Rencontre : l’intimité à l’écran protège l’acteur entre créativité et éthique.
Lors du festival «Regards de femmes», la réalisatrice Ismahan Lahmar a ouvert un débat inédit en Tunisie et dans le monde arabe sur la représentation des scènes sensibles et la nécessité d’un cadre professionnel. La pratique de la médiation de l’intimité s’est développée dans les années 2005 d’abord dans le théâtre et s’est imposée dans les pays anglo-saxons à l’initiative du mouvement Metoo et de l’affaire Weinstein.
Aborder l’intimité à l’écran représente un défi, surtout lorsqu’art et éthique se croisent sans toujours se rejoindre. Lors du festival « Regards de femmes », la réalisatrice Ismahan Lahmar a ouvert un débat inédit en Tunisie et dans le monde arabe sur la représentation des scènes sensibles et l’importance d’un cadre professionnel garantissant respect, consentement et créativité.
La Presse — Parmi les activités de la 6e édition du Festival international du film des femmes « Regards de femmes », une rencontre a été organisée sur le thème « L’intimité à l’écran entre créativité et éthique », animée par la réalisatrice Ismahan Lahmar. Ce sujet est abordé pour la première fois en Tunisie et dans le monde arabe.
L’intervenante a défini la notion d’intimité à l’écran, qui englobe la représentation de scènes intimes : nudité, sexualité simulée et autres scènes délicates. Ce nouveau concept, développé par des syndicats d’acteurs et des mouvements féministes, a donné naissance au métier de coordinateur d’intimité, chargé d’assurer un environnement de travail sain et éthique pour les acteurs.
« L’objectif est de permettre l’utilisation des scènes intimes avec le consentement du comédien et de manière artistique, tout en respectant les limites de chacun. Nous avons constaté sur les plateaux de tournage que des abus et des situations d’inconfort peuvent survenir », explique Ismahan Lahmar.
Pour faire face à ces excès qui engendrent des tensions et compliquent les relations entre acteurs, réalisateur et techniciens, le rôle de coordinateur d’intimité a été établi pour agir comme médiateur. Cette personne garantit que les scènes intimes se déroulent dans le respect et sans ambiguïté.
« C’est en amont que le médiateur intervient pour participer à la planification des scènes, afin que les acteurs sachent exactement ce qui sera filmé, en s’assurant que le consentement de tous est respecté tout au long du processus de production », ajoute la réalisatrice.
La pratique de la médiation de l’intimité a émergé dans les années 2005, d’abord dans le théâtre avec le directeur d’intimité, puis au cinéma en 2015. Ce métier s’est largement répandu dans les pays anglo-saxons grâce au mouvement MeToo et à l’affaire Weinstein. Aujourd’hui, aux États-Unis, il est presque devenu indispensable d’avoir un coordinateur d’intimité sur les tournages, y compris ceux de Netflix.
Selon Ismahan Lahmar, ce métier requiert une formation dispensée par des professionnels du spectacle, qui doivent être attentifs aux comédiens pour qu’ils se sentent en sécurité. Il est essentiel de disposer des outils nécessaires pour prévenir d’éventuels traumatismes passés ou présents. Des alternatives doivent être envisagées si l’acteur refuse de tourner une scène qui pourrait raviver de mauvais souvenirs. Le tournage d’une scène intime doit être chorégraphié, et le coordinateur d’intimité est rémunéré par le producteur.
Cette pratique reste cependant peu connue et souvent perçue comme un frein à la créativité, les coordinateurs étant parfois considérés comme des obstacles à la réalisation de scènes intégrées dans la narration. Qu’en est-il dans les pays arabes ? « La notion de coordination d’intimité n’est pas encore reconnue. Il est nécessaire de sensibiliser les acteurs pour qu’ils protègent leur corps et leur intimité. Toutefois, les difficultés à obtenir des financements pour la production de films constituent déjà un handicap. Les syndicats de leur côté ont un rôle à jouer pour imposer cette nouvelle pratique. »

