JMGO veut « remplacer la TV » : son fondateur explique comment les vidéoprojecteurs vont tuer les téléviseurs.
Forrest Li, CEO et fondateur de JMGO, a indiqué que le projet de l’entreprise est de remplacer les téléviseurs par des vidéoprojecteurs, affirmant : « Je pense qu’ils les remplacent déjà en partie ». JMGO travaille actuellement avec Nichia sur une nouvelle génération de modules laser tricolores visant à augmenter la puissance lumineuse des vidéoprojecteurs, bien que les détails concernant la luminosité restent évasifs.

Au cours de ces deux heures passées dans les bureaux de JMGO à Shenzhen, j’ai discuté avec Forrest Li, le fondateur et PDG de l’entreprise.
Le dirigeant du deuxième plus grand fabricant chinois de vidéoprojecteurs a partagé sa stratégie pour conquérir le marché européen. Son objectif ne se limite pas à une audience de cinéphiles ; il veut remplacer totalement la télévision.
Pour aller plus loin
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« La télé ? Un rectangle noir moche sur votre mur »
Forrest Li ne mâche pas ses mots lorsque je lui demande si ses projecteurs sont amenés à remplacer les téléviseurs : « Je pense qu’ils les remplacent déjà en partie ». Son argument commercial se veut on ne peut plus simple : pourquoi s’encombrer d’un écran de 65 pouces qui prend de la place dans votre salon alors qu’un projecteur peut passer inaperçu et projeter 120 pouces lorsque vous en avez besoin ?

Le responsable de JMGO semble avoir bien analysé le marché français. Il observe que « en France, il n’y a pas de mur noir comme en Chine, c’est plutôt gris clair ». En d’autres termes, ce grand rectangle OLED noir qui orne (ou dénature) votre salon lorsqu’il est éteint n’est plus acceptable. Il n’a pas tort, ayant également adopté un vidéoprojecteur après que ma partenaire ait catégoriquement refusé un écran plus grand.

JMGO base tout son positionnement sur cette idée de « produit décoratif ». Leurs projecteurs aux formes arrondies (le N1 Ultra rappelle un galet design) peuvent même servir d’enceinte connectée lorsque l’écran est éteint. Le produit reste visible sans être intrusif, contrairement à une télévision qui est soit allumée (et consomme de l’énergie), soit éteinte (et peu esthétique).
Laser tricolore : la solution au problème de la luminosité
Forrest Li reconnaît sans détour le principal défaut des vidéoprojecteurs face aux téléviseurs : « Leur seule faiblesse reste la luminosité, qui limite l’usage en plein jour ». Cependant, il est convaincu que la technologie de laser tricolore (RGB) vient résoudre progressivement ce problème.
JMGO collabore avec Nichia (le fabricant japonais de LED et lasers) sur ce qu’ils appellent les « lasers 42 », une nouvelle génération de modules rouge, vert et bleu censés considérablement augmenter la puissance lumineuse. Combien de lumens au final ? Forrest Li reste vague, mais il promet que leurs futurs modèles « offrent une expérience visuelle claire, même dans un environnement lumineux ».
En parallèle, JMGO travaille avec Texas Instruments (fabricant des puces DLP présentes dans presque tous les vidéoprojecteurs du marché) sur de nouvelles solutions destinées à améliorer l’efficacité thermique, permettant d’atteindre une meilleure luminosité dans un format compact. Le défi technique est conséquent : intégrer plus de 3000 lumens dans un boîtier portable sans qu’il ne devienne un radiateur bruyant.
Intelligence artificielle partout (évidemment)
Comme tous les fabricants chinois en 2025, JMGO intègre de l’IA dans ses produits. Forrest Li m’a énuméré les fonctionnalités en développement :
- Verrouillage intelligent de l’écran : la caméra détecte si quelqu’un passe devant le projecteur et met en pause.
- Positionnement automatique : correction de la géométrie en temps réel si le projecteur est déplacé.
- Optimisation de la qualité d’image : upscaling IA pour donner un rendu « récent » aux vieux films.
- Adaptation selon la scène : ajustement automatique des paramètres selon le contenu (sport, film sombre, animation…).
Est-ce véritablement révolutionnaire ? Non. S’agit-il d’un apprentissage machine véritable ou simplement de post-traitement rebranded « IA » ? Forrest Li m’assure qu’ils développent leurs propres modèles, mais il est impossible de le vérifier. Ce qui est sûr, c’est que ces fonctionnalités apportent un confort réel ; l’autofocus et la correction automatique sont désormais essentiels sur un projecteur portable.
Dolby Vision/Atmos : « Ça coûte cher, mais ça vaut le coup »
J’ai interrogé Forrest Li sur le coût des certifications Dolby. Sa réponse a été directe : « Les frais de licence sont élevés ». Le processus est complexe : enregistrement dans le système Dolby, pré-tests internes, envoi d’échantillons au laboratoire Dolby, validation, tests finaux, rapports… Cela nécessite des mois et des dizaines de milliers de dollars (probablement plus proche des six chiffres pour un catalogue complet).
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Pour JMGO, cela est inévitable : « Cela permet d’offrir une meilleure expérience audiovisuelle aux utilisateurs, donc ça vaut la peine ». En résumé, sans le logo Dolby sur l’emballage, il est impossible de justifier un prix premium face à la concurrence chinoise qui inonde le marché avec des clones de basse qualité.
JMGO vs Xgimi : « Nous sommes des pionniers »
Lorsque je lui demande comment il se distingue de son concurrent direct Xgimi, Forrest Li met en avant l’innovation historique.

