France

Incarcération de Nicolas Sarkozy : la visite de Gérald Darmanin suscite une polémique.

Nicolas Sarkozy est derrière les barreaux depuis 9h37 et est entré ce mardi à la prison de la Santé, un mois après sa condamnation pour association de malfaiteurs dans le procès libyen. Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a indiqué qu’il souhaitait visiter le détenu, précisant que « le ministre de la Justice peut aller voir n’importe quelle prison et n’importe quel détenu quand il le souhaite ».

Nicolas Sarkozy est incarcéré depuis 9h37. L’ancien président de la République a été admis ce mardi à la prison de la Santé, un mois après sa condamnation pour association de malfaiteurs dans le cadre du procès libyen. Sarkozy, qui a fait une demande de libération, a reçu le soutien de plusieurs personnalités, dont Gérald Darmanin. Le ministre de la Justice, proche de l’ancien dirigeant de la droite, a déclaré vouloir lui rendre visite. Mais cette éventuelle visite soulève des débats.

Gérald Darmanin « pas insensible »

Nicolas Sarkozy a droit à trois visites de proches par semaine. En tant que garde des Sceaux, Gérald Darmanin a affirmé vouloir se rendre à la prison de la Santé. « Le ministre de la Justice peut visiter n’importe quelle prison et n’importe quel détenu quand il le souhaite pour assurer le bon fonctionnement du service public, ce n’est pas anormal », a-t-il justifié lundi sur France Inter, rappelant que Sarkozy, ayant fait appel, est « présumé innocent ». « Je m’inquiéterais de ses conditions de sécurité », a ajouté l’ancien maire de Tourcoing (Nord).

Les deux hommes se connaissent depuis longtemps. À l’UMP (devenu LR), Gérald Darmanin était devenu un protégé de Nicolas Sarkozy, qui l’avait désigné comme porte-parole lors de sa campagne interne en 2014. Depuis le retrait de l’ancien président, leurs relations sont restées amicales et ils se sont mutuellement soutenus durant leurs affaires judiciaires. « J’éprouve beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy », a souligné le ministre de la Justice sur France Inter lundi. « L’homme que je suis, étant son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d’un homme », a-t-il poursuivi, ce qui pourrait brouiller son message concernant sa future visite.

Une « fragilisation de l’autorité judiciaire » ?

« Je comprends la compassion amicale de certains, mais la séparation des pouvoirs aurait justifié que ni le président de la République, ni M. Darmanin ne s’impliquent dans cette affaire », a critiqué ce mardi sur France Info le président des sénateurs socialistes, Patrick Kanner, alors qu’Emmanuel Macron avait reçu Sarkozy avant son incarcération. Cette déclaration de Gérald Darmanin a également été contestée par certains membres de La République En Marche. « C’est une erreur, cela pose un problème politique, et même démagogique, car cela donne l’impression que Nicolas Sarkozy est un citoyen à part, au-dessus de tout, alors qu’il a été condamné par un tribunal [en première instance] et qu’il est sous contrôle administratif, bien sécurisé », a déclaré Ludovic Mendes à 20 Minutes. « Le ministre aurait dû garder le silence car en s’exprimant ainsi, il donne l’impression qu’il existe une justice à plusieurs vitesses », a regretté le député Renaissance de Moselle.

Gérald Darmanin, réaffirmé dans ses fonctions par Sébastien Lecornu, avait pourtant promis de « se mettre en congé de toute activité partisane ». Il a quitté le parti Renaissance, suspendu son mouvement Populaires, et annoncé qu’il ne serait pas tête de liste aux élections municipales de 2026 dans son fief de Tourcoing. Mais à un moment où de nombreux responsables de droite critiquent la justice, son soutien affiché à Nicolas Sarkozy a un poids considérable.

« Une atteinte à l’indépendance des magistrats »

« Le garde des Sceaux fait la même erreur que lorsqu’il a demandé que l’appel de Madame Le Pen soit jugé rapidement », a également commenté Sacha Houlié à 20 Minutes. « Il agit de manière militante et partisane, en contradiction avec les exigences de sa fonction. Il contribue à la fragilisation de l’autorité judiciaire qu’il est censé défendre », a déploré l’ancien macroniste, aujourd’hui député apparenté PS.

Le procureur général de France, Rémy Heitz, qui dirige le parquet de la Cour de cassation et copréside le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), a aussi indiqué ce mardi qu’une visite du ministre à Nicolas Sarkozy pourrait créer un « risque d’obstacle à la sérénité » de la justice, et donc constituer une « atteinte à l’indépendance des magistrats ».

Ces accusations ont été rejetées par Gérald Darmanin sur X dans la matinée : « s’assurer de la sécurité d’un ancien président […] est un devoir de vigilance pour un chef d’administration comme moi ». Contactés par 20 Minutes, son cabinet et plusieurs de ses soutiens n’ont pas répondu à nos demandes.