Retraites : « Ni abrogation, ni suspension » selon Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron a déclaré ne pas vouloir « ni l’abrogation ni la suspension » de la réforme des retraites, mais seulement un « décalage d’une échéance ». Sébastien Lecornu a annoncé que la « suspension » serait ajoutée au budget de la Sécurité sociale lors d’un Conseil des ministres prévu jeudi.
Une déclaration qui suscite l’interrogation de nombreux observateurs. « Ni abrogation, ni suspension », mais simplement un « décalage » et peut-être bientôt un référendum : Emmanuel Macron a pris la parole mardi sur la réforme des retraites. Ce jour-là, il a été contredit à l’Assemblée nationale par Sébastien Lecornu, Premier ministre, qui a annoncé que la « suspension » serait intégrée au budget de la Sécurité sociale.
Depuis Ljubljana, capitale de la Slovénie où il effectuait une visite bilatérale, Emmanuel Macron s’est exprimé pour la première fois sur la réforme des retraites depuis la « suspension » annoncée par son Premier ministre, à qui il avait confié « carte blanche » lors de sa déclaration de politique générale la semaine précédente.
Le président a évoqué un « décalage d’une échéance ». Toutefois, selon lui, cela ne signifie « ni l’abrogation ni la suspension », mais seulement le « décalage d’une échéance […] à savoir le relèvement progressif de l’âge légal de départ ».
Au même moment, Sébastien Lecornu s’exprimait à l’Assemblée nationale devant le groupe macroniste EPR (Ensemble pour la République). « On ne peut pas dire « on ne suspend ou on n’abroge pas en fait ». Dans le texte budgétaire, si à un moment c’est voté, c’est voté en suspension », a-t-il déclaré, selon les propos rapportés par la députée Prisca Thévenot.
Le Premier ministre a précisé quelques heures plus tard, lors de la séance des questions au gouvernement, que le président « s’est exprimé uniquement sur la mesure d’âge tout à l’heure en Slovénie et je suis allé plus loin lors de ma déclaration de politique générale ». Il a rappelé avoir bien annoncé la « suspension » tant du décalage de l’âge que de l’augmentation du nombre de trimestres de cotisation, sans laquelle la première mesure ne « serait rien ».
Sébastien Lecornu a également annoncé qu’un Conseil des ministres se tiendrait jeudi pour intégrer, via une « lettre rectificative », cette mesure de suspension au projet de budget de la Sécurité sociale, ce que réclamaient la gauche et le RN.
Cette mesure, alors que Sébastien Lecornu avait initialement prévu de procéder par amendement, vise à lever le « doute » qui « s’empare » des oppositions, a-t-il expliqué. En effet, certains craignaient que la voie d’amendement ne permette pas de concrétiser la suspension en cas d’enlisement des débats et de recours à des ordonnances pour adopter le budget.
Ainsi, deux Conseils des ministres auront lieu cette semaine : l’un mercredi puis l’autre jeudi, avec Emmanuel Macron en visioconférence, pour cet ajout au budget de la Sécu qui doit d’abord être examiné par le Conseil d’État, a précisé une source gouvernementale.
« Le président ferait mieux de consulter son Premier ministre et de lui demander ce qu’il a dit lors de son discours de politique générale », a ironisé le député PS Arthur Delaporte.
De son côté, l’entourage du chef de l’État assure qu’il n’y a pas de contradiction entre les deux têtes de l’exécutif. Emmanuel Macron « veut dire qu’il n’y a pas de suspension ad vitam et qu’il faudra remettre le sujet sur le tapis [par la conférence sociale, également annoncée par Sébastien Lecornu la semaine dernière] et par le peuple », lors de la prochaine élection présidentielle ou par référendum, a fait valoir cette source.
Emmanuel Macron a évoqué cette possibilité d’un référendum depuis Ljubljana, en cas d’accord avec les partenaires sociaux dans les semaines à venir.
Jean-Luc Mélenchon a rapidement critiqué cette déclaration présidentielle. « La réforme des retraites à 64 ans n’est ni abrogée, ni suspendue. Elle est DÉCALÉE. Il est temps dorénavant de partir de la réalité, et non de la propagande des autosatisfaits, pour entrer dans la lutte », a affirmé sur X le leader de La France insoumise.
« Tant qu’il s’accrochera à cette réforme, [Emmanuel Macron] continuera de nous amener dans le mur, d’un point de vue démocratique », a réagi auprès de l’AFP Denis Gravouil, secrétaire confédéral de la CGT.

