Tunisie

Fatma Dellagi-Bouvet de la Maisonneuve : « La décentralisation de la pensée est indispensable ! »

Le festival de littérature « Kotouf du sud » se tiendra à Djerba du 16 au 19 octobre 2025 et mettra en avant seize écrivains internationaux et nationaux. Les activités comprendront des tables rondes dans un amphithéâtre, des intermèdes musicaux, ainsi que des lectures performées et théâtrales.


C’est du 16 au 19 octobre 2025 que se dérouleront les rencontres et festivités autour du « Kotouf du sud, festival de littérature du sud » à Djerba. De nombreux invités et écrivains de renom sont déjà sur place, prêts à participer au lancement de cette initiative, initiée par quatre femmes de lettres engagées, désireuses d’encourager le dialogue sur les écritures du monde, en particulier celles du « Nord / Sud ». La première édition célèbre la littérature francophone, en plein cœur de l’île, à l’emplacement même qui, trois ans plus tôt, avait accueilli le « Sommet mondial de la Francophonie ». Le comité directeur, entièrement féminin, est composé de Mounira Dhaou, Marielle Anselmo, Sourour Barouni, et Fatma Dellagi–Bouvet de la Maisonneuve. Cette dernière nous livre en deux temps les coulisses de cette manifestation internationale prometteuse.

La Presse — Quelle a été l’étincelle qui a permis au festival « Kotouf du sud » de voir le jour ?

Je me suis toujours intéressée à la décentralisation de la pensée. Décentraliser la pensée est une nécessité ! Je trouve que nos références intellectuelles, littéraires, philosophiques sont trop souvent occidentalo-centrées. En tant qu’Africaine vivant en France, j’ai réalisé qu’en Europe, aucune référence arabe ou africaine n’existe : lorsque l’on parle d’Europe, on évoque l’Occident, sans tenir compte des références du Sud, des féministes, des militants asiatiques, latinos, africains, arabes. J’ai toujours été sensible à cet écart. Je me suis donc mise à écrire mes essais et mes romans autour de cette question.

Pourquoi avoir choisi Djerba pour le faire ?

Au fil du temps, j’ai envisagé de faire de la Tunisie un point d’ancrage pour échanger sur ce sujet. Notre pays est idéal et porte une multitude de cultures. En Tunisie, on ne met pas suffisamment en avant nos cultures, nos richesses, nos architectures, nos archéologies, nos musées, et notre savoir. Nous vivons à un carrefour qui mérite d’être beaucoup plus connu, et ce festival de littérature nous a semblé, avec l’équipe organisatrice, essentiel à maintenir dans cette île aux traditions ancestrales. Nous ne valorisons pas assez ce que nous possédons comme richesse matérielle et immatérielle. Une telle initiative le permet. Avec Sourour Barouni, Marielle Anselmo et Mounira, nous travaillons depuis trois ans sur ce projet et le moment est venu d’accueillir cet événement tant attendu. Notre union féminine s’est formée spontanément.

Pourquoi « Kotouf » et quel impact espérez-vous ?

Les « Kotouf du sud » désignent les cueillette (en arabe) de la pensée, de ce qui est précieux et rare. Ensemble, nous allons procéder à cette cueillette fructueuse. Nous aimerions créer un impact, mettre la littérature au cœur de notre vie, de notre existence avec les invités mondialement connus, à travers nos rencontres et présentations, d’exercer notre intelligence, d’engager le dialogue entre générations et de nous adresser aux jeunes de l’île. Des lycéens, étudiants, élèves seront présents. Les histoires « Hikayet » alimenteront les activités de la manifestation que vous pouvez découvrir en détail sur nos réseaux sociaux. Nos tables rondes seront solennelles et se dérouleront dans un amphithéâtre. Dans un festival, il n’y a pas de temps mort : dans Kotouf, il y aura des intermèdes musicaux, des musiciens, de la cuisine djerbienne, des compositions de musique malgache, et des lectures performées et musicales. Une lecture théâtrale impliquant des élèves aura lieu. Parmi les invités figurent Faouzia Zouari, Hassanine ben Ammou, Nadia Khiari, James Noël, Georgia Makhlouf, Jean-Luc Raharimanana, Emna Belhaj Yahia, Ananda Devi, Tanella Boni, Lotfi Chebbi, Nimrod Bena, Walid Hajar Rachdi, Lise Gauvin, Hafidha Karabiben, Mohamed Mahjoub et bien d’autres. Seize écrivains internationaux et nationaux seront présents : bédéistes, poètes, romanciers, tout en tenant compte de la parité des langues.