Madagascar : des soldats se joignent aux milliers de manifestants contre la répression
Des soldats ont rejoint samedi les milliers de manifestants dans les rues de la capitale Antananarivo, appelant les forces de sécurité à « refuser les ordres de tirer » sur la population. La police a fait usage samedi de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes pour disperser plusieurs milliers de manifestants.
La crise politique à Madagascar est-elle en train de changer de direction ? C’est la question qui se pose alors que des soldats ont rejoint samedi les milliers de manifestants dans les rues d’Antananarivo. Ces militaires exhortent les forces de sécurité à « refuser les ordres de tirer » sur la population et dénoncent la répression policière.
La manifestation de samedi à Antananarivo a été l’une des plus marquantes depuis le début des mobilisations, le 25 septembre, engagées par le mouvement Gen Z pour protester contre les coupures d’eau et d’électricité, évoluant en un défi à l’autorité du président Andry Rajoelina.
Samedi soir, le nouveau Premier ministre Ruphin Zafisambo a déclaré que le gouvernement, « qui se maintient fermement », était « prêt à collaborer et à écouter toutes les forces : les jeunes, les syndicats et l’armée ». « Madagascar ne pourra pas résister à d’autres crises si cette division entre les citoyens persiste », a-t-il poursuivi dans un bref discours diffusé sur vidéo.
De son côté, la présidence a publié un communiqué affirmant que le président « reste dans le pays » et « continue de gérer les affaires nationales ».
La police a recouru samedi à des gaz lacrymogènes et à des grenades assourdissantes pour disperser plusieurs milliers de manifestants. Certains policiers se sont retirés lorsque des soldats ont pénétré dans la ville à bord de véhicules militaires, certains brandissant des drapeaux malgaches, et ont rejoint la foule.
Le départ des forces de police a permis aux manifestants de se rassembler sur la Place du 13 mai, devant l’hôtel de ville d’Antananarivo. Sur les lieux, le colonel Michael Randrianirina, du CAPSAT (Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques), a accusé la police d’avoir tiré sur ses soldats, blessant un militaire et un journaliste. « Le journaliste a été touché à la fesse, tandis que le soldat est décédé », a-t-il précisé. « À tous ceux qui ont envoyé les gendarmes ici, à commencer par le chef de la gendarmerie, le Premier ministre, le président […] Ils doivent quitter le pouvoir », a-t-il ajouté.
Avant de quitter leur base militaire en périphérie d’Antananarivo, les soldats du CAPSAT avaient appelé à la désobéissance. « Unissons nos forces, militaires, gendarmes et policiers, et refusons d’être payés pour tirer sur nos amis, nos frères et nos sœurs », affirmaient-ils dans une vidéo. En 2009, cette même base avait déjà mené une mutinerie lors du soulèvement populaire qui avait amené l’actuel président au pouvoir.
Après avoir d’abord adopté une approche conciliatrice, puis renvoyé son gouvernement en réponse aux manifestations, Andry Rajoelina a considérablement durci le ton, nommant un militaire comme Premier ministre le 6 octobre et trois nouveaux ministres jusqu’à présent, tous issus des forces de sécurité : ceux des Armées, de la Sécurité publique et de la Gendarmerie.

