Belgique

QRÂ : construire une centrale gaz à Flémalle alors que l’Europe vise la neutralité carbone en 2050 ?

Daphné, habitante de la région de Braine-l’Alleud, a interrogé via la page « QR » sur la cohérence des mesures de l’UE concernant l’interdiction des énergies fossiles alors qu’ENGIE a inauguré une nouvelle centrale au gaz à Flémalle. Le gouvernement belge a prolongé jusqu’en 2035 le fonctionnement de deux réacteurs nucléaires, Doel 4 et Tihange 3, pour compenser l’arrêt de cinq des sept réacteurs nucléaires du pays.


Habitante de la région de Braine-l’Alleud, Daphné a posé une question via notre page « QR » : « L’UE adopte progressivement des mesures visant à interdire l’utilisation de toutes les énergies fossiles, y compris le gaz. Or ENGIE vient d’inaugurer une nouvelle centrale au gaz à Flémalle. Est-ce que tout cela a du sens et est cohérent ? Et combien de temps cette nouvelle centrale pourra-t-elle réellement fonctionner en vue des prochaines interdictions européennes ? »

La réponse est assez simple : il n’y a pas le choix. Il faut compenser l’arrêt de cinq des sept réacteurs nucléaires du pays. À la fin de l’année, seuls Doel 4 et Tihange 3 seront encore en activité, et ce jusqu’en 2035, suite à la prolongation de dix ans décidée par le gouvernement De Croo. Cette compensation est d’autant plus cruciale que la demande en électricité devrait doubler d’ici 2050 avec la tendance au « tout à l’électrique ». Les options pour compenser cette perte incluent le charbon, le gaz, le nucléaire ou les énergies renouvelables.

En 2022, le gouvernement a clairement indiqué que le gaz sera essentiel dans le mix énergétique belge aux côtés des énergies renouvelables et du nucléaire. Pourquoi ? Plusieurs éléments l’expliquent. Tout d’abord, le charbon est trop polluant. Ensuite, bien que le gouvernement mise sur les énergies renouvelables, celles-ci ne peuvent pas à elles seules garantir la production nécessaire au pays. Bien que ce secteur soit en forte croissance et batte des records de production chaque année, il présente un inconvénient majeur : sa dépendance aux conditions météorologiques. Une journée sombre et peu venteuse entraîne une chute de la production. Faute de batteries adéquates pour stocker les surplus et les utiliser lors des périodes de faible production, un mode de production alternatif est nécessaire.

Avec la décision de sortir du nucléaire en 2003, le gaz s’est imposé comme une alternative. Cependant, la guerre en Ukraine a modifié la donne. La Belgique a dû réorganiser son approvisionnement pour réduire sa dépendance au gaz russe et l’explosion des prix a impacté le budget des Belges. C’est dans ce contexte que le gouvernement a décidé de relancer le nucléaire pour ne pas être uniquement tributaire du gaz. Deux réacteurs ont été prolongés et le gouvernement de Wever envisage de créer de nouvelles unités de production. Actuellement, rien n’a été lancé et un tel projet prendra du temps. Comptez entre dix et quinze ans pour la construction, sans oublier le processus décisionnel politique, les études et l’obtention des permis. La construction de nouvelles centrales serait donc une piste à long, voire très long terme. En attendant, le gaz garantira l’approvisionnement.

La centrale de Flémalle est présentée comme moins polluante que les générations précédentes. Les émissions seraient inférieures de 20 % selon ENGIE, le gestionnaire. De plus, sa production peut être ajustée, ce qui signifie que son niveau de pollution peut également être contrôlé. Si les énergies renouvelables fonctionnent à plein régime par temps favorable, la centrale peut réduire sa production à 10, 20 ou 50 % de ses capacités, réduisant ainsi sa pollution. En revanche, en cas de besoin, la centrale doit fonctionner à pleine capacité, entraînant une augmentation de la pollution.

Cela dit, cette centrale a été conçue pour fonctionner avec des gaz moins polluants à l’avenir. Elle est conçue pour pouvoir utiliser des gaz bio ou synthétiques, susceptibles d’être combinés avec de l’hydrogène vert. Cela répond à la directive européenne qui vise à remplacer les gaz fossiles par des gaz verts et renouvelables. Avec ces avancées, la centrale pourrait devenir peu ou pas polluante. Cependant, il est encore nécessaire de développer ces gaz et d’atteindre une production suffisante. Ce n’est qu’en relevant ces défis que l’Europe pourra viser la neutralité carbone d’ici 2050.

Cet article a été rédigé en réponse à une question posée directement à la rédaction de la RTBF. Vous aussi, vous pouvez nous faire part de votre curiosité et poser vos questions via le formulaire ci-dessous. Votre sujet pourrait inspirer notre prochain article « Questions-Réponses ».