France

Meurtre de Lola : Dahbia Benkired voulait « faire du mal » à son ex.

L’interrogatoire du témoin Mustapha M. à la cour d’assises de Paris a commencé depuis deux heures ce mardi. Dahbia Benkired encourt la réclusion criminelle à perpétuité, et le verdict est attendu le 24 octobre.


Certains passages de l’audience du jour peuvent heurter les lecteurs et les lectrices par leur crudité.

À la cour d’assises de Paris,

L’interrogatoire du témoin a débuté depuis deux heures. Et il est évident que Mustapha M. passe, ce mardi, un mauvais moment à la barre. « Ce n’est pas mon procès », clame l’homme qui a partagé la vie de l’accusée, Dahbia Benkired, pendant plusieurs années. Le vernis vient de se fissurer.

L’après-midi a pourtant bien commencé pour cet enseignant de 33 ans, originaire de Bry-sur-Marne dans le Val-de-Marne. Vêtu d’un polo Lacoste noir et d’un jean bleu, avec des cheveux courts, Mustapha M. s’exprime aussi bien que calmement. Très confiant, il raconte sa rencontre avec celle qu’il surnomme affectueusement « Dina ». « Elle avait 18 ans, je devais en avoir 24. Elle était très belle, très joyeuse, explique-t-il. Quand je l’ai rencontrée, elle était vierge. On avait décidé de ne pas consommer pour saisir cette chance. » Il avait même discuté de cela avec la mère de Dahbia Benkired, qui était « très attentive à la virginité de ses filles ».

Durant une année, le couple vit le grand amour et habite dans « un tout petit appartement » de 16 m², loué par le jeune homme qui semble très épris. « Elle était magnifique, quand je marchais avec elle, tous les regards se portaient sur elle. » Après une première période de séparation, ils tentent de se remettre ensemble.

« Le vase était cassé. On a essayé de recoller les morceaux, c’était assez compliqué », dit-il. Cette nouvelle relation était, selon lui, « un peu toxique ». Dahbia dépose même plainte pour violences conjugales et Mustapha M. est convoqué au commissariat par une policière « assez cool » pour s’expliquer. Par la suite, il dit ne plus avoir eu de nouvelles de l’accusée, jusqu’au décès, en septembre 2020, de sa mère. Elle s’est « retrouvée en difficulté » car « elle ne pouvait plus vivre dans l’appartement de sa maman défunte ». « Physiquement, elle mincissait », se rappelle-t-il. « Elle avait perdu un peu de joie de vivre. »

« Prends un Citygo et viens me sucer »

Grand prince, il l’accueille chez lui. Au cours de l’été 2022, il part en voyage durant deux mois. À son retour, Mustapha M. constate que Dahbia Benkired a changé. Durant son absence, des gens lui auraient fait « des choses bizarres ». « Elle reste très évasive, change de sujet. Je reviens à la charge et elle me dit simplement : « Je ne sais pas, il y avait des bougies, j’étais dans le noir. » » À cette période, l’accusée, pour qui il ressent « de l’affection et de la tendresse », a arrêté de boire de l’alcool et de fumer du cannabis. Un jour, elle lui aurait soufflé « avec froideur » qu’elle ne lui ferait « jamais de mal » et qu’elle voulait « tuer des gens ». Comme il partait au travail, il n’aurait pas prêté attention à ces propos troublants.

« De l’affection et de la tendresse ? » s’interroge le président de la cour. Le magistrat commence la lecture des SMS que le témoin a envoyés à Dahbia Benkired dans les jours précédant le meurtre de la petite Lola, 12 ans. Des messages qui dessinent le portrait d’un homme méprisant, pervers et manipulateur. « Tu finis à quelle heure ? Réponds au lieu de sucer. » « Les mots ont dépassé ma pensée », justifie Mustapha M. qui parle de « taquinerie » entre eux.