Il tient à rappeler les premières innovations de JMGO :
- Premier projecteur intelligent A1
- Premier projecteur portable à batterie P1
- Premier projecteur à focale ultra-courte O1
- Premier projecteur laser tricolore sur gimbal N1
Le message est clair : « Nous innovons, les autres copient ». Il est difficile de vérifier cette assertion sans analyser chaque lancement historique, mais JMGO a effectivement été le premier à proposer un projecteur grand public avec un gimbal motorisé (ce système permettant de projeter au plafond). Xgimi a emboîté le pas 18 mois plus tard.


Concernant le design, Forrest Li insiste sur le fait que « nous mettons en avant dans nos showrooms la diversité et l’originalité des formes de nos produits ». Selon lui, il est temps d’abandonner les pavés rectangulaires noirs génériques. JMGO favorise les formes organiques, arrondies, qui « rapprochent le consommateur », contrairement à une apparence froide et technique.
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Fabrication : tout JMGO sauf les puces et les lasers
En matière de transparence sur la chaîne d’approvisionnement, Forrest Li est clair : « À l’exception des chipsets et des modules laser, tous les autres composants sont conçus et fabriqués par JMGO ».

Concrètement :
- Puces DLP : Texas Instruments (comme 95% du marché).
- Modules laser : principalement Nichia.
- Processeur : ARM (probablement Amlogic ou MediaTek pour Android TV).
- Tout le reste : conception et fabrication JMGO dans leurs usines en Chine.
C’est un constat honnête. JMGO ne prétend pas réinventer la roue avec des composants critiques où les géants américains et japonais ont une avance de 20 ans. Leur focus se situe sur l’optique propriétaire (lentilles, miroirs, diffuseurs), le design mécanique et l’intégration logicielle.
Développement en Europe : 100 points de vente, bientôt plus
JMGO est déjà présent dans « près de 100 points de vente en Europe » via des réseaux de revendeurs Apple Premium, des enseignes spécialisées comme Boulanger en France, et un espace chez Smartech aux Galeries Lafayette à Paris.
Forrest Li est formel : « Pour les projecteurs, la démonstration et l’expérience physique sont essentielles ». Impossible de vendre un projecteur laser tricolore à 2000 € sans en montrer le résultat en situation. D’ici fin 2025, JMGO prévoit d’augmenter le nombre de « zones d’expérience » dans les magasins partenaires français.
Le défi réside dans la nécessité de convaincre les enseignes de créer des espaces sombres dédiés en magasin. En effet, exposer un projecteur sous les lumières blanches d’un Media Markt est contre-productif, car l’image paraît délavée, détruisant ainsi l’argument commercial. JMGO est actuellement en discussion avec Fnac et Darty pour installer des alcôves de démonstration avec un éclairage contrôlé.
Gaming : 4K 120Hz en 2026, certification Xbox à venir
Forrest Li a révélé une information intéressante : JMGO prépare un modèle dédié au gaming pour 2026. Les spécifications prévues sont les suivantes :
- 4K à 120Hz (contre 1080p à 240Hz sur leurs modèles de gaming actuels).
- Latence sous 20 ms.
Cela s’inscrit dans la démarche de remplacement de la télévision : les joueurs recherchent du 120 fps en 4K, pas du 1080p. Cependant, produire un projecteur 4K à 120 Hz qui soit réellement fluide et lumineux dans un format portable représente un défi technique majeur. Les puces DLP actuelles de Texas Instruments éprouvent déjà des difficultés à atteindre ces performances sans surchauffe.
Consommation énergétique : l’argument qu’on n’attendait pas
Forrest Li a avançé un argument surprenant : « Un projecteur consomme environ 110W, ce qui est beaucoup moins qu’une télévision ». En effet, un téléviseur OLED de 65 pouces consomme plutôt entre 150 et 200 W en utilisation normale, voire jusqu’à 300 W en HDR intensif.
En France, et plus largement en Europe, où l’écoconception et les étiquettes énergétiques ont proscrit les téléviseurs trop énergivores, cet argument commercial semble pertinent. Forrest Li souligne que la Chine a également des étiquettes énergétiques et que JMGO se classe au niveau 1 (le meilleur), tandis que les téléviseurs sont généralement au niveau 3.
Un petit point à noter : l’étiquette énergie européenne ne s’applique pas encore aux vidéoprojecteurs, ce qui rend toute comparaison officielle impossible. Toutefois, sur le papier, l’argument tient : un projecteur utilisé trois heures par jour consomme moins qu’un téléviseur de taille similaire.
Les technologies optiques en développement
Pour les lecteurs techniques, voici ce sur quoi JMGO travaille actuellement en matière optique, selon Forrest Li :
Technologie multi-niveaux de diffusion homogène inspirée de l’œil composé, technologie multi-niveaux de renforcement du contraste par diaphragme, et technologie multi-niveaux LSR de réduction des tavelures.

