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Pourquoi les femmes ne prennent-elles pas des douches plus froides que les hommes ?

En 2024, une étude de Harris Poll portant sur plus de 2.000 Américains montrait que les femmes sont presque deux fois plus susceptibles que les hommes de préférer une douche aussi chaude que possible (23 % contre 12 %). Une étude du European Bathroom Forum (EBF) et YouGov sur 4.000 Européens montrait que 58 % des femmes préfèrent des douches à des températures supérieures à 40 °C, contre 49 % des hommes.


Tout homme sur le point de s’installer avec sa compagne doit d’abord faire face à une ultime épreuve : les mises en garde pesantes de ses amis masculins. « Fais attention, c’est fini les soirées bars », « dis adieu à ta liberté » et autres « c’est sympa de t’avoir connu ». Parmi ces railleries, une recommandation essentielle est souvent omise : « Ne prends jamais de douche après ta copine si tu ne veux pas être brûlé au troisième degré ».

Une légende urbaine prétend que les femmes prennent des douches trop chaudes pour nous, hommes à la peau sensible. « Au début, nous prenions des douches ensemble. Puis nous avons arrêté car nous n’étions jamais d’accord sur la température », raconte Romain. Il utilise donc désormais une douche séparée « après avoir failli mourir de chaud plusieurs fois ». On retrouve des échos de cette réalité dans de nombreuses blagues de la culture populaire.

Contrairement aux apparences, cette légende semblerait fondée. En 2024, une étude de Harris Poll auprès de plus de 2.000 Américains a révélé que les femmes sont presque deux fois plus susceptibles que les hommes de préférer une douche aussi chaude que possible (23 % contre 12 %). À l’inverse, les hommes sont plus nombreux à opter pour une douche « juste » un peu chaude (28 % contre 20 %) ou à température ambiante (6 % contre 3 %).

De ce côté de l’Atlantique, une étude menée par l’European Bathroom Forum (EBF) et YouGov sur 4.000 Européens a montré que 58 % des femmes préfèrent des douches à des températures supérieures à 40 °C, contre 49 % des hommes. Pour élargir le propos, en Asie, le Journal of Building Engineering a également étudié la question auprès de 150 ménages, constatant que les femmes règlent la température à des niveaux plus élevés (41 – 43 °C) comparativement aux hommes (38 – 40 °C). Une tendance semblable se dessine ainsi à l’échelle mondiale.

En matière physiologique, « le métabolisme des hommes est en moyenne supérieur à celui des femmes. L’homme produit donc plus de chaleur ; il n’a pas besoin d’en ajouter », indique Michaël Rochoy, médecin généraliste dans le Nord. De plus, les hommes ont généralement une plus grande masse musculaire, source de chaleur supplémentaire. Moins flatteur, les hommes sont aussi souvent plus en surpoids – 36,9 % contre 23,9 % – ce qui les rend davantage sensibles aux températures élevées.

De nombreuses études ont par ailleurs révélé que, même en dehors de la douche, les femmes sont en moyenne plus sensibles au froid que les hommes. La température idéale se situerait entre 22 et 24 °C pour les hommes, contre 24,5 – 26 °C pour les femmes.

Des hormones, en particulier la testostérone, permettent également aux hommes de mieux supporter le froid. Cela pourrait expliquer que les hommes deviennent plus sensibles au froid avec l’âge, alors que le taux de testostérone chute après la trentaine. À l’inverse, chez les femmes, l’œstrogène a tendance à épaissir le sang, ce qui rend la circulation vers les extrémités plus difficile, causant un refroidissement. Une étude de l’université de l’Utah de 1998 a montré que la température des mains chez les femmes était plus basse de 1,6 °C.

Les explications ne se limitent pas à des facteurs physiologiques. « De nombreuses études suggèrent que cela pourrait aussi découler d’une habitude comportementale. Les femmes auraient davantage de chances de préserver leurs enfants en les protégeant des variations de température », propose Michael Rochoy.

Mais pourquoi se concentrer spécifiquement sur la douche ? Dans les autres pièces, la température est généralement identique pour tous et souvent pensée pour les hommes. En 2015, des chercheurs néerlandais ont constaté que les climatiseurs courants étaient conçus pour un homme d’environ 40 ans pesant 70 kg, ce qui surestime le taux métabolique des femmes de 20 à 30 % en moyenne, selon Boris Kingma, coauteur de l’étude. La douche constitue un rare exemple de température individualisée, ce qui pourrait expliquer le malaise chez les hommes.

Enfin, l’utilisation de la douche (et de la salle de bains en général) mérite d’être mentionnée. Les femmes y passent en moyenne plus de temps (25 minutes contre 15 pour les hommes par jour) et sous la douche, elles utilisent 8 minutes contre 7 pour les hommes. « Plus le temps passe, plus la température corporelle baisse, ce qui pourrait expliquer pourquoi les femmes préfèrent des températures initialement plus élevées », conclut Michael Rochoy.

Pour Sophie, c’est évident : « Mon homme ne fait pas la différence entre un après-shampoing et un gel douche, et vous pensez qu’il est capable de gérer la température de l’eau ? Ce ne sont pas les femmes qui prennent des douches trop chaudes, ce sont les hommes qui en prennent des trop froides ».