Le juge reprend. Le 6 octobre 2022, elle lui demande où il se trouve. « Pas dans ton cul malheureusement » ; « C’est un parc public » ; « Prends un Citygo et viens me sucer, je suis fatigué » ; « Tu viens, tu parles pas dans ma tête, tu suces, tu dors » ; « Viens sucer, prends ton Uber et raconte pas ta vie » ; « Lave-toi si t’as baisé ». « Littéralement, quand on lit ça, on peut croire des choses », tente de se défendre le témoin. « On pouvait en rigoler, c’était le registre et le ton qu’on avait. On se connaissait très bien. Le ton est mal choisi, là, je vous l’accorde. » Le 14 octobre 2022, à 14h52, il envoie ce nouveau message à Dahbia Benkired qui se trouve alors dans le 19e arrondissement de Paris. « Suce pute. » Elle lui répond : « Je te donne un rendez-vous après ce que j’ai à faire. »

« Plus en sécurité en prison qu’avec lui »

Mustapha M. jure n’avoir jamais prostitué son ex-compagne, comme elle l’a pourtant déclaré. « Je suis atterré, c’est faux. » Invitée à prendre la parole par le président, l’accusée se lève et s’adresse au témoin. « Moi, j’ai juste une question à poser à Mustapha. Quand j’avais une cagoule et que j’avais de l’argent sur mon cul, il me prenait en photo pour faire quoi ? » Stupeur dans la salle. Adepte de parties fines, le jeune homme prenait des clichés et des vidéos de femmes qui ont été découverts dans son téléphone au cours de l’enquête. Certains ont été projetés au cours de l’audience. Dahbia Benkired poursuit : « Quand je l’ai rencontré, certes j’étais vierge. Mais il m’a demandé une relation par-derrière en boîte de nuit. » Selon elle, son ex-conjoint a été « un petit dealer » qui « ramenait des valises de beuh » chez elle. « C’est comme ça que j’ai commencé à fumer. » Il se montrait « très méchant » avec elle. « Il me demandait de prendre une douche, et quand je sortais il me demandait une fellation. »

Elle esquisse un début d’explication du meurtre de Lola. « Je voulais faire du mal à lui, mais je n’ai pas eu l’occasion de le voir. Il me faisait tellement de mal que j’avais envie de me venger de lui. J’avais la haine contre lui, je parlais avec lui par SMS et il ne faisait que m’insulter. Jusqu’à aujourd’hui je l’aime encore, il le sait, mais je voulais lui faire du mal. Il avait une arme chez lui, je comptais lui tirer dessus. Mais la première personne que j’ai croisée en sortant de la résidence, c’était elle. »

À la barre, Mustapha M. écoute en se frottant les yeux. « C’est donc à cause de cette relation toxique… », demande le président à l’accusé. « De ce qu’il me faisait », répond-elle. « Il continuait de me demander de le sucer jusqu’à vomir. Mais je l’aime, on ne contrôle pas ses sentiments. Mais je me sens beaucoup plus en sécurité en prison qu’avec lui. »

Journaliste « adepte des théories complotistes »

Que répondre à ces accusations ? « Je suis atterré », souffle le jeune homme. Pour lui, « Dina » n’a pas pu tuer Lola sur « un coup de nerf ». « D’autres pistes auraient dû être creusées, estime-t-il. Il y a des gens derrière qui ont accompagné ça. » C’en est trop pour le président qui décide de le recadrer. « Je pense que certains ont fait du mal à ce dossier en y ajoutant des dimensions ahurissantes », martèle le magistrat qui reproche au témoin d’avoir évoqué le rôle qu’aurait joué « une secte pédo satanique ». « Mais de quoi vous parlez ? Essayez de maîtriser vos propos. Vous parlez de respect, c’est bien. Mais vous ne respectez pas la famille de Lola en faisant croire que des pistes n’ont pas été creusées. Vous n’avez pas lu le même dossier que moi. » L’avocat de Dahbia Benkired, Me Alexandre Vallois, s’emporte également contre Mustapha M. qui a échangé avec un journaliste « adepte des théories complotistes », à savoir Karl Zero.

Le procès se poursuivra mercredi avec l’interrogatoire de l’accusée prévu dans l’après-midi. Le verdict est attendu le 24 octobre. Dahbia Benkired encourt la réclusion criminelle à perpétuité.