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Crise à Madagascar : réactions anti-françaises après la fuite du président.

Les pancartes anti-françaises ont fleuri ces derniers jours dans les rues de Madagascar, alors que la colère contre l’ex-puissance coloniale a été ravivée par l’exfiltration du président Andry Rajoelina. La colonisation de cette île de l’océan Indien, achevée avec l’indépendance en 1960, est empreinte de nombreuses exactions, comme la répression dans le sang de l’insurrection de 1947, au prix de dizaines de milliers de vies.


« Dégage la France ». Des pancartes anti-françaises ont récemment fait leur apparition dans les rues de Madagascar. La révélation de l’implication de Paris dans l’exfiltration du président Andry Rajoelina a ravivé une colère persistante contre l’ancienne puissance coloniale.

Les Français « nous colonisent encore, alors que nous sommes censés être indépendants », déclare Koloina, une ingénieure de 26 ans. La fuite du président, qui a eu lieu dimanche à bord d’un avion militaire français selon RFI, est mal perçue. « C’est injuste qu’ils interviennent dans une affaire pareille », ajoute-t-elle. Une autre pancarte brandie par les manifestants exprimait : « Nous ne voulons pas d’un président français pour Madagascar », en référence à la nationalité française de Rajoelina, qui a suscité des tensions depuis sa révélation en 2023.

Cette perception négative n’est pas surprenante, précise Christiane Rafidinarivo, politologue et chercheuse associée au centre de recherches politiques Cevipof à Paris. Pour l’opinion malgache, « la France, c’est la colonialité ». La colonisation de Madagascar, qui a pris fin avec l’indépendance en 1960, est marquée par de nombreuses exactions, dont la répression sanglante de l’insurrection de 1947, coûtant la vie à des dizaines de milliers de personnes. « Cette perception évolue dans l’opinion publique, souvent en fonction de l’actualité », ajoute-t-elle.

En 2011, Andry Rajoelina, alors président de transition sans reconnaissance internationale, a effectué une visite officielle en France où il a été reçu par le président Nicolas Sarkozy, deux ans après avoir renversé le régime en place avec l’aide des militaires. « Les gens n’ont pas pardonné à la France » d’avoir donné à Rajoelina « une forme de légitimité », estime Adrien Ratsimbaharison, enseignant en Science Politique dans une université américaine. « Ils soupçonnaient aussi Sarkozy d’avoir aidé financièrement Rajoelina […] pour renverser Ravalomanana. »

Le sentiment anti-français est renforcé par la perte d’influence de la France en Afrique. En plus de contrats majeurs, tels que le téléphérique d’Antananarivo et une autoroute attribués à des acteurs économiques français, les interactions avec les Français ne s’avèrent pas toujours positives. À cela s’ajoute la présence de nombreux retraités français visitant Madagascar pour des motifs peu reluisants, ainsi que le travail difficile dans les centres d’appels de sociétés françaises établies grâce à la création de zones franches, représentant des milliers d’emplois.

Peu avant de disparaître, Andry Rajoelina a également accordé des grâces présidentielles à un Franco-Malgache et à un Français, tous deux condamnés pour coup d’État, et expulsés en France. Cette situation a été perçue par beaucoup dans la rue comme un marchandage « entre Français ».

Autrefois puissance coloniale majeure en Afrique, la France a récemment vu plusieurs de ses anciennes colonies, comme le Niger, le Mali et le Burkina Faso, s’éloigner d’elle et même lui tourner le dos.