France

Ligue des champions : Paphos, Kairat Almaty… Les footballeurs meilleurs en géographie ?

David Luiz a été invité à rejoindre le club de Paphos cet été, qui dispute la Ligue des champions pour la première fois de son histoire. Rayan, un élève de 3e au collège Jean-Baptiste-Clément de Colombes, a déclaré : « Oui, je pense que connaître plusieurs clubs, ça me permet d’avoir de meilleures connaissances en géo ».


David Luiz est comme tout le monde. Lorsqu’on lui a proposé de rejoindre Paphos cet été, le défenseur central, qui a évolué à Benfica, Chelsea, PSG ou Arsenal, a dû consulter son téléphone pour positionner ce club qui dispute la Ligue des champions pour la première fois de son histoire. Son application a dû lui être utile en début de semaine, quand le Brésilien aux boucles folles a découvert qu’il allait affronter ce mardi, lors de la 3e journée, le Kaïrat Almaty.

Peu de gens sauraient identifier sur une carte ces deux clubs, l’un situé à Chypre et l’autre au Kazakhstan. Peu de gens, sauf les fans de football, qui peuvent se vanter de posséder des connaissances géographiques supérieures à la moyenne. C’est le cas de Rayan, un élève de 3e rencontré au collège Jean-Baptiste-Clément de Colombes (Hauts-de-Seine) lors d’un cours d’EPS. Le jeune garçon a su nous dire dans quel pays se trouvait Almaty.

« Oui, je pense que connaître plusieurs clubs me permet d’avoir de meilleures connaissances en géographie. Je peux citer des villes que je ne connaîtrais pas sans le foot », nous explique ce fan du Barça de 14 ans. « Après, les placer vraiment sur une carte, c’est un peu dur. Je sais par exemple que l’Olympiakos est en Grèce, je sais où est la Grèce, mais dire exactement où se trouve le club et la ville, non. »

### « Plus de connaissances grâce au foot »

Tous les fans de football ne sont pas aussi informés que Rayan, comme l’a montré notre entretien avec ses camarades. Souvent, ces derniers ne réalisent même pas les connaissances qu’ils possèdent grâce au football. Arno Gazel, le professeur d’EPS de ces élèves, qui a accepté de nous parler du lien entre géographie et football, déclare :
> « Ils n’arrivent pas toujours à exploiter ces connaissances ou à les retranscrire en cours, malheureusement. Ce qui est étonnant, c’est que lorsqu’on fait un petit test sur les capitales ou les pays, si on leur dit le nom du club, ils vont rapidement trouver la ville qui correspond. »

Il suffit par exemple de mentionner Benfica pour que les élèves identifient Lisbonne, ou de parler de la Juventus pour que le nom de la capitale du Piémont, Turin, soit immédiatement évoqué.

« On peut très bien avoir une passion pour le sport, mais pour établir ces liens, discuter de géographie, et plus tard de géopolitique, d’histoire politique ou de sociologie, il faut également pouvoir développer ses connaissances. En fonction de ton milieu socioculturel, il existe des inégalités familiales importantes », estime Guillaume Dietsch, professeur et coauteur de *La France n’est pas un pays de sport ?* (éd. De boeck supérieur).

Mais comment mettre à profit les connaissances en football des élèves dans des cours comme l’histoire-géographie ? Cela s’avère compliqué, d’autant que le programme des professeurs ne s’y prête pas toujours ou qu’ils n’ont pas forcément les connaissances requises en football pour aborder la première participation à la Ligue des champions des Norvégiens de Bodo/Glimt, situé au nord du cercle polaire, ou le titre de champion de Hongrie de Ferencváros, club de Budapest.

### Partir du savoir des enfants

« Parfois, l’école ne prend pas toujours en compte cette culture jeune, ou semble décalée », développe Guillaume Dietsch. « J’ai plein d’exemples sur d’autres sujets, de collègues en éducation musicale ou en arts plastiques, qui partent de cette culture jeune, des mangas, des textes de rap, pour ensuite mener à une analyse critique et à une meilleure compréhension de l’image… Cela peut être un levier d’apprentissage, mais aussi de motivation. »

Au collège Jean-Baptiste-Clément, certains professeurs d’histoire-géo ont utilisé la Coupe du Monde de football au Qatar en 2022 pour évoquer le développement des pays du Golfe ou l’exploitation des travailleurs migrants pour la construction des stades. « Avant la Coupe du Monde, je connaissais déjà un peu le Qatar, car je savais que c’étaient les propriétaires de Paris », assure Rayan. La rivalité entre le PSG et l’OM peut également être abordée dans le cadre de l’étude des aires urbaines.

Au-delà de la géographie, la date de création de certains clubs peut aussi être mise en relation avec des faits historiques importants, l’identité d’un club (Lens, Saint-Étienne…) portée par les supporters pouvant constituer un facteur explicatif. « On peut utiliser leur passion pour le football afin de développer des projets interdisciplinaires, entre l’histoire, la géographie et l’EPS », ajoute Guillaume Dietsch. « Cela aura du sens pour les jeunes et montre bien que l’école n’est pas nécessairement un sanctuaire déconnecté de leur réalité culturelle et sociale. »

### Les calés en géographie balèses en foot ?

Almaty, Paphos ou Bodo, c’est intéressant, mais que diriez-vous d’un défi supplémentaire avec les clubs participant à la Conference League, comme Breidablik, Rijeka, Samsun, Mostar, Hamrun ou Celje ? Même les fans de football les plus assidus pourront avoir du mal à localiser ces villes et même à savoir dans quel pays elles se trouvent. À moins d’être mordus de GeoGuessr, comme Dorian Samair, plus connu sous le nom de Kratsooo, qui figure parmi les meilleurs joueurs mondiaux.

« C’est vrai qu’il y a beaucoup de gens qui connaissent plein de villes, mais ils ne savent pas forcément les situer sur une carte, ils les connaissent uniquement à travers le football », explique le jeune homme, amateur de ballon rond et capable de localiser toutes ces cités perdues. Mais le lien n’est pas forcément obligatoire. Prenez par exemple Szabolcs « Debre », qui s’intéresse peu au football, mais qui est vice-champion du monde de GeoGuessr.

« Le foot n’a jamais été mon truc », confirme le Hongrois. « Je connais bien toutes ces villes, même si je n’ai qu’une vague idée de l’aspect de Paphos, car elle n’est pas couverte par Google Street View et ne peut donc pas apparaître dans le jeu. » On l’aura compris, il n’est pas nécessaire d’étudier tous les tableaux de toutes les coupes d’Europe pour obtenir 18 de moyenne en géographie. Mais, croyez-en notre expérience, cela peut aider. C’est où Qarabag, au fait ?