Belgique

Les coulisses de l’Europe : l’immigration n’est pas un enjeu politique ?

Depuis la grande crise migratoire de 2015, la lutte contre l’immigration irrégulière est devenue le doudou politique de l’Union européenne. Le pacte asile et migration, adopté juste avant les élections européennes en 2024, prévoyait la répartition annuelle de 30.000 demandeurs d’asile entre les États membres.


Depuis la crise migratoire de 2015, la lutte contre l’immigration irrégulière est devenue un enjeu politique central pour l’Union européenne. Ce sujet est régulièrement abordé lors des sommets et des campagnes électorales, mais dès qu’il s’agit de passer à l’action, il est souvent mise de côté.

Les préoccupations des citoyens ont évolué, se concentrant sur des sujets tels que le pouvoir d’achat, la compétitivité, la sécurité et le logement. Les dirigeants européens, en revanche, continuent de s’accrocher à leur agenda migratoire, qui est devenu une question de survie électorale.

Le pacte asile et migration, adopté peu avant les élections européennes de 2024, était censé mettre fin à l’individualisme en matière d’accueil des migrants. L’objectif était de créer une Europe plus solidaire, capable de gérer les arrivées, et de ne plus laisser les côtes grecques, italiennes ou espagnoles débordées pendant que d’autres pays ignorent la situation. Ce pacte était annoncé comme solide.

Cependant, dans les faits, il montre déjà des signes de faiblesse. Cette semaine, la Commission européenne devait publier une liste des pays sous pression migratoire, une étape nécessaire pour mettre en œuvre le mécanisme de solidarité du pacte, impliquant la répartition annuelle de 30 000 demandeurs d’asile entre les États membres. Pour ceux qui refusent d’accueillir des migrants, le pacte prévoit une amende de 20 000 euros par personne, une sorte de péage humanitaire.

Pourtant, la publication de ce rapport est retardée. Le Commissaire européen Markus Brunner, responsable de cette question, a justifié ce retard en déclarant : « C’est la première fois que nous faisons cet exercice, nous devons le faire bien. » En réalité, la situation est plus complexe, car peu de pays sont prêts à accueillir des migrants.

La Hongrie et la Pologne n’ont jamais caché leur opposition, tandis que des pays jugés plus ouverts, comme la Belgique, affirment que leurs centres d’accueil sont saturés et qu’ils préfèrent contribuer financièrement pour aider d’autres États à gérer cette crise. En d’autres termes, ils préfèrent éloigner les migrants plutôt que de les accueillir.

Un autre point de tension concerne l’ordre de retour européen, qui vise à faciliter le renvoi des migrants n’ayant pas obtenu le droit d’asile et qui souhaitent rester en Europe. Concrètement, si un migrant expulsé de France ou d’Italie se retrouve en Belgique, c’est la Belgique qui devrait s’occuper de son renvoi, ce qui se révèle être à la fois compliqué et coûteux pour la ministre belge de l’Asile et de la Migration, Anneleen Van Bossuyt, confrontée déjà à des migrations secondaires, où des migrants circulent d’un pays à l’autre.

Cette situation soulève des questions sur la responsabilité partagée des pays européens face aux migrants. Les dirigeants européens semblent vouloir une politique migratoire stricte sans vouloir en assumer les coûts ou les conséquences politiques. Ce refus collectif de gérer la situation ressemble à une forme de schizophrénie politique.

En attendant que les dirigeants européens débattent de quotas ou de formulaires, les garde-côtes libyens, soutenus par l’Union européenne, poursuivent leurs actions sur la Méditerranée, ignorant les droits et la dignité des migrants. En parallèle, les dirigeants européens montrent une capacité à dire « non » aux migrants, aux quotas et à la solidarité, mais finalement, en refusant tout, ils acceptent l’hypocrisie.