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Meurtre de Lola : Dahbia Benkired jugée, « Ça ne me fait ni chaud, ni froid »

Dahbia Benkired, âgée de 24 ans au moment des faits, a été interpellée et placée en garde à vue le 16 octobre 2022, soupçonnée du meurtre de la petite Lola Daviet, 12 ans. Le procès de Dahbia Benkired pour « meurtre d’un mineur de 15 ans » et « viol commis sur un mineur avec torture ou acte de barbarie » débute à Paris le vendredi et le verdict est attendu le 24 octobre.


« J’ai dit toute la vérité. J’oserais pas tuer une personne en fait. » Malgré les dénégations de la jeune femme, les enquêteurs de la Crim’ sont persuadés, ce dimanche 16 octobre 2022, d’avoir interpellé et placé en garde à vue la meurtrière de la petite Lola Daviet, âgée de 12 ans. Lors de son quatrième interrogatoire, Dahbia Benkired, 24 ans, a avoué les faits, avant de se rétracter. « Je suis pas folle », affirme-t-elle aux policiers de la PJ. Elle a été arrêtée peu après la découverte du corps de l’enfant, caché dans une malle, retrouvée rue d’Hautpoul, dans la cour de l’immeuble où elle résidait, dans le 19e arrondissement.

Trois ans après les événements, les jurés de la cour d’assises de Paris vont juger Dahbia Benkired à partir de vendredi pour « meurtre d’un mineur de 15 ans » et « viol commis sur un mineur avec torture ou acte de barbarie ». Ils tenteront de déchiffrer la personnalité complexe de l’accusée et de comprendre ce qui a pu déclencher son acte meurtrier, elle qui était jusque-là inconnue des services judiciaires. Aujourd’hui âgée de 27 ans, elle risque la réclusion criminelle à perpétuité. « Nous attendons du procès que le mobile, qui reste encore inconnu, émerge », déclarent ses avocats, Mes Alexandre Valois et Lucile Bertier, à 20 Minutes.

Lola a disparu le vendredi 14 octobre 2022 en rentrant du collège. Son père, gardien d’immeuble rue Manin, a examiné les images de la caméra de surveillance dans le hall. À 15h17, la jeune fille aux cheveux blonds, habillée d’un jean blanc et d’un pull à capuche, entre dans le bâtiment suivie d’une inconnue. Cette dernière sort de l’immeuble vers 17 heures, traînant avec elle deux valises et une grande malle en plastique. Prévenus par la mère de la fillette, les policiers soupçonnent rapidement un enlèvement, ayant trouvé du scotch et un cutter dans le parking de la résidence. Ils mobilisent d’importants moyens pour la retrouver.

À 23h20, un sans-abri de 42 ans découvre le corps dénudé de la fillette dans une malle. La victime, ligotée avec du ruban adhésif, présente de nombreuses blessures, dont une à la gorge. Les chiffres « 0 » et « 1 » sont inscrits sur ses pieds avec du vernis à ongles rouge. Le parquet de Paris ouvre une enquête pour meurtre sur mineur de moins de 15 ans, confiée à la brigade criminelle de la police judiciaire. L’autopsie révèle que la fillette est morte par asphyxie.

Le témoignage d’un homme de 29 ans va orienter les enquêteurs vers Dahbia Benkired, une Algérienne née en avril 1998, sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français depuis deux mois. Ce témoin l’avait rencontrée dans la rue le jour des faits, où elle lui avait dit vouloir se rendre dans les Hauts-de-Seine avec ses lourds bagages. Elle lui avait aussi affirmé vouloir vendre des organes humains qui se trouvaient dans sa malle. Bien qu’il mette un terme à la conversation, il a la présence d’esprit de photographier la plaque d’immatriculation de la voiture dans laquelle elle monte une trentaine de minutes plus tard.

Le conducteur, Rachid N., est une ancienne connaissance de Dahbia Benkired. Il l’emmène chez lui à Asnières-sur-Seine, puis contacte un VTC qui dépose la jeune femme et ses bagages dans le 19e arrondissement vers 23 heures, où vit sa sœur aînée, Friha. Cette dernière habite au 6e étage de l’immeuble où réside Lola et sa famille. Sa cadette y dort parfois.

Une vingtaine de minutes plus tard, le SDF découvre le cadavre de Lola. Dans la nuit, les parents de la fillette sont informés par un commissaire de la police judiciaire de cette terrible nouvelle. Le lendemain, les enquêteurs interpellent Dahbia Benkired chez un ami à Bois-Colombes et la placent en garde à vue. D’abord peu bavarde, elle finit par avouer le crime. Selon son récit, un différend avec la mère de Lola l’aurait mise en colère. « En fait, j’ai été voir la mère de la fille pour avoir un passe, mais elle m’a refermé la porte au visage. À partir de ce moment-là, j’ai eu la haine, je n’étais pas bien », raconte-t-elle. « Après, je vois une fille qui arrive avec un passe et je lui demande de me le prêter. Elle a refusé en disant que ses parents ne voulaient pas qu’elle prête ses clés. J’avais mes valises à descendre. Cette fille m’a déverrouillé la porte pour que je puisse monter dans l’ascenseur. Je l’ai forcée à monter avec moi dans l’ascenseur et tout ce qui s’est passé, ça s’est produit dans l’appartement. »

Dahbia Benkired raconte avoir contraint Lola à se doucher avant de la violer. « J’ai abusé un peu, histoire d’avoir mon plaisir et point barre. » Elle l’a ensuite ligotée avec du ruban adhésif et frappée avec un couteau et des ciseaux. Son corps a ensuite été dissimulé dans la malle. « Ça ne me fait ni chaud, ni froid », réagit-elle, indifférente, lorsqu’on lui montre des photos du corps de Lola. « Moi aussi, je me suis fait violer et j’ai vu mes parents mourir devant moi. » Plus tard, elle reviendra sur ses aveux, déclarant aux policiers qu’elle avait relaté un cauchemar qu’elle avait fait. « Je venais de me réveiller et j’ai décidé de vous raconter ça. »

La suspecte est mise en examen le 17 octobre 2022 et placée en détention provisoire à la maison d’arrêt de Fresnes. Lors de sa première expertise psychiatrique en novembre 2022, le médecin ne note aucun trouble psychiatrique et conclut que son discernement n’était ni aboli ni altéré au moment des faits. Il dénote chez elle « un haut potentiel narcissique psychopathique, une structuration perverse de personnalité, un mauvais contrôle comportemental associé à une insertion socio-professionnelle inadéquate ». « Une instabilité de vie, des consommations de toxiques, sont autant de facteurs de risque de commissions de violences », ajoute-t-il, notant également « une tendance à la duperie et à la manipulation ».

Le parcours de la jeune femme est en effet chaotique. Dahbia Benkired est arrivée en France en 2016 avec un titre de séjour d’étudiant. En 2018, elle devient victime de violences conjugales. Elle perd son père en 2019 et sa mère en 2020, ce qui entraîne une augmentation de sa consommation de cannabis. Au moment de son interpellation, elle est sans logement, sans emploi et sans ressources, malgré un certificat d’aptitude professionnelle dans la restauration.

Entre le 28 février 2023 et le 17 janvier 2024, Dahbia Benkired est internée dans une unité pour malades difficiles. Une contre-expertise menée à cette occasion par deux médecins conclut également à l’absence de pathologie psychique. Ils évoquent des « multiples carences et traumatismes infantiles », une « impulsivité », une « intolérance à la frustration », et surtout « l’existence de conduites manipulatoires relevant d’une personnalité pathologique ou d’une stratégie et pas d’une pathologie psychiatrique majeure ». Ainsi, Dahbia Benkired, selon leurs conclusions, est pénalement responsable de ses actes et peut être jugée.

Johan, le père de Lola, n’assistera pas aux audiences, ayant été victime d’une crise cardiaque à l’âge de 49 ans en février 2024, ne s’étant jamais remis de la mort de sa fille. La famille de la victime espère obtenir des « réponses à ce qu’il leur reste : des questions insoutenables », indique leur avocate, Me Clotilde Lepetit, à 20 Minutes. Le verdict est attendu le 24 octobre.