La Joconde disparut du Louvre un siècle avant le vol de bijoux.
Le lundi 21 août 1911, Vincenzo Peruggia, un ouvrier vitrier italien de 29 ans, démonte calmement la vitre et le cadre de La Joconde au Louvre, avant de quitter le musée avec le tableau sous le bras. Le 12 décembre 1913, Peruggia est arrêté à Florence après avoir proposé de « rendre à l’Italie son chef-d’œuvre » à l’antiquaire Alfredo Geri.
1911 et le vol de la Joconde
Le lundi 21 août 1911, le Louvre se trouve encore sous la chaleur d’un été parisien. Comme tous les lundis, le musée est fermé au public pour maintenance. Dans la salle des États, où se trouve La Joconde de Léonard de Vinci, trois hommes en blouses blanches s’affairent à retirer des cadres pour les photographier, un geste habituel pour les employés des ateliers. Parmi ces hommes, Vincenzo Peruggia, un vitrier italien de 29 ans, engagé quelques mois auparavant par la société Gobier pour installer des vitres de protection sur les œuvres célèbres.
Aux alentours de sept heures du matin, alors que tous les gardiens ne sont pas encore en fonction, Peruggia démonte tranquillement la vitre et le cadre du tableau. La Joconde, peinte sur un panneau de bois de peuplier, ne pèse que quelques kilos. Il soulève le tableau, quitte la salle, traverse le couloir du premier étage et emprunte un petit escalier de service. Dans cet espace, il retire la toile de son cadre, la cache sous sa blouse, puis descend paisiblement jusqu’au rez-de-chaussée.
Selon son propre récit, il se heurte à une porte verrouillée. Un plombier qui passe par là ouvre la porte, sans se douter de quoi que ce soit. Peruggia quitte le Louvre par la cour Visconti, passe devant la garde et sort dans la rue de Rivoli, avec sous le bras le tableau le plus célèbre du monde.
Un vol découvert par hasard… Apollinaire arrêté, Picasso interrogé
Le lendemain, mardi 22 août, le peintre Louis Béroud arrive au Louvre pour peindre La Joconde, comme il le fait régulièrement. À la place du tableau, il découvre un espace vide. Quatre crochets, sans tableau. Il signale cela aux gardiens, convaincu que l’œuvre a été déplacée pour être photographiée. Ce n’est que quelques heures plus tard, lorsque l’on réalise qu’elle est introuvable dans le musée, que la vérité s’impose : La Joconde a disparu.
Le Louvre est alors totalement fermé, les portes verrouillées, les visiteurs évacués. La presse prend rapidement l’affaire en main. Le Petit Parisien titre : « La Joconde a disparu du musée du Louvre« . Les caricatures se multiplient tandis que la police semble perdue. Tous deviennent suspects. Les employés, les artistes, les étrangers. Même Guillaume Apollinaire est brièvement gardé à vue, suspecté en raison de ses déclarations polémique sur le musée et de son amitié avec Picasso, qui est également interrogé. Tous deux seront rapidement relâchés, faute de preuves.
Le tableau caché deux ans à Florence
Pendant deux ans, La Joconde reste introuvable. Le Louvre garde la place vide, comme un autel sans relique. Les visiteurs viennent contempler l’absence.
Peruggia, quant à lui, garde le tableau soigneusement enfermé dans un double fond d’armoire, rue de l’Hôpital-Saint-Louis, à Paris. Il prétend avoir agi par patriotisme, convaincu que l’œuvre avait été « volée » à l’Italie par Napoléon.
En novembre 1913, il prend contact avec un antiquaire florentin, Alfredo Geri, pour lui proposer de « rendre à l’Italie son chef-d’œuvre ». Geri, intrigué, avertit la police et le directeur des Offices, Giovanni Poggi. Le 12 décembre 1913, un rendez-vous est fixé à Florence, à l’hôtel Tripoli-Italia.
Peruggia arrive avec un grand coffre blanc. À l’intérieur, soigneusement enveloppée dans un drap rouge, La Joconde. Poggi et Geri confirment l’authenticité, feignent l’étonnement et préviennent les carabiniers. Peruggia est arrêté immédiatement.
Procès, prison et gloire nationale
Son procès s’ouvre à Florence en juin 1914. L’opinion publique italienne le célèbre comme un patriote ayant « rapatrié » Léonard de Vinci. Le tribunal reconnaît le vol, mais pas l’intention de nuire. Il est condamné à un an et quinze jours de prison, peine réduite pour bonne conduite.
La Joconde fait son retour triomphal au Louvre en janvier 1914, exposée derrière une vitre blindée. L’événement attire des foules immenses. Le musée, par un paradoxe, gagne en prestige ce qu’il a perdu en innocence.
Après le vol, le mythe
Peruggia retourne alors à ses activités quotidiennes et meurt en 1925 sans jamais tirer profit de son acte. La Joconde, elle, devient définitivement plus qu’un simple tableau… un symbole de fragilité et de fascination, l’image d’un sourire que l’on peut voler mais jamais posséder.
Depuis cet événement, le Louvre n’a plus connu un vol d’une telle ampleur, jusqu’à ce dimanche 19 octobre. Plus d’un siècle s’est écoulé, les alarmes ont évolué, tout comme les voleurs et leurs méthodes.

