Belgique

À Auderghem, la police demande à Monia de retirer le drapeau palestinien.

Monia Gandibleux a exprimé sa détermination à ne pas retirer le drapeau palestinien qu’elle a accroché à sa fenêtre depuis octobre 2023, malgré une plainte d’un riverain et les risques de sanctions administratives pouvant aller jusqu’à 500 euros. Lors du conseil communal d’Auderghem le 25 septembre dernier, la bourgmestre Sophie de Vos a précisé que la présence d’un drapeau sur une façade constitue une infraction réglementaire, indépendamment de son contenu ou de sa signification.


« Ce drapeau, il est là, sur ma façade, depuis octobre 2023 », au lendemain des attaques du 7 octobre et de l’invasion de la bande de Gaza par l’armée israélienne. Toutefois, Monia Gandibleux, malgré la demande de la police, déclare : « il est hors de question que je le retire… C’est ma manière à moi, peut-être passive, de soutenir la cause palestinienne et de dire non au génocide qui se déroule sur place. Même si on est loin, même si notre gouvernement ne suit pas, je me tiens près de la population palestinienne. »

Pourtant, cette habitante d’Auderghem, située à quelques mètres de la forêt de Soignes, est consciente qu’elle risque une sanction administrative communale (SAC) pouvant atteindre 500 euros. Un lundi matin, en septembre dernier, un agent de la police Marlow (Uccle, Watermael-Boitsfort, Auderghem) s’est présenté à sa porte. « Il m’annonce », raconte Monia, mère de quatre enfants, alors qu’elle est en plein rush de rentrée scolaire, « qu’il y a une plainte contre ce drapeau et que je dois l’enlever. Le policier semble désolé de devoir faire cela pour ce motif, mais il me dit qu’il est dans l’obligation d’agir. »

Monia apprend que la plainte provient d’un riverain. « Je ne sais pas si on se rend compte de l’aberration de la chose. Ce riverain a visiblement considéré que ce drapeau le heurtait au point d’inonder les autorités de mails, d’appels, et d’aller chercher dans un règlement obscur le fait que l’on ne puisse pas mettre un drapeau à sa fenêtre. »

Cette interdiction existe bel et bien : c’est l’article 55 paragraphe 3 du Règlement général de police commun à l’ensemble des 19 communes, qui stipule : « Sans préjudice des dispositions légales et réglementaires en matière d’urbanisme, il est défendu de placer sur les façades de bâtiments ou de suspendre à travers la voie publique des banderoles, drapeaux, guirlandes lumineuses, calicots ou tout autre dispositif sans l’autorisation de l’autorité compétente. » En résumé, quiconque accroche un drapeau à sa façade, depuis l’extérieur, enfreint la loi sans autorisation.

Cependant, il n’est pas rare de voir des drapeaux ou calicots accrochés aux fenêtres pour montrer un soutien à une cause ou un pays, selon l’actualité. Lors d’une observation du quartier de la RTBF, plusieurs drapeaux ukrainiens ont été remarqués pendants sous des balcons. Les couleurs des drapeaux palestiniens n’ont pas échappé à notre inspection, tout comme l’auraient fait d’autres bannières nationales durant le 21 juillet ou lors d’une Coupe du Monde de football. Peu de personnes savent que cet affichage, qui semble banal, est en réalité interdit.

« Ce qui m’interpelle, » dit Monia, 43 ans et coordinatrice dans une organisation de jeunesse, « c’est que ce règlement n’est jamais appliqué en temps normal. Mais dans mon cas, la police prend le temps de réagir à la demande de ce riverain et fait appliquer ce règlement. Quel manque d’humanité par rapport à ce qui se passe à Gaza ! »

Les événements remontent au mois de septembre, mais à la suite d’un post sur les réseaux sociaux de Monia, qui affiche sans réserve son engagement pro-palestinien, l’incident du drapeau a été évoqué lors du dernier conseil communal d’Auderghem, le 25 septembre dernier.

Interpellée par Alan Lenglet, conseiller communal Ecolo, la bourgmestre DéFi Sophie de Vos a tenté d’expliquer les motivations de la police dans cette affaire. « Le fondement de l’intervention, c’est l’article 55 paragraphe 3 du Règlement général de police qui interdit explicitement la pose de drapeaux, banderoles, calicots ou tout autre dispositif sur les façades visibles depuis l’espace public sans autorisation préalable de l’autorité compétente. La présence d’un drapeau sur une façade constitue donc une infraction réglementaire, indépendamment de son contenu ou de sa signification », a souligné la bourgmestre.

Il n’était donc pas le message qui était visé, précise Sophie de Vos, qui évoque une « neutralité » dans l’intervention, mais un risque d’accident. « Cette disposition vise, selon moi, moins le drapeau ou calicot que le dispositif qui le fixe à la façade pour éviter des chutes sur les passants, que ce soit des mâts de drapeau ou des câbles de luminaires pour illuminer une façade ou un balcon à Noël. »

D’après elle, la police a d’abord informé les occupants concernant la réglementation en vigueur, puis les a invités à retirer volontairement le dispositif. « En cas de refus ou d’absence de réaction, » un procès-verbal SAC est alors établi et « transmis au fonctionnaire sanctionnateur. »

Pour l’heure, Monia Gandibleux n’a toujours pas reçu de procès-verbal, comme l’a confirmé la bourgmestre lors du conseil communal. Cependant, cela n’a pas empêché Monia de maintenir le drapeau palestinien à sa fenêtre.

« Ma réponse à l’idée d’enlever ce drapeau : c’est non, » affirme l’Auderghemoise. « Je ne l’enlève pas. Et s’il faut en mettre davantage, j’en mettrai davantage. J’invite tous nos concitoyens bruxellois à faire de même. Cela ne nous coûte rien. C’est le minimum. Et ça dit : ‘On entend la cause, on voit ce qui se passe, il y a génocide’. Heureusement, ce n’est pas moi qui le dis, mais plusieurs ONG et même l’ONU. Je n’ai toujours pas reçu de p.-v., mais j’avoue avoir un goût de nausée quand j’apprends qu’on fait appliquer un règlement de police pour moi alors que notre gouvernement fédéral ne fait rien pour qu’Israël respecte le droit international. »

Dans le cadre d’un accord entre Israël et le Hamas, la libération des 48 otages détenus à Gaza doit commencer ce lundi. En échange, Israël s’est engagé à relâcher environ 2000 prisonniers palestiniens.