Le G20 ne doit pas négliger l’éradication de la faim mondiale.
Au mois de décembre, l’Afrique du Sud accède à la présidence du G20 avec le thème «Solidarité, égalité et durabilité». Le Brésil a mis fin à l’insécurité alimentaire pour 40 millions de personnes au cours des deux dernières années, ne figurant désormais plus sur la carte de la faim établie par l’ONU.
Au moment de prendre la présidence du G20 en décembre, l’Afrique du Sud a choisi comme thème « Solidarité, égalité et durabilité ». Ce choix n’est pas un simple slogan, mais reflète les principes qui devraient guider toute réponse internationale à la crise de la faim. Actuellement, l’insécurité alimentaire s’aggrave dans le monde, exacerbée par le changement climatique, des conflits et des inégalités. Bien que des solutions existent, le véritable défi réside dans la mobilisation d’une volonté politique pour agir. La présidence sud-africaine du G20 représente une occasion unique de relever ce défi.
L’expérience du Brésil sert ici de modèle. Ces deux dernières années, le Brésil a réussi à faire sortir 40 millions de personnes de l’insécurité alimentaire, ne figurant plus sur la carte de la faim de l’ONU. Sous la direction du président Luiz Inácio Lula da Silva, le gouvernement a restauré plusieurs politiques abolies par son prédécesseur, Jair Bolsonaro, en renforçant les programmes de repas scolaires avec des produits des petits producteurs locaux, en augmentant le salaire minimum et en reconnaissant légalement le droit à l’alimentation.
Ces mesures ne sont pas expérimentales, mais reposent sur des solutions éprouvées qui illustrent que l’éradication de la faim ne repose pas sur des innovations technologiques, mais sur la volonté politique. L’an dernier, durant sa présidence du G20, le Brésil a tenté de promouvoir ses succès au niveau international, notamment en travaillant à la création d’une Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté. Cependant, les résultats concrets se font encore attendre, plusieurs membres de l’Alliance, en particulier les banques multilatérales de développement, continuant de privilégier des solutions technologiques orientées vers le marché, plaçant ainsi les droits de propriété des entreprises au-dessus des besoins des populations.
Ainsi, plutôt que de créer de nouvelles initiatives, le G20 devrait se concentrer sur le renforcement et le développement de programmes déjà efficaces. Le Mécanisme de la société civile et des populations autochtones du Comité des Nations unies sur la sécurité alimentaire mondiale offre un espace inclusif pour un débat global. Un agenda politique précis est maintenant nécessaire pour permettre aux dirigeants progressistes de faire avancer les politiques nationales de lutte contre la faim.
L’Afrique du Sud doit agir rapidement avant de céder la présidence aux États-Unis, le seul pays à avoir systématiquement refusé de reconnaître le droit à l’alimentation. Toutefois, durant le temps qu’il lui reste, l’Afrique du Sud peut encore être un acteur clé dans la lutte contre la faim.
Quatre outils méritent une attention particulière. Premièrement, les achats publics auprès d’exploitations familiales locales pour les repas scolaires et programmes alimentaires améliorent la nutrition et les conditions de vie des populations rurales. Deuxièmement, les stocks de précaution et mécanismes de stabilisation des prix protègent les consommateurs des hausses de prix tout en préservant les revenus des agriculteurs. Troisièmement, les politiques de protection sociale permettent aux familles d’accéder à une alimentation saine. Enfin, des lois sur le droit à l’alimentation peuvent obliger les gouvernements à rendre des comptes s’ils ne répondent pas aux défis.
Il est également crucial que les leaders du G20 prennent conscience qu’ils ne sont pas obligés de se conformer aux priorités politiques des banques multilatérales de développement. En tant que membres des conseils d’administration de ces institutions, ils ont le pouvoir de réorienter le soutien international des modèles agricoles axés sur l’exportation vers des systèmes alimentaires locaux et une agriculture familiale durable face au changement climatique.
Si le gouvernement sud-africain souhaite réellement promouvoir un système alimentaire mondial plus équitable et durable, il doit suivre l’exemple de sa société civile, qui œuvre depuis longtemps pour la lutte contre la faim. Plutôt que de lancer de nouveaux débats sans conséquences, l’Afrique du Sud devrait s’efforcer d’obtenir des engagements concrets qui perdurent après son mandat à la tête du G20.
Les dirigeants sud-africains semblent conscients des enjeux. Lors du récent bilan du Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires à Addis-Abeba, le ministre de l’Agriculture, John Steenhuisen, a réaffirmé l’engagement du pays en faveur de la souveraineté alimentaire. Pour la première fois, le plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle proposé reconnaît l’agroécologie comme un moyen vers une agriculture durable, une biodiversité et une résilience face au climat. De plus, le Conseil de la recherche agricole va développer un cadre agroécologique axé sur les cultures indigènes.
Les instances gouvernementales avancent souvent lentement. Cependant, les communautés locales ne peuvent se permettre d’attendre. Pendant la pandémie de COVID-19, des chercheurs ont étudié un réseau dynamique de 78 petits producteurs, principalement des femmes, cultivant diverses variétés de fruits et légumes dans la province du KwaZulu-Natal. En vendant leur surplus localement, ces agriculteurs ont aidé à maintenir l’activité économique de leur district.
Cette expérience prouve que les systèmes alimentaires locaux soutiennent les moyens de subsistance et les communautés. La lutte contre la faim ne se passe pas uniquement dans les salles de conférences ; elle se mène dans les cuisines, les écoles et les champs. Pour prospérer, les producteurs locaux ont besoin de ressources et de soutien politique.
Le G20 doit aborder directement la crise de la faim, sinon il risquerait de perdre une partie de sa crédibilité. L’Afrique du Sud peut donner l’exemple en plaçant la justice alimentaire au cœur de son agenda, prouvant ainsi que les valeurs de « solidarité, égalité et durabilité » sont essentielles à la survie de l’humanité.
Par Raj Patel, professeur à l’Université du Texas à Austin
Et Refiloe Joala, coordinatrice du programme de souveraineté alimentaire au bureau régional de l’Afrique australe de la Fondation Rosa Luxemburg

