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Si SFR disparaît, forfaits de 12 à 20 € dans 3 ans.

Orange, Bouygues et Free ont déposé une offre à 17 milliards d’euros pour se partager SFR. Entre 2000 et 2002, les trois opérateurs ont échangé des informations afin de maintenir des prix artificiellement élevés, ce qui a conduit à une amende de 534 millions d’euros en 2005.


Orange, Bouygues et Free ont récemment fait une offre de 17 milliards d’euros pour acquérir SFR. Dans leurs communiqués, les trois opérateurs affirment vouloir « préserver un écosystème concurrentiel au bénéfice des consommateurs ». Cependant, des doutes subsistent quant à leurs véritables intentions.

Malgré le refus d’Altice de leur offre pour l’instant, Orange, Bouygues et Free garantissent qu’ils n’augmenteront pas les prix si leur rachat de SFR se concrétise. Pourtant, l’histoire récente des télécommunications en France contraste avec ces promesses.

Entre 2000 et 2002, lorsque ces opérateurs se partageaient le marché mobile, ils avaient secrètement échangé des informations pour maintenir les prix à un niveau artificiellement élevé. Cette entente illicite leur a valu une amende de 534 millions d’euros en 2005 et l’arrivée d’un quatrième opérateur sur le marché.

Aujourd’hui, Free, ancien concurrent, se joint à ses anciens rivaux pour aborder la question d’un SFR en morceaux. Cela suscite une certaine méfiance quant à leurs promesses de ne pas augmenter les tarifs.

À titre de rappel, depuis l’entrée de Free en 2012 avec son forfait à 2 euros, le marché français des télécoms a été radicalement transformé. Selon l’Arcep, les prix des services fixes et mobiles ont chuté d’environ 45 % entre 2011 et 2016, avec de nouvelles baisses en 2023-2024.

L’Internet fixe, moins affecté, a vu une baisse de 30 % entre 2012 et 2025. De plus, entre janvier 2024 et octobre 2025, le prix moyen d’un forfait contenant au moins 20 Go de données est passé de 17,30 euros à 12,76 euros, soit une diminution de 26 % en moins de deux ans.

Quant à SFR, sa marque low-cost Red propose des forfaits à partir de 10 euros, ce qui est dérisoire par rapport aux tarifs pratiqués avant 2012, où les forfaits avoisinaient les 40 à 50 euros. En octobre 2025, les prix d’entrée de gamme en fibre optique se chiffrent autour de 26,44 euros, avec un léger recul sur un an.

Les promesses de « préserver un écosystème concurrentiel » de la part d’Orange, Bouygues et Free sonnent creux, surtout en tenant compte de leurs antécédents. Entre 2000 et 2002, les trois opérateurs avaient partagé le marché de la téléphonie mobile tout en maintenant des prix élevés grâce à une coopération secrète. Cette situation a été mise au jour par le Conseil de la concurrence en 2005, entraînant une amende record et la nécessité d’accepter un quatrième opérateur pour casser l’oligopole.

Cela a permis à Free d’entrer sur le marché mobile en 2009, mais aujourd’hui, Free propose de se joindre à ceux qu’il devait contrer, participant à l’acquisition de SFR qui pourrait ramener le marché à trois opérateurs, une situation qui avait justifié son intervention initiale.

Les autorités restent vigilantes. Marc Ferracci, ancien ministre de l’Industrie, a exprimé son inquiétude quant à la protection des consommateurs lors de rumeurs sur le rachat de SFR. L’Autorité de la concurrence a également souligné l’importance du pouvoir d’achat. Benoît Cœuré, son président, a averti que les consommateurs avaient déjà beaucoup souffert de l’inflation et qu’une nouvelle hausse des prix dans les télécommunications ne serait pas bien accueillie.

La Commission européenne surveille également le dossier, car elle est généralement réticente à la réduction du nombre d’opérateurs dans les États membres, considérant qu’au moins quatre opérateurs sont nécessaires pour maintenir une concurrence saine.

Orange, Bouygues et Free tentent de justifier leur fusion en arguant que cela leur permettrait d’investir davantage dans les infrastructures et les nouvelles technologies. Toutefois, selon la Fédération française des télécoms, les investissements représentaient déjà 20 % du chiffre d’affaires en 2023, et les opérateurs français affichent des marges confortables entre 26 % et 40 %.

Malgré cela, ces entreprises n’ont pas besoin d’une fusion pour augmenter leurs investissements. La France est aujourd’hui le leader européen en fibre optique, avec plus de 90 % des foyers couverts, grâce à un environnement concurrentiel. Ce modèle a démontré qu’il était possible d’allier des prix bas pour les consommateurs et des investissements massifs, ce qui contredit les discours des trois opérateurs.

Il est également probable que le rachat de SFR conduise à une hausse des tarifs. Initialement, les opérateurs maintiendront les prix pour obtenir l’aval des autorités, avant de commencer progressivement à augmenter les tarifs, par petites touches, tout en dégradant progressivement les offres low-cost.

Il est à prévoir qu’en trois à cinq ans, les forfaits mobiles standards augmenteront d’environ dix euros. Bien que cela soit en dessous des tarifs d’avant 2012, cela représentera une augmentation significative pour les consommateurs actuels.

Quant à des alternatives pour les consommateurs, les MVNO, qui dépendent des conditions fixées par les grands opérateurs, ne pourront pas échapper à des hausses imposées par ces derniers.

Du point de vue réglementaire, il est théoriquement possible que l’Autorité de la concurrence et la Commission européenne bloquent cette opération. Cependant, les opérateurs ont organisé leur offre de manière à complexifier l’analyse concurrentielle, tout en arguant que sans ce rachat, SFR risquerait de sombrer, ravi de prendre ainsi en compte l’argument du « moindre mal ».

Enfin, une dimension politique peut influencer ces dossiers. Si l’État français juge qu’un oligopole de trois opérateurs est préférable à quatre dont un serait affaibli, cela pourrait faciliter le passage du dossier, même si les autorités de concurrence affirment être indépendantes.