Vers l’autonomie alimentaire en Wallonie : changer nos habitudes.
L’étude souligne que l’autosuffisance ne pourra être atteinte qu’en modifiant certains paramètres, notamment en réduisant le gaspillage alimentaire, qui atteint actuellement près de 30% au niveau national. Selon Tom Desmarez, « c’est important de pouvoir prouver la capacité d’un territoire à nourrir sa population » alors que nous dépendons à 80% des importations pour notre alimentation.
L’étude examine notre système alimentaire actuel, qui dépend largement des importations, ainsi que notre régime, riche en produits d’origine animale et nécessitant trop de terres agricoles. Elle explore aussi d’autres scénarios associant différents régimes alimentaires et modes de production agricole.
La question de l’usage des sols se pose donc. « Ne serait-il pas possible de repenser l’allocation des surfaces en Wallonie pour correspondre aux besoins nutritionnels de la Wallonie et Bruxelles ? », s’interroge Tom Desmarez, l’un des scientifiques ayant contribué à cette étude.
Pour répondre à cette question, les chercheurs ont d’abord identifié les besoins alimentaires des deux régions. Ils ont ensuite transformé ces résultats en surfaces nécessaires pour les différentes cultures. Grâce à des outils informatiques, les scientifiques ont tenté d’ajuster la production agricole à la consommation. Les analyses révèlent que l’autosuffisance ne sera réalisable qu’en modifiant certains paramètres.
D’abord, le gaspillage alimentaire, qui atteint près de 30 % au niveau national. De plus, le régime alimentaire actuel « est très carné », riche en calories et composé « de beaucoup d’alimentation transformée », selon Tom Desmarez. En l’état, l’autosuffisance n’est donc pas envisageable, même en réduisant le gaspillage à 10 %.
L’étude indique toutefois que des solutions existent pour atteindre l’autosuffisance.
Tout d’abord, un changement de régime alimentaire. Deux régimes plus durables ont été analysés : le régime TYFA (Ten Years for Agroecology ou dix ans pour l’agroécologie), favorisant une alimentation saine et en phase avec une agriculture agroécologique, et le régime EAT-Lancet (la dernière version lancée il y a une semaine), fondamentalement végétal et conforme aux recommandations de santé publique et aux limites écologiques de la planète.
Le régime EAT-Lancet a finalement été écarté car considéré trop éloigné de notre contexte agricole, notamment en raison de l’importance des terres réservées à la production fourragère. Le régime TYFA paraît donc plus adéquat pour nos régions et constitue une solution intermédiaire entre notre consommation actuelle et le régime EAT-Lancet, davantage végétal. « Cela me semblait plus atteignable et mieux adapté à notre contexte », explique Tom Desmarez.
En résumé, avec le régime TYFA, « on mangerait beaucoup plus végétal » en intégrant davantage de légumineuses pour un apport en protéines. « On consommerait beaucoup moins d’animaux monogastriques », c’est-à-dire le porc et le poulet. Cependant, la consommation de viande rouge serait maintenue, car ces animaux jouent un rôle crucial pour la fertilité des systèmes agricoles. « Sans eux, nous devrions entièrement nous fier aux fertilisants chimiques, notamment azotés », précise-t-il.
Le régime TYFA pourrait ainsi permettre d’atteindre l’autosuffisance « en mobilisant quasiment toute la surface agricole en culture conventionnelle et en tenant compte du gaspillage alimentaire actuel ». Si le gaspillage est réduit à 10 %, l’autonomie alimentaire pourrait être atteinte en utilisant 70 % du territoire.
Il convient de noter qu’avec le système TYFA, l’autosuffisance ne sera pas réalisable avec une production uniquement biologique. Cependant, l’étude suggère qu’il est possible d’y parvenir si la population adopte le régime EAT-Lancet, si le gaspillage alimentaire est significativement diminué, et si les terres sont allouées et gérées de manière optimale.
Quant à la question de l’autosuffisance par rapport à la sécurité alimentaire, Tom Desmarez admet que la première n’est pas prioritaire, mais que la seconde l’est. « Il est essentiel de pouvoir démontrer la capacité d’un territoire à nourrir sa population. » Actuellement, 80 % de notre alimentation provient d’importations.
Il est également conscient des réalités économiques et des partenaires commerciaux, et du risque de mauvaises années qui renforce l’importance de maintenir les échanges externes. Les importations offrent aussi une plus grande variété alimentaire.
En conclusion, Tom Desmarez souligne la nécessité de redevelopper notre autonomie pour garantir notre propre sécurité, surtout dans le contexte actuel. « On constate que nos partenaires commerciaux, fiables depuis des décennies, ne le sont pas toujours autant qu’on l’espère et que la situation peut changer du jour au lendemain. »

