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Jean Castex quitte la RATP pour la SNCF : quel bilan ?

Ce lundi matin à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne), Jean Castex a exposé aux journalistes et à Valérie Pécresse, présidente d’Île-de-France Mobilités, la pose de la dernière semelle Wabtec qui équipe désormais tous les trains du RER A. Sous sa présidence, la RATP a affiché des pertes en 2023 comme en 2024, expliquées en partie par le choc inflationniste suivant l’invasion russe en Ukraine et un bond de la facture énergétique.


Ce lundi matin à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne), Jean Castex a présenté aux journalistes et à Valérie Pécresse, présidente d’Île-de-France Mobilités, la pose de la dernière semelle Wabtec, désormais installée sur tous les trains du RER A. Cet événement lié à la qualité de l’air dans les transports d’Île-de-France marque probablement sa dernière apparition publique en tant que président de la RATP.

À la question que nous lui avons posée, il a répondu : « Normalement oui ». Sa prochaine destination n’étant un secret pour personne, il a été choisi par Emmanuel Macron et auditionné par le Sénat le 6 octobre ; il s’apprête à diriger la SNCF. Concernant le RER B, qui est partagé entre les deux entreprises, il s’est abstenu de commenter sur la partie SNCF, en se disant non concerné. « Pas encore », a-t-il dit en souriant.

### Arrivé en pompier de service pour les JO de Paris 2024

La pose de cette semelle, qui vise à réduire les émissions de particules dans les sous-sols, représente ainsi l’achèvement d’une de ses missions à la tête de la régie. C’est une coïncidence heureuse pour celui qui fait déjà ses cartons et dont on peut maintenant évaluer l’action.

En 2022, quelques mois après avoir quitté Matignon, où il avait été nommé en tant que pompier de service en pleine crise du Covid-19, il a présidé la RATP avec la mission de redresser l’entreprise de transport et de la préparer pour les Jeux olympiques de Paris 2024.

À son arrivée, il a constaté un service gravement dégradé, une forte grogne sociale liée à l’ouverture à la concurrence, un absentéisme chronique, ainsi que ce qu’il a qualifié de « grande démission », avec des vagues de départs, notamment parmi les conducteurs de bus.

### Une fine connaissance des négociations sociales

Expert en relations sociales, Jean Castex a, en dix-huit mois, négocié divers accords – augmentations de salaires, aménagement du temps de travail, aides au logement – tout en lançant d’importants plans de recrutement qui ont permis de redresser l’entreprise. Mission accomplie. Pendant cet événement, les touristes et Parisiens ont bénéficié de transports particulièrement fluides, grâce à un déploiement de moyens sans précédent. Une réussite dont il se vante : « Si ça n’avait pas été le cas, imaginez ma position devant vous aujourd’hui. D’ailleurs, je ne serais peut-être même pas là », admet-il avec l’accent de Prades, sa commune des Pyrénées-Orientales, qu’il a su conserver.

Il attribue ce succès à son sens de la diplomatie : « Quand vous refusez tout, on vous traite de diable. Quand vous accordez quelque chose, on vous reproche d’être dépensier. J’ai toujours pensé qu’il fallait savoir trouver un équilibre. J’ai bien conscience de la difficulté pour les agents qui ouvrent les stations de trouver un logement à proximité de leur lieu de travail, par exemple. Aujourd’hui, nous avons deux fois plus de personnes logées avec RATP Habitat. »

### La « transparence » pour credo

C’est probablement cette méthode qui lui a valu d’être bien considéré par les équipes. Il s’est engagé dans quelques interventions publiques pour orienter les voyageurs ou participer à des campagnes de communication. Il n’a pas hésité à se rendre sur le terrain, saluant les plus de 70.000 collaborateurs de la RATP avec des poignées de main chaleureuses.

Un agent embauché il y a plus de dix ans affirmera : « Il est très exigeant, mais il est clair dans ce qu’il dit. Ça aide les gens à savoir où on va. Et puis il joue beaucoup de sa sympathie. D’accord avec ses décisions ou pas, c’est quand même plus agréable de travailler avec quelqu’un comme ça. » Même le syndicat FO a demandé sa reconduction à la tête de la régie.

Parmi les principes que Jean Castex a toujours souhaité appliquer, la « transparence » figure en bonne place : « Avec les médias comme avec les employés, moins vous parlez, plus vous donnez l’impression de vouloir cacher quelque chose. Alors j’ai dit à tout le monde qu’il fallait ouvrir l’entreprise à l’extérieur. Communiquer sur les travaux, sur les incidents, sur les projets. J’ai encouragé les directeurs de ligne à aller voir les entreprises, les élus des villes concernées. Qu’ils fassent de la pédagogie dans les bulletins municipaux. »

### Une entreprise redressée

Les réussites dont il est le plus fier sont toutefois restées largement inaperçues. Il cite pêle-mêle le déménagement des aménagements sur certains sites de maintenance qui entraînaient des travaux nocturnes ou des délocalisations. « Vous en avez entendu parler ? Non, parce que ça s’est très bien passé. » Il ajoute : « L’ouverture à la concurrence, ça a été “un fin bordel”. Et pourtant la plupart des usagers ne se sont pas aperçus de la transition [elle est encore peu effective]. » Mais sa plus grande fierté est d’affirmer que la RATP a reçu « 450,000 CV » depuis son arrivée : « La preuve que l’entreprise attire encore malgré la fin des régimes spéciaux de retraite. »

Cependant, son mandat n’a pas été exempt de turbulences. Financières d’abord, car sous sa présidence, la RATP a connu des pertes en 2023 et 2024, justifiées en partie par le choc inflationniste consécutif à l’invasion russe en Ukraine et une hausse des coûts énergétiques.

### Quelques fritures sur la ligne tout de même

De nombreux syndicats (notamment CGT et SUD-Rail) et représentants du personnel ont dénoncé à plusieurs reprises des licenciements jugés abusifs dans le cadre de l’ouverture à la concurrence. Cette ouverture a été douloureuse pour l’entreprise, tant sur le plan des employés que sur le marché : la RATP a perdu environ 30 % de son réseau au profit de concurrents tels que Keolis, ATM ou Transdev.

L’ancien Premier ministre pourra cependant se consoler avec quelques dernières bonnes nouvelles. Après la cession inattendue de ses lignes à Londres, « un gouffre financier », la régie a réalisé un premier semestre 2025 bénéficiaire. De plus, il a obtenu 100 % des lignes de bus dans Paris intra-muros.