France

Démission après la mort du deuxième perroquet : alerte des ex-salariés du zoo de Bordeaux

Elodie, qui a occupé un poste administratif à partir de 2023 au zoo de Bordeaux Pessac, explique qu’elle a peur du directeur du zoo, Mathieu Dorval, et de possibles représailles. La direction du zoo de Bordeaux Pessac « conteste fermement ces allégations qui ne sont pas fondées » et assure que « des animaux n’ont jamais été malades en lien avec la nourriture qui leur est donnée par les soigneurs ».


« Nous redoutons le directeur du zoo, Mathieu Dorval, et les éventuelles représailles », déclare Elodie*, qui a occupé un poste administratif à partir de 2023 au zoo de Bordeaux Pessac. Elle témoigne, avec 22 autres anciens employés du parc animalier, de dysfonctionnements observés depuis une dizaine d’années, coincident avec l’arrivée du nouveau directeur.

En résumé, ils évoquent une pression et une surveillance exercées sur des salariés qui n’ont pas voix au chapitre, même dans leur domaine de compétence, ainsi que des investissements en faveur de « l’expérience visiteurs », au détriment des conditions d’accueil des animaux.

## Surveillance des salariés par caméras

D’après les témoignages, écrits et oraux, consultés par *20 Minutes*, les jeunes employés abordent avec enthousiasme leur travail au zoo, ouvert à la fin des années 1970 en région bordelaise. Mathieu Dorval, qui a pris la direction du parc en 2015 après avoir travaillé à la ménagerie du Jardin des plantes à Paris, possède une bonne réputation dans le milieu zoologique.

Cependant, leur enthousiasme s’estompe rapidement. Elodie évoque un « climat de tensions » entraînant des démissions mensuelles : « Certains sortaient de son bureau en pleurs. » D’autres rapportent des « humiliations », avec notamment la concurrence entre deux équipes de soigneurs, dont l’une était favorisée, et l’utilisation des caméras pour surveiller leurs moindres gestes. La direction du zoo de Bordeaux Pessac se défend en précisant que « ces caméras sont mises en place pour assurer la sécurité des animaux et du site, et non pour surveiller les employés ».

Alors que des lodges destinés à l’hébergement des visiteurs au milieu des enclos des grands carnivores (lions, jaguars, et tigres blancs) sont en construction à grands frais pour fin 2024, les voiturettes de transport à travers le parc de cinq hectares font régulièrement défaut. En cas de panne de la pompe d’eau courante, les soins doivent s’effectuer à la brouette et au seau. « L’hiver, dans les bureaux, nous cachions un petit chauffage pour nos pieds, tellement nous avions froid », se souvient Elodie.

## Une maison de retraite pour servals aux conditions rudimentaires

La direction du zoo « conteste fermement ces allégations infondées », affirmant qu’elles émanent de griefs personnels d’anciens salariés, dont certains ont été séparés pour divers motifs tels que le manque de compétences ou des problèmes d’attitude.

Nathan*, un ancien soigneur, estime que « le directeur aimait exercé son pouvoir sur les gens ». Il ajoutait souvent avoir été soigneur pendant vingt ans, mais les décisions prises le laissaient pantois, privilégiant les visiteurs au détriment des animaux.

L’« Extra-Old-Inaire », censé être une maison de retraite pour animaux vieillissants, a d’abord été bien accueilli par les soigneurs. Cependant, ceux-ci ont par la suite déchanté : les servals âgés y sont hébergés dans des enclos rudimentaires, à peine à l’abri de la pluie. Alors que l’état des animaux se détériore, les soigneurs doivent improviser une petite cabane avec « des lampes chauffantes munies de rallonges sur plusieurs mètres », bien que des pancartes vantent le concept d’une maison de retraite pour animaux.

## Deux avis différents sur la mort de perroquets

Un incident précipite le départ de Nathan. Lors de travaux effectués dans le parc l’hiver dernier, les perroquets, très sensibles à la température, ne sont pas déplacés à temps et subissent « un stress intense ». Ils sont transférés dans des abris non terminés ne comportant pas de chauffage, ce qui serait fatal pour eux. « J’ai démissionné le lendemain de la mort du deuxième perroquet », déclare Nathan, déçu. La direction, de son côté, soutient que leur mort « est liée à une maladie du foie, corroborée par un rapport d’autopsie vétérinaire détaillé ».

Les anciens employés avancent d’autres exemples. Un mulet, situé dans un enclos inondé une grande partie de l’année, a développé une gale due à l’humidité. « Nous avons proposé de le déplacer, mais à chaque fois, il y avait une bonne raison de ne pas le faire », commente Nathan.

## « Viande avariée » donnée aux tigres, fuite d’une autruche

« Des tigres sont tombés malades après avoir ingéré de la viande avariée suite à une panne de la chambre froide, qui avait été signalée depuis longtemps par les employés, mais non réparée pour des raisons d’économie », raconte Elodie. La direction dément ces intoxications, affirmant que « des animaux n’ont jamais été malades en raison de la nourriture donnée par les soigneurs : si tel avait été le cas, les vétérinaires du parc auraient été appelés. »

L’évasion d’une femelle autruche, en octobre 2024, est attribuée par la direction à « un moment de stress survenu lors d’une mise en contact planifiée ». Pour Nathan, l’arrivée ce jour-là d’un mâle a été mal organisée et la clôture, défaillante depuis longtemps, nécessitait d’être réparée plusieurs fois par jour.

Où en est la situation aujourd’hui ? « Nous sommes opérationnels et continuons d’accueillir nos visiteurs dans les meilleures conditions, en stricte conformité avec les réglementations en vigueur », promet la direction. Le dernier arrêté préfectoral d’autorisation délivré à l’établissement, contrôlé tous les trois ans, date d’août 2024.

« Aucune des anomalies évoquées dans les articles de presse n’a été directement signalée au service d’inspection de la direction départementale de la protection des populations (DDPP), qui aurait alors diligenté un contrôle inopiné », souligne la préfecture de la Gironde.

*Les prénoms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des personnes qui témoignent, à leur demande.