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« Boy sober » : Les femmes célibataires ne se sevrent pas des hommes.

Le mouvement « boy sober » est prôné par des femmes célibataires de la génération Z et se traduit par un sevrage des relations amoureuses, incluant l’absence d’applications de rencontres et de rencards. Hope Woodard, humoriste et créatrice de contenu américaine, a déclaré dans le New York Times qu’il s’agit de se sevrer « de toute relation amoureuse avec des personnes de quelque genre que ce soit ».


A consommer avec modération. On connaissait le « dry january » et « le sober october », il faut désormais composer avec le « boy sober ». Le principe est similaire – ou presque. Alors que les deux premiers s’accompagnent d’une réduction, sinon d’un arrêt total, de la consommation d’alcool pendant un mois, le troisième est un mouvement qui prône a priori un sevrage… des hommes. Initié par les femmes célibataires de la génération Z, ce phénomène prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux, avec pas moins de 35 millions de publications sur TikTok.

C’est toutefois à l’humoriste et créatrice de contenu américaine Hope Woodard que l’on doit l’origine de ce mouvement. « Toute ma vie, j’ai dit : « je suis célibataire ». Non, je n’ai jamais été célibataire, j’ai toujours été dans un entre-deux relationnel. Vous n’êtes pas célibataire si quelqu’un occupe votre espace cérébral », déclare la jeune femme.

Elle annonce sa volonté de faire une détox masculine pendant une année entière en respectant des règles très strictes : pas d’applications de rencontres, pas de rencards, pas d’ex, pas de « situationship », c’est-à-dire de relations ambiguës, pas de bisous ni de câlins. En somme, rien qui ne s’apparente de près ou de loin à une relation sentimentale ou sexuelle, ni même à l’épuisement généré par les espoirs et déceptions liés aux rencontres 2.0.

Le « boy sober » est davantage une réponse à la « dating fatigue », analysée par la journaliste Judith Duportail dans son ouvrage éponyme, qu’un pamphlet contre ces messieurs. Il s’agit donc de se délester du poids du « swipe » compulsif, de l’attente (interminable) de messages, des discussions et des rencontres stériles, voire des relations toxiques. « La méfiance vis-à-vis des applications de rencontres reflète un rejet de la logique consumériste », explique la psychanalyste Hélène Vecchiali, auteure de *La déconstruction des hommes : une fausse bonne idée*.

À force d’échecs amoureux, malgré les multiples possibilités de « perfect match » offertes par les applications de dating, certaines en viennent à se dire désabusées, au point de vouloir totalement renoncer à cette quête constante de l’amour. « Réaliser que, même en faisant sa liste au Père Noël avec des critères précis, on n’évite pas le fait que l’autre est… autre, c’est sans doute une bonne chose ! Si ce retrait permet de retrouver une présence authentique à soi et de chercher un autre, lui aussi authentique, c’est fécond », poursuit la spécialiste. Derrière le « boy sober » se cache en réalité une volonté de se recentrer sur soi, davantage que sur l’autre, ou sur la projection d’une vie à deux.

Délaisser les applications de rencontres permet également de gagner un temps précieux que les principales intéressées souhaitent consacrer à elles-mêmes. « J’ai besoin de retrouver ma lucidité et de me concentrer sur moi-même », « Je l’ai fait et je suis tombée complètement amoureuse de moi-même », « Cette année, j’ai été sobre et c’était génial. J’adore passer du temps avec moi-même et mes amis, je me sens super bien et j’ai grandi », peut-on lire parmi les commentaires laissés sous la publication de Hope Woodard. Ce sevrage des hommes est finalement surtout un moyen de favoriser son épanouissement personnel et de redéfinir ses priorités pour – pourquoi pas – repartir de plus belle.

« Se recentrer sur soi est nécessaire pour vivre mieux, à condition que ce ne soit pas une action égocentrée », précise Hélène Vecchiali.

« C’est le moment favorable pour des questionnements intérieurs, pour mieux se connaître, mieux savoir ce qu’on veut et ce qu’on ne veut plus. Ce temps-là est nécessaire non seulement pour une belle rencontre amoureuse mais pour toutes nos rencontres. »

Cette mise en retrait peut donc bel et bien se révéler bénéfique pour… rencontrer la bonne personne. Ou passer au « slow dating », c’est-à-dire privilégier la qualité à la quantité, comme l’affirment de nombreux internautes sur TikTok.

Contrairement à ce que son intitulé suggère, le « boy sober » n’est pas un phénomène à l’encontre des hommes, mais des relations en général. Dans un entretien accordé au New York Times, Hope Woodard précise qu’il s’agit de se sevrer « de toute relation amoureuse avec des personnes de quelque genre que ce soit ». Les hommes ne sont donc pas dans la ligne de mire de celles (et ceux) qui souhaitent s’abstenir de faire des rencontres – le contraire aurait été contre-productif. Ils peuvent même, eux aussi, s’initier à cette diète particulière.

Pour celles et ceux qui n’ont aucune intention d’abandonner le « swipe », certains réflexes peuvent cependant aider à éviter la fameuse « dating fatigue ». Comme le suggère la psychanalyste : « Avant de se lancer sur une application, il est essentiel de clarifier son intention : une aventure ou une relation durable ? ». Et, comme mentionné plus tôt, de prendre le temps de se connaître, « d’analyser sa responsabilité dans ses échecs précédents », et plus largement, de définir ses priorités.

« Il n’est pas question d’attendre d’être parfaite pour espérer rencontrer un amoureux, mais d’avoir entamé ce chemin vers soi qui permettra de désamorcer les conflits et d’accueillir l’autre dans sa vérité. »