Milieu scolaire : Des élèves ne bénéficient pas de soutien psychologique et moral
Il est nécessaire de recruter un pédopsychiatre ou un médecin généraliste dans chaque école tunisienne, où l’écoute de l’élève n’existe pas. Le système éducatif tunisien est confronté à des taux d’abandon scolaire élevés, avec des chiffres atteignant environ 100.000 élèves par an.

Les ateliers scientifiques portant sur la psychanalyse chez l’enfant soulignent l’importance d’incorporer un pédopsychiatre ou un médecin généraliste dans chaque école en Tunisie, où l’écoute des élèves est souvent absente. Ces postes, fréquemment vacants, pourraient être pourvus par le recrutement de professionnels de santé afin d’améliorer la qualité du soutien pédagogique et psychologique dans le milieu scolaire.
La Presse —Bien que l’école tunisienne soit généralement considérée comme un élément essentiel de la mobilité sociale, un écart de plus en plus important se creuse entre les exigences de réussite académique et le bien-être émotionnel et moral des élèves. L’absence de soutien psychologique et d’encadrement moral dans les établissements scolaires représente un véritable « angle mort » du système éducatif, ayant un impact direct sur les performances, le climat scolaire et la santé mentale d’une jeunesse déjà confrontée à de nombreux défis sociaux.
Constats préoccupants
Lorsque l’école se transforme en un lieu de frustration, les élèves ne se trouvent pas dans les meilleures conditions de réussite. Le système éducatif tunisien face à un taux d’abandon scolaire élevé, atteignant environ 100 000 élèves par an. Bien que des facteurs socioéconomiques soient impliqués, la détérioration du climat scolaire est également soulignée. De nombreux jeunes interrogés dans plusieurs études se déclarent « frustrés » et « non épanouis » au sein de leurs établissements.
Ce mal-être se manifeste par une augmentation des comportements à risque. La violence dans les écoles, l’usage de drogues, l’extrémisme idéologique, l’émigration clandestine et, dans les cas les plus graves, le suicide parmi les jeunes, sont des réalités préoccupantes qui témoignent d’une détresse psychologique profonde et mal prise en charge.
Une étude concernant des lycéens et des étudiants consultant en psychopédagogie indique que les consultations concernent principalement des troubles d’adaptation, mettant en avant le besoin d’un accompagnement préventif et continu.
La responsabilité d’encadrement, souvent transférée à des enseignants déjà surchargés, s’avère insuffisante. Le ratio entre le nombre de psychologues ou conseillers d’orientation et le nombre d’élèves est notoirement en deçà des besoins, limitant l’accès au soutien spécialisé à une minorité.
Les racines du problème
Le manque de ressources et des priorités erronées ont mené à cette situation. La carence d’encadrement moral et psychologique découle de plusieurs facteurs structurels, le nombre insuffisant de personnel spécialisé étant en tête de la liste. Les établissements scolaires manquent cruellement de psychologues, de conseillers d’orientation et d’assistants sociaux.
Les efforts de recrutement et les concours pour ces postes ne parviennent pas à réduire le fossé. Le système éducatif reste focalisé sur les performances académiques et l’accumulation des connaissances, reléguant le développement socio-émotionnel et le bien-être mental au second plan.
La consultation psychologique continue d’être stigmatisée dans la société, ce qui freine la volonté d’aide de la part des élèves et, parfois, des familles, entraînant un sentiment de honte. Une formation insuffisante du personnel est aussi fréquemment observée.
Les enseignants et le personnel administratif sont peu formés aux premiers secours psychologiques ou à la gestion des élèves en détresse, ce qui limite leur capacité à instaurer un climat scolaire véritablement positif et sécurisant.
Remédier à la situation
Des solutions intégrées sont envisageables. Pour inverser cette jauge et garantir aux élèves le droit à une santé mentale saine, des actions coordonnées doivent être mises en œuvre, notamment :
– Renforcer les ressources humaines spécialisées grâce à un recrutement massif et un redéploiement. Il est crucial d’augmenter considérablement le nombre de psychologues scolaires et d’assistants sociaux afin d’assurer leur présence continue dans chaque établissement (primaire, préparatoire, secondaire).
– Créer des unités d’appui. Le dépôt d’une proposition de loi visant à établir des unités d’appui à la santé mentale en milieu scolaire est une avancée encourageante, qui devrait être soutenue et financée par l’État pour garantir des services confidentiels et anonymes.
– Intégrer formellement l’apprentissage socio-émotionnel (ASE) dans le programme éducatif. Cela devrait inclure l’enseignement des compétences sociales, la gestion du stress, la pensée critique et la résolution de conflits.
– Fournir une formation initiale et continue obligatoire à l’ensemble du personnel éducatif sur les signes de détresse psychologique, les premiers secours psychologiques et l’établissement d’un environnement bienveillant.
– Lutter contre la stigmatisation à travers des campagnes nationales de sensibilisation ciblées sur les élèves, les parents et le personnel pour normaliser la demande d’aide psychologique et briser le tabou sur la maladie mentale.
– Exploiter les réseaux intersectoriels en établissant des systèmes d’orientation clairs entre les écoles et les structures de santé mentale publiques et communautaires, afin d’assurer une prise en charge rapide et efficace par des spécialistes.
Le défi est immense, mais la jeunesse tunisienne représente l’avenir du pays. Investir dans le soutien psychologique et moral des élèves n’est pas un luxe, mais une condition essentielle pour construire une société résiliente, épanouie et capable de relever les défis de demain. L’école doit redevenir, avant tout, un lieu de développement intégral.