C’est exactement ce qu’il a expliqué. Des noms de technologies qui semblent impressionnants, mais aucune explication concrète sur leur impact véritable. J’ai tenté d’explorer davantage lors de l’entretien, mais Forrest Li est resté vague, probablement parce que cela relève de la confidentialité, ou parce que cela en est encore au stade de recherche et qu’ils ne savent pas eux-mêmes si cela fonctionnera.

Ce que je peux supposer (mais cela reste de la spéculation) : la première technologie concerne probablement l’uniformité de la luminosité sur l’écran, la deuxième joue sur le contraste dynamique, et la troisième concerne la réduction du « speckle » (ce phénomène de points scintillants des lasers). Toutefois, je ne vais pas embellir la situation en inventant des détails que le PDG lui-même n’a pas fournis.

Ce sont là les problèmes actuels des vidéoprojecteurs. Par exemple, l’inégalité de la luminosité entre le centre et les bords de l’écran ou comment améliorer la profondeur des noirs sans détériorer les hautes lumières.
Est-ce que cela va révolutionner le marché ? Il est difficile de l’affirmer sans tester les résultats. Cela démontre cependant que JMGO investit sérieusement dans la recherche et le développement optiques plutôt que de simplement acheter des modules préfabriqués et de leur adjoindre leur logo.
Et la grande question : le prix face aux téléviseurs OLED ?
Forrest Li est clair : « Le prix d’un projecteur peut représenter la moitié ou un tiers d’une télévision » de taille similaire. Un N1 Ultra projetant 120 pouces est proposé autour de 2000-2500 €. En ce qui concerne une télévision OLED de 120 pouces ? Si elle existe, comptez entre 15 000 et 30 000 €.
En effectuant une comparaison avec une télévision de 85 pouces (la taille la plus grande accessible au grand public), on se retrouve plutôt dans une fourchette de 3000-4000 € pour une OLED haut de gamme. Le projecteur reste donc compétitif. Mais (et c’est un important bémol), l’OLED offre des noirs parfaits, une luminosité impressionnante en HDR, et ne comporte aucun souci d’installation. Un vidéoprojecteur nécessite un mur blanc ou un écran, une pièce peu exposée à la lumière, et un système audio séparé si l’on recherche un son de qualité.

Forrest Li assume ce positionnement : JMGO cible les personnes qui Désirent un grand écran sans le désagrément visuel d’une télévision surdimensionnée. Il s’agit d’un choix de style de vie autant que technique.
Cependant (encore un mais), réussir en Europe exige plus que d’excellents produits. Il faudra convaincre les enseignes de mettre en place de véritables zones de démonstration, éduquer le consommateur français qui ne connaît pas encore la marque, et rivaliser avec des géants tels qu’Epson, BenQ ou Sony sur le segment haut de gamme.
Le pari de JMGO : d’ici cinq ans, avoir un projecteur dans un salon français sur quatre. Ambitieux ? Tout à fait. Impossible ? Peut-être pas.

