Tribune – Projet de loi de finances 2026 : déficit de transparence budgétaire
Le projet de loi de finances pour l’année 2026, déposé à l’Assemblée des représentants du peuple, présente plusieurs insuffisances majeures par rapport aux exigences de la Loi organique du budget n° 2019-15 du 13 février 2019. L’article 8 de la LOB stipule que « les prévisions et les données relatives à la loi de finances doivent respecter les principes de la sincérité et de la transparence ».
Le projet de loi de finances pour l’année 2026, bien qu’il ait été déposé à l’Assemblée des représentants du peuple dans les délais légaux, présente plusieurs manquements importants selon les exigences de la Loi organique du budget (LOB) n° 2019-15 du 13 février 2019. Ces manquements portent à la fois sur la qualité des informations budgétaires, le respect des principes de transparence et de sincérité, ainsi que sur la cohérence des mesures annoncées, en particulier celles relatives au pouvoir d’achat.
Non-respect des exigences de transparence et de sincérité
L’article 8 de la LOB stipule que « les prévisions et les données relatives à la loi de finances doivent respecter les principes de la sincérité et de la transparence ». Ces principes impliquent :
– Une présentation complète et vérifiable des hypothèses macroéconomiques (croissance, inflation, prix du pétrole, taux de change) ;
– La publication des rapports de performance et des indicateurs d’exécution du budget ;
– Une information claire sur la méthodologie et les données utilisées pour élaborer les prévisions.
Cependant, en examinant le projet de loi de finances 2026, il apparaît qu’il ne répond pas à ces critères. Il n’inclut aucune indication concernant les hypothèses économiques retenues ni sur la méthode de construction du budget. L’absence de ces éléments empêche une évaluation objective de la viabilité des équilibres proposés et prive l’Assemblée des représentants du peuple des informations nécessaires pour un débat budgétaire éclairé.
Absence des documents obligatoires prévus par l’article 46 de la LOB
L’article 46 de la Loi organique du budget énumère les documents qui doivent accompagner le projet de loi de finances, notamment :
– Le rapport sur les équilibres globaux du budget et les hypothèses macroéconomiques ;
– Le cadre budgétaire à moyen terme ;
– Le tableau des opérations de financement et de la dette publique ;
– Les notes explicatives des missions et programmes ;
– Les rapports sur les entreprises publiques, les fonds spéciaux, la répartition régionale de l’investissement et les dépenses fiscales.
Le projet soumis pour 2026 ne comporte aucun de ces documents. Ce manquement constitue une violation manifeste de la LOB et compromet le principe de transparence budgétaire. Il réduit considérablement la capacité de l’Assemblée des représentants du peuple à exercer son rôle de contrôle, d’évaluation et d’amendement.
Incohérences dans les dispositions à portée économique et sociale
L’article 15 du projet, annoncé sous le titre « Soutien au pouvoir d’achat », prévoit l’augmentation des salaires et des pensions de retraite pour la période 2026-2028. Toutefois, ce dispositif renvoie ses modalités d’application à un décret ultérieur et n’introduit pas de mécanisme d’indexation des barèmes de l’impôt sur le revenu. En l’absence d’une telle indexation, une partie significative des augmentations nominales sera absorbée par la fiscalité. Ce phénomène, connu sous le nom de progression à froid, entraîne une augmentation mécanique de la pression fiscale lorsque les contribuables montent dans les tranches d’imposition. Par conséquent, cette mesure pourrait avoir un impact limité, voire inexistant, sur le pouvoir d’achat réel des ménages.
Conséquences sur le processus budgétaire
Ces lacunes cumulées affaiblissent la portée démocratique du processus budgétaire. Le budget de l’État, qui constitue l’acte central de la politique publique, doit être fondé sur la transparence, la clarté et la justification des choix. L’absence de données et de documents explicatifs transforme le vote budgétaire en une simple formalité, déconnectée de tout débat économique et social substantiel.
Recommandations
Pour renforcer la crédibilité et la transparence du processus budgétaire, les recommandations suivantes sont suggérées :
– Publication systématique et dans les délais des documents exigés par l’article 46 de la LOB, notamment les hypothèses macroéconomiques, le cadre budgétaire à moyen terme et les rapports de performance, avant le dépôt du projet de loi de finances.
– Mise en place d’un calendrier budgétaire transparent, permettant aux députés et aux parties prenantes d’accéder aux informations préparatoires (notes d’exécution, bilans sectoriels, analyses économiques) avant le vote du budget.
– Introduction d’un mécanisme d’indexation automatique des tranches de l’impôt sur le revenu et des déductions fiscales, aligné sur le taux d’inflation, afin d’éviter la progression à froid et de préserver le pouvoir d’achat réel.
– Renforcement de la capacité d’analyse de l’ARP par la création d’un service indépendant d’évaluation budgétaire chargé d’examiner la cohérence et la sincérité des hypothèses retenues.
– Intégration des objectifs de performance et des indicateurs de résultat dans la présentation budgétaire, afin de permettre un suivi effectif de l’exécution et de l’impact des politiques publiques.
Conclusion
Le projet de loi de finances 2026 met en évidence un déficit préoccupant de transparence et de cohérence, en contradiction avec l’esprit et la lettre de la Loi organique du budget. L’amélioration du cadre institutionnel ne dépend pas seulement de l’adoption de textes, mais aussi de leur mise en œuvre effective. La sincérité du débat budgétaire, la clarté des choix publics et la protection du pouvoir d’achat des citoyens en dépendent directement.
N.B. : L’opinion émise dans cette tribune n’engage que son auteur. Elle est l’expression d’un point de vue personnel.

