou mirage ?**

Concernant l’investissement public massif, les économistes estiment que « l’augmentation de l’investissement public est un signal fort, mais son impact dépendra de la qualité de l’exécution ». Selon eux, « si les projets sont sélectifs, productifs et territorialement ciblés, ils soutiendront durablement la croissance. En revanche, si les investissements restent mal planifiés, fragmentés ou politiquement motivés, ils alourdiront la dette sans générer de gains économiques réels ». Ils rappellent que le Maroc souffre d’un taux d’exécution insuffisant de ses programmes d’investissement et d’un suivi faible de leurs performances.

**Les risques externes : le vrai talon d’Achille**

D’autre part, ils soulignent que « le PLF reste fortement tributaire du contexte international ». Une hausse durable des prix du pétrole ou des engrais alourdirait la facture énergétique et réduirait les marges budgétaires. Par ailleurs, une baisse de la demande européenne aurait des répercussions sur le tourisme, les transferts des Marocains résidant à l’étranger et les exportations industrielles, sans oublier la volatilité accrue du dirham ou du phosphate, qui pourrait affecter la balance des paiements.

Les experts notent également que le document du ministère de la Finance manque d’un mécanisme clair de résilience (fonds de stabilisation, règles budgétaires automatiques ou clauses de sauvegarde) pour amortir ces chocs.

En résumé, ces experts estiment que « le PLF 2026 est économiquement cohérent et politiquement équilibré. Il traduit la volonté du gouvernement de concilier justice sociale, attractivité économique et rigueur budgétaire. Mais sa réussite repose sur un mot-clé : crédibilité ». Selon eux, sans une mise en œuvre efficace de la réforme fiscale et un suivi rigoureux des investissements publics, les ambitions de ce budget risquent de demeurer théoriques, transformant un projet de relance en simple exercice de communication macroéconomique.

**Hassan Bentaleb**