Gouvernement Lecornu II : Philippe Aghion peut-il valider le budget ?
Philippe Aghion a déclaré : « Une interruption d’horloge de réforme des retraites peut être décrétée ; la taxe Zucman est en l’état une mauvaise idée ». À l’Assemblée, 69 députés PS sont présents, permettant potentiellement de renverser le gouvernement.

« Une interruption d’horloge de réforme des retraites peut être décrétée ; la taxe Zucman est en l’état une mauvaise idée » (Aghion, verset 3 : 16).
Dans le contexte tumultueux où le déficit menaçait de provoquer une crise, une voix s’est élevée au sein de la foule, et les partisans du Veau d’Or se sont tus pour prêter attention. Philippe Aghion, récemment couronné Prix Nobel de l’Économie, est-il descendu pour apporter une solution à un Budget 2026 qui semblait déjà difficile à gérer ?
Face au désordre, il a d’abord proposé de suspendre la réforme des retraites jusqu’en 2027, puis s’est montré réservé concernant la taxe Zucman. Ces deux sujets représentent des points de tension politique majeurs, notamment pour le parti socialiste, qui pourrait influencer le sort du gouvernement et, par conséquent, du budget. La France insoumise, le Rassemblement national et d’autres partis se sont déjà prononcés en faveur d’une censure, ne laissant que 24 voix pour obtenir la majorité absolue et renverser Lecornu II. L’Assemblée comprend 69 députés PS, ce qui est suffisant pour bouleverser la situation.
« Quand un Prix Nobel parle, on l’écoute »
Philippe Crével, économiste, ne cache pas son amusement face à la situation : « On cherchait un geste de Dieu, on a, à défaut, un geste d’un Nobel. Et il est vrai que quand un Prix Nobel d’économie parle, on l’écoute ». Espère-t-on une paix divine du côté d’Alexandre Eyries, enseignant-chercheur HDR en sciences de l’information et de la communication à l’Université Catholique de l’Ouest ?
Les économistes sont souvent cités par les partis politiques pour justifier leurs programmes – le Nouveau Front Populaire avait notamment mobilisé une armée d’économistes lors des législatives anticipées – mais Philippe Aghion pourrait offrir une issue à la Macronie : « Cela permet de suspendre cette réforme des retraites explosive, sans corréler cette suspension à une menace de censure, la peur de LFI ou du RN, ou à des querelles partisanes. Cela donne plus de légitimité à la décision d’un report, en la reliant à des propos scientifiques plutôt que politiques. »
Philippe Aghion est-il capable de miracle ?
D’autant plus sur un sujet qui a déjà coûté cher à Michel Barnier, qui a voulu suspendre l’indexation des retraites à l’inflation, et a terni l’image de François Bayrou, qui avait critiqué une France trop douce économiquement avec les « boomers », un blasphème majeur. Concernant la taxe Zucman, sujet tout aussi délicat, Philippe Crével sourit encore : « Aghion fait un peu du macronisme, du »en même temps ». Il ne ferme donc la porte à aucun camp, chacun ayant sa petite concession. »
Aussi symbolique que soit cette coïncidence entre l’apparition d’un Prix Nobel et le vote du budget quelques jours plus tard, Aghion peut-il réellement accomplir des miracles ? Philippe Crével tempère l’optimisme : « Pour moi, la suspension peut résoudre un problème politique, mais ne règle pas un problème financier. Le souci persiste, ce qui pourrait encore créer des hésitations pour le budget. »
« Les Prix Nobel ne font pas la pluie et le beau temps »
Sylvain Bersinger, chef économiste, se montre quant à lui sceptique : « Il y a un léger argument d’autorité supplémentaire avec le tampon du prix Nobel, mais c’était un économiste bien connu. Je ne pense pas que cela change fondamentalement les choses. »
Il rappelle que d’autres économistes français ayant remporté le prix Nobel ces dernières années, comme Jean Tirole ou Esther Duflo, ont publié de nombreux articles économiques sans que ceux-ci soient nécessairement considérés comme des vérités absolues. « Les Prix Nobel ne font pas la pluie et le beau temps », poursuit-il. D’autant plus qu’entre Duflo à gauche et Tirole au centre, chacun a ses partisans et est accusé de défendre ses propres intérêts.
« Pourquoi cela serait-il fondamentalement différent avec Philippe Aghion ? Il ne faut pas minimiser l’impact momentané des Prix Nobel, leur vision et leurs travaux peuvent avoir des conséquences politiques à long terme, mais à un instant T, la parole économique s’efface devant les calculs politiques », conclut l’expert. Tout envoyé céleste qu’il soit, Aghion ne peut pas grand-chose face aux intérêts contradictoires de chaque parti qui pourrait jouer la censure, la dissolution ou même envisager une présidentielle anticipée, souligne l’expert.
Libre interprétation humaine
Alexandre Eyries voit également des limites dans ses déclarations : « Il souhaite vulgariser, et c’est tout à son honneur. Mais en réalité, il généralise pour être compris, ce qui laisse place à l’interprétation. Chaque parti politique peut ainsi interpréter ses déclarations à son avantage. » Ce recul sur la réforme des retraites pourrait être compris, selon ses adeptes, comme la preuve que la Macronie a fait fausse route depuis le début et doit être mise en question. Aux partis donc de décider du budget et d’apporter du crédit, ou du discrédit, à Aghion.

