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L’œil de Moscou : coopération russo-américaine sur le Danube ?

En juillet dernier, Donald Trump avait exprimé sa déception envers Vladimir Poutine et avait évoqué des sanctions sévères contre la Russie, concluant une séquence par un sommet bilatéral le 15 août en Alaska. Deux mois plus tard, les Etats-Unis et la Russie ont annoncé la possibilité d’un deuxième sommet à Budapest, tandis que Vladimir Poutine a appelé Donald Trump juste avant la visite de Volodymyr Zelensky à Washington, l’entretien ayant duré plus de deux heures.


L’histoire semble se répéter. En juillet dernier, Donald Trump a exprimé sa déception envers Vladimir Poutine, brandissant la menace de sanctions sévères contre la Russie et lui lançant un quasi-ultimatum. Cette séquence s’est conclue le 15 août en Alaska par un sommet bilatéral riche en symboles mais dont les résultats à court terme demeurent peu clairs. Deux mois plus tard, alors que l’Ukraine et ses soutiens européens croyaient avoir enfin convaincu Donald Trump de rejoindre leur point de vue, que Washington évoquait la possibilité de livrer des missiles Tomahawk à Kiev et que le président Zelensky était attendu à la Maison-Blanche pour des entretiens approximés comme un tournant potentiel, un nouvel épisode inattendu survient : les Etats-Unis et la Russie annoncent la possibilité d’un second sommet, cette fois à Budapest, en affichant un soutien commun au dirigeant hongrois Viktor Orban et un mépris partagé envers l’Union européenne. Peut-on espérer plus de cette rencontre que de celle d’Anchorage ?

À ce stade, il convient d’être prudent. En premier lieu, car très peu d’informations vérifiables ont filtré (ce qui peut être interprété comme un bon signe et est perçu à Moscou comme un indicatif du sérieux de la partie américaine, moins prolixe que les Européens). Les faits connus sont les suivants : devançant Volodymyr Zelensky, qui se trouvait à bord de son avion en route pour Washington et a visiblement été pris de court, Vladimir Poutine a appelé Donald Trump. L’entretien entre les deux hommes a duré plus de deux heures. À son issue, le président américain a déclaré que les Etats-Unis avaient besoin de ses missiles Tomahawk. Le lendemain, Donald Trump a reçu son homologue ukrainien, sans chaleur excessive, le taquinant publiquement sur le projet de tunnel entre l’Alaska et la Tchoukotka tout en lui réitérant son respect. Par la suite, Volodomyr Zelensky a informé ses partenaires européens, qui sont restés très discrets depuis jeudi, ayant soutenu timidement la proposition du sommet de Budapest.

Qu’est-ce qui a pu amener Donald Trump, qui selon le Financial Times était moins satisfait du sommet d’Anchorage qu’il ne l’a laissé entendre, à accepter de rencontrer à nouveau Vladimir Poutine ? Ce dernier aurait-il assoupli ses demandes ? Pour mémoire, il était venu en Alaska avec des exigences jugées maximalistes voire irréalistes au vu du rapport de force militaire sur le terrain. Parmi celles-ci figuraient la non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN (une position semble-t-il acquise mais difficile à formaliser) et la non-restitution des territoires conquis. L’accent avait également été mis sur les paramètres discutés à Istanbul en 2022, notamment la démilitarisation de l’Ukraine. Une perspective qui a logiquement été rejetée par cette dernière, qui semble prête à envisager au mieux un gel du conflit sans accord politique contraignant. Cette position est également celle des principaux alliés européens.

Quelles évolutions ont eu lieu depuis août ? Côté russe, le nouvel élément est la confirmation de la détérioration de la situation économique : la croissance cette année est estimée à environ 0,6 %, contre plus de 4 % en 2024 et 2023. Concernant la situation militaire, l’armée a poursuivi son avancée et est en passe de prendre plusieurs places fortes ukrainiennes (Pokrovsk, Konstantinovka, Koupiansk), mais plus d’un quart de la région de Donetsk reste sous contrôle de Kiev. Du côté ukrainien, les frappes de drones en profondeur ont atteint le potentiel russe de raffinage, mais sans provoquer de situation critique ; la réponse de Moscou (destruction de l’essentiel des capacités de production de gaz et de plusieurs centrales électriques) a ravivé la menace d’un hiver terrible pour la population du pays. Au sein de l’Union européenne, l’unité demeure dans l’ensemble, mais l’adoption du 19e train de sanctions s’avère moins aisée que prévu et la mise en œuvre d’actions plus strictes – notamment concernant l’utilisation des actifs russes gelés chez Euroclear – s’annonce très problématique. Les dirigeants de la France, de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne sont par ailleurs très impopulaires dans leurs pays. Pour sa part, Donald Trump, en dépit de l’absence de prix Nobel de la paix, peut se vanter d’avoir changé la donne à Gaza et de rétablir solidement la prééminence américaine au Moyen-Orient.

Ces dernières semaines, l’atmosphère à Moscou était largement pessimiste. Des analystes, plus ou moins proches du pouvoir, et des diplomates occidentaux présents dans la capitale russe étaient convaincus que la guerre d’Ukraine était entrée dans un nouveau cycle d’au moins 18 mois. Rien n’indique que cela ne soit pas le cas. Toutefois, la perception, encore fragile, qui prévaut actuellement est que ce sommet Trump-Poutine pourrait bien cette fois produire des résultats